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Dans la presse : Un zombie du trotskysme
Le journal Le Monde (5 mai 2001) a ouvert ses pages "Horizon-débat" à un certain François Morvan qu'il présente comme ancien dirigeant de la LCR et animateur de la revue Utopie Critique pour un article intitulé "Les fantômes du troskysme" et intégralement consacré à la critique de Lutte Ouvrière et de la LCR.
Effectivement François Morvan, militait sous le pseudonyme de Dietrich, au comité central de la LCR.
Quant à Utopie Critique, sa présentation Internet tient à nous apprendre que François Morvan en est membre du comité de rédaction ainsi que cancérologue de son état. Les rédacteurs de cette revue disent s'inscrire "dans la dynamique d'une gauche républicaine qui combinera république politique et république sociale". Ce n'est pas étonnant qu'elle soit citée sur le site du Mouvement des Citoyens de Jean-Pierre Chevènement.
En ce qui concerne la LCR, ce qu'il en dit est pour le moins étonnant pour quelqu'un qui a été coresponsable de sa politique pendant de nombreuses années et cela, jusqu'à une période très récente.
"La pensée politique" de la LCR se serait "écroulée avec la disparition de l'URSS dont elle n'a compris ni les racines ni les conséquences", écrit-il. Pourtant à l'époque de l'éclatement de l'URSS, il y a presque dix ans, Morvan alias Dietrich était encore à la direction de cette organisation. A-t-il dormi au CC sans avoir conscience des événements durant tout ce temps ? A moins qu'au milieu des ruines de la pensée politique du comité central de la LCR, celle de Dietrich ait seule émergé telle un pic majestueux.
Il écrit aussi qu'il y a dans la LCR "rien de clandestin, un débat pluraliste interne et public, un brassage d'idées qui peut être sympathique et beaucoup de riches individualités". Les "riches individualités", il doit estimer qu'il en était ! Quant au débat "public" il n'a guère révélé qu'à la tête de la LCR il y avait des gens professant les idées de Morvan.
L'un de ses reproches actuels envers la LCR est qu'au "nom d'une dogmatique antiétatique et antinationale, la LCR manifeste chaque fois qu'elle en a l'occasion son refus de peser sur sa famille, la gauche, pour qu'elle agisse ici et maintenant, c'est-à-dire dans le cadre d'une nation qui a depuis deux siècles symbolisé quels que soient ses avatars et ses dérives, une démocratie "forte"".
Une "dogmatique antinationale", à qui a-t-il emprunté ce langage ? Un refus d'agir "dans le cadre d'une nation qui a depuis deux siècles symbolisé, quels que soient ses avatars et ses dérives, une démocratie "forte"".
Des "avatars", les massacres d'ouvriers de juin 1848 et de la Commune ? Des "avatars", les massacres des guerres coloniales de l'impérialisme français à la conquête de l'Afrique noire et de l'Algérie au xixe siècle ! Des "avatars" la guerre du Rif contre les tentatives d'indépendance du Maroc ? Des "avatars" en Indochine, l'ignominie du travail forcé dans les plantations d'hévéas au profit de la famille Michelin accompagné de sévices corporels et sous la menace du sinistre bagne de Poulo Condor. Un "avatar" la guerre d'Indochine ! Autres "avatars" les tortures et exécutions sommaires de la guerre d'Algérie...
Des propos qui ne sont pas sans rappeler d'autres "détails" de l'histoire, décidément bien curieux sous la plume de quelqu'un qui a milité pendant des années à la direction de la LCR, qui s'affirme "section française de la IVe Internationale" !
Si Dietrich-Morvan arrive vraiment à concilier ses ex-idées internationalistes affichées, "dogmatiques" ou pas, avec ses nouvelles convictions nationales, ce n'est pas seulement un retournement de veste, c'est de la schizophrénie.
Mais le reproche essentiel que Morvan-Dietrich fait à la LCR c'est que "tout en se voulant "100 % à gauche", le trotskyme résigné de la LCR rejoint Lutte Ouvrière et sa société semi-secrète pour annoncer à l'avance que leur choix est fait : l'abstention au second tour de la Présidentielle de 2002, quelle que soit sa configuration."
Décidément, ce qui remue Dietrich-Morvan, après François Hollande le secrétaire du Parti Socialiste, Jack Lang le ministre socialiste de l'Education et Daniel Vaillant le ministre socialiste de l'Intérieur, c'est le risque que l'extrême gauche nuise à Lionel Jospin au deuxième tour de la Présidentielle de 2002. C'est bien la première fois que cela leur fait aussi peur à tous, et c'est tant mieux !
