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Belgique : Face au Vlaams Blok, un cordon sanitaire très élastique
En Belgique, le ministre des Affaires intérieures du gouvernement régional flamand a dû démissionner. Ce ministre est en fait surtout chargé de l'aménagement du territoire, la police restant encore du ressort fédéral. La presse a révélé que Johan Sauwens avait participé deux jours auparavant au congrès de l'amicale des anciens volontaires ayant combattu la Russie communiste sous les ordres des SS, regroupant d'anciens nazis et collaborateurs belges, en présence de sympathisants d'extrême droite venus de toute l'Europe. Le Vlaams Blok, le parti flamand d'extrême droite, s'est empressé de faire diffuser largement une cassette vidéo où le ministre applaudit les discours de ces nostalgiques d'Hitler.Les autres membres du gouvernement, surtout socialistes et Verts, se sont publiquement indignés. Mais Johan Sauwens n'est pas un nouveau venu. Militant nationaliste flamand, député de la Volksunie et ministre depuis plus de dix ans, aucun des responsables des partis politiques flamands qui siégeaient à ses côtés ne pouvait ignorer ses sympathies pour l'extrême droite, d'autant moins que la Volksunie est un sas entre la droite flamande classique et le Vlaams Blok ultranationaliste, raciste et xénophobe.
Le Vlaams Blok ne commence à freiner les gesticulations ouvertement pronazies d'une partie de ses membres que depuis quelques années, pour attirer à lui, sur les thèmes de la défense de la morale et de la sécurité, les électeurs de la petite bourgeoisie conservatrice. Cela lui a réussi pour les dernières élections législatives et communales, où il a gagné ce nouvel électorat, sans perdre l'ancien.
Il y a quelques semaines, le président du Vlaams Blok a dû démissionner le vice-président, Roeland Raes, qui, lors d'une émission à la télévision, avait mis en doute "l'aspect systématique" des persécutions des Juifs, ainsi que le nombre de Juifs tués au cours de la guerre mondiale.Mais il conserve sa place de sénateur !
Le problème auquel sont confrontés les trois grands partis traditionnels flamands, Sociaux-Chrétiens, Libéraux et Socialistes, qui se sont partagé le pouvoir ces cinquante dernières années, en perdant beaucoup d'électeurs, c'est que le Vlaams Blok, avec 15,4 % des voix, est devenu le second parti de Flandre, devançant même de peu le Parti Socialiste.
Cela donne à la Volksunie (nationalistes constitutionnels) et aussi à Agalev (les Verts flamands), un poids qui dépasse celui de leur électorat. Car ils sont devenus indispensables pour former certaines majorités. Et la Volksunie utilise cette possibilité à plein.
En mettant en balance leurs voix pour ou contre le dernier accord de refinancement de la Communauté française (en charge surtout de l'enseignement et de la culture de la Wallonie et de Bruxelles) qui nécessite le vote des deux tiers de la Chambre, 4 des 8 députés de la Volksunie vont peut-être réussir à imposer qu'il y ait toujours au moins un représentant flamand dans l'exécutif des dix-neuf communes composant Bruxelles, et ce presque quel que soit le résultat des élections. Cela va dans le sens de la revendication des nationalistes flamands de la Volksunie, et encore plus du Vlaams Blok, de réintégrer à terme Bruxelles dans la Flandre, comme elle l'était il y a trois siècles.
Alors il est évident que les milieux gouvernementaux, fédéraux comme régionaux, n'ont aucune envie de chatouiller la susceptibilité des représentants de la Volksunie en discutant des idées politiques des membres que ce parti propose pour les places dans les ministères. Mais c'est comme cela que, tout en étant exclu des combinaisons gouvernementales et communales, le Vlaams Blok a une influence directement sur ces pouvoirs.
Cela s'ajoute à la pression permanente que le VB exerce sur les partis au pouvoir tentant de regagner les électeurs sur le même terrain que lui. La lenteur scandaleuse mise pour la régularisation des sans-papiers qui en avaient fait la demande et les reconduites spectaculaires d'immigrés par avion, entraînant la mort d'au moins une d'entre eux, en est la conséquence.
Quant à la pratique gouvernementale continuellement émaillée de provocations nationalistes et de négociations communautaires opaques, elle ne peut que convaincre les électeurs nationalistes qu'il vaudrait mieux en finir une fois pour toutes avec cette Belgique qui donne l'impression d'être ingouvernable.
En réalité, la grande majorité de la population, dans tout le pays, est lasse de ces jeux et des affrontements stériles de la classe politique. Même les Verts, qui ont fait la démonstration de leur absence de fermeté et de leur capacité à avaler les couleuvres, perdent une partie du petit crédit qu'ils avaient engrangé.
Reste que la veulerie de la classe politique et les mécanismes institutionnels pourraient amener le Vlaams Blok à accéder au pouvoir, ne serait-ce que dans quelques grandes villes, y compris Anvers ; ce qui pourrait lui ouvrir la voie au moins vers le gouvernement flamand, avec tout le danger qu'entraînerait la banalisation des idées réactionnaires que véhicule ce parti.