De plus, Morvan-Dietrich était encore à la direction de la LCR quand il a cosigné, en avril 1999, une tribune dans Le Monde (encore une) pour prendre certes position contre les bombardements sur la Serbie, ni d'un point de vue internationaliste ou même humaniste mais du point de vue "souverainiste", mot à la mode pour désigner ce nationalisme décrépit dont il reproche à la LCR de ne pas se réclamer et dont Chirac et Pasqua font leurs choux gras. La tribune portait d'ailleurs le titre de "Et la France dans tout cela ?".
Parmi les cosignataires, il y avait Didier Motchane, vice-président du MDC (de Chevènement), Paul-Marie Couteaux, élu sur la liste Pasqua-De Villiers au Parlement européen et Henri Guaino, inventeur paraît-il de la formule "fracture sociale" pour le compte de Chirac.
On peut continuer le parcours de Morvan-Dietrich par son adhésion à la "Fondation Marc-Bloch" dont, d'après son secrétaire Philippe Cohen, journaliste à Marianne, la vocation est de "mobiliser les républicains des deux rives" (les deux rives, c'est évidemment la gauche et la droite !).
On se demande d'ailleurs, puisqu'il s'agit de mobiliser les républicains de gauche et de droite, pourquoi Morvan-Dietrich accuse la LCR et Lutte Ouvrière d'être coupables du crime de "l'abstention proclamée d'avance" qui serait "la politique du pire..." au deuxième tour de la Présidentielle. Apparemment son adhésion à ce groupe de "souverainistes" puis à sa direction, n'avait pas encore signifié la rupture avec la LCR, ni d'un côté ni de l'autre, puisque pour le comité central de la LCR des 5 et 6 juin 2000, une déclaration cosignée par lui défendait les "souverainetés nationales démocratiques" et, en passant, se félicite de ce que "des personnalités gaullistes soi-disant infréquentables... se retrouvent parmi les promoteurs et les signataires" d'une résolution au Parlement européen contre la taxe Tobin (note de LO : il s'agit notamment de Pasqua).
Le 5 février 2000 Morvan-Dietrich ne critiquait encore la LCR que du dedans même s'il se plaignait "qu'on a fait de notre courant un ennemi qui s'est mis de lui-même en dehors du parti", se félicitant cependant que "fort heureusement, une majorité fidèle à une conception démocratique de l'organisation révolutionnaire a refusé la demande de notre exclusion".
Par contre, la presse a fait état de sa présence à l'université d'été de l'an 2000 du Mouvement des Citoyens, où il a joué le rôle de l'interlocuteur privilégié du pasquaien Paul-Marie Couteaux, le cosignataire de la tribune du Monde de 1999, venu en "voisin politique" y faire un discours (cf. Libération du 4 septembre 2000).
Chevènement, dans son discours à cette même université d'été, a invité "François Morvan et ses amis de l'Utopie Critique (...) à participer à cette entreprise. La république est le chemin par lequel leur exigence intacte pourra avancer", en soulignant par ailleurs l'importance du "dialogue avec les républicains de l'autre rive" et en se félicitant de la présence de Paul-Marie Couteaux.
En ce qui concerne sa critique de Lutte Ouvrière Morvan-Dietrich ne se fatigue pas pour être original et répète des âneries qui traînent partout : "LO n'est pas un parti démocratique, c'est une mouvance de sympathisants organisés par le véritable parti qui, lui-même, n'apparaît jamais au grand jour, ne possède aucun siège public, dont les débats internes restent confidentiels. Ce mode d'organisation a sa logique : LO résume son programme politique à la répétition... de la Révolution d'Octobre 17 et des soviets, et bâtit à cette fin une organisation semi-clandestine préparant indéfiniment le grand soir".
Quel est donc le parti qui n'aurait que des militants ou des adhérents et personne qui sympathise avec ses idées autour de lui sans y militer ou sans y adhérer ?
Morvan n'a peut-être pas beaucoup de sympathisants autour de lui, ce qui expliquerait sa recherche d'un point de chute au MDC, ou ailleurs, pour faire éventuellement une carrière politique, comme quelques autres, avant lui, l'ont fait.
Mais si le "véritable parti LO n'apparaît pas", pourquoi Morvan a-t-il, pendant des années (25 ans environ), milité à la LCR sous le pseudonyme de Dietrich (comme de nombreux militants et dirigeants de la LCR) ? Pour préparer le grand soir ? Pour que les militants de la LCR en l'envoyant au comité central ne sachent pas pour qui ils votaient ? Ou bien encore pour que ses confrères cancérologues ne sachent pas quel rôle il jouait à la tête de la LCR ? Depuis qu'il se place du côté de Chevènement, c'est sans doute bien plus respectable, selon lui, pour apparaître au grand jour.
Comment ferions-nous pour présenter des centaines, voire des milliers de nos camarades, systématiquement, aux élections depuis plus de 20 ans, en faisant en sorte que le "véritable parti n'apparaisse jamais au grand jour" ? Nous ne présenterions donc aux élections régionales, aux élections législatives, que des sympathisants et jamais nos dirigeants ? Dietrich-Morvan répète là ce qui a traîné dans la presse et traîne peut-être dans certains milieux de la LCR.
Pourtant, lorsqu'il était au comité central de la LCR il était bien placé pour savoir que les congrès de la LCR se tiennent essentiellement à huis clos. Au dernier de juin 2000, la moitié du temps du congrès s'est déroulé à huis clos. Ce n'est pas un reproche, mais il est évident que comme pour tout parti politique c'est dans les séances à huis clos, où personne n'est admis y compris la presse, que les discussions et les décisions les plus importantes se déroulent. Alors Lutte Ouvrière est moins hypocrite c'est tout, mais en plus des délégués élus dans les assemblées locales, plusieurs centaines de militants assistent à l'intégralité de nos congrès car il n'y a pas de huis clos pour eux.
Lutte Ouvrière n'a pas de siège public et la LCR en aurait un ! En réalité ni LO, ni la LCR n'en ont un à leur nom et, ni l'une ni l'autre, hébergées toutes deux par des sociétés commerciales, n'ont de plaque sur leur porte.
Lutte Ouvrière n'est pas à l'annuaire, mais la LCR non plus ! Pour s'en convaincre, il suffit de composer le 3611 au Minitel. Et à qui l'administration demanderait-elle des comptes de parti si nous n'avions pas d'adresse ? Bien sûr une adresse figure dans Rouge et pas dans Lutte Ouvrière, mais c'est simplement parce que nous ne pouvons recevoir, faute de permanents disponibles, que sur rendez-vous.
Nous pourrions ajouter un certain nombre d'autres exemples mais cela n'en vaut pas la peine. De toute façon, étant donné les amitiés politiques de Morvan- Dietrich, il a raison de reprendre sa véritable identité pour mieux abandonner un passé qui n'est peut-être d'ailleurs pas le sien car a t-il jamais été trotskyste, c'est- à-dire communiste et révolutionnaire ?
Sur le fond Morvan-Dietrich, sûrement meilleur cancérologue - (il est ou était il y a peu chef de service dans un centre hospitalier, attaché de consultation dans un grand hôpital parisien et fait ou faisait quelques extras dans une clinique privée) - que politique, écrit : "Car l'électrice et l'électeur séduits par la dénonciation des abandons - hélas bien réels - de la gauche dominante, qui espéreraient voir dans les campagnes d'Arlette Laguiller un moyen de transformer la gauche et de la faire agir autrement, en seront pour leurs frais, Arlette Laguiller annonce ainsi à chaque campagne qu'elle va créer un nouveau "parti des travailleurs". Elle s'adresse en particulier aux membres du Parti Communiste qui n'en peuvent plus de voir ce qu'il y a eu de meilleur dans l'espoir communiste dilapidé dans une sorte de néo-christianisme social, avalant une à une les couleuvres du libéralisme.
Mais ce nouveau parti ne verra pas le jour : ce serait le risque pour les clandestins d'un trotskysme fantôme de se confronter à la réalité, et ce serait renoncer à la mythologie de la prise du Palais d'hiver."
Morvan-Dietrich a appartenu pendant vingt-cinq ans à une organisation qui n'a pas brillé par sa réussite dans la construction d'un parti et, surtout, d'une "Internationale" qui n'ont vu le jour que "sur le papier". Cela ne l'a pas empêché de dormir, et ne le fait pas s'interroger sur les militants et sympathisants qu'il aurait "séduits" lors du militantisme de sa vie antérieure.
Si Morvan, du temps où il s'appelait Dietrich, s'était réellement attelé à la construction d'un parti véritable et, a fortiori, d'une Internationale, il se serait rendu compte que ce n'est pas chose si facile qu'on puisse nous accuser de ne pas réussir.
En fait, il vaut mieux qu'il se soit consacré sérieusement à la cancérologie qu'à son violon d'Ingres "communiste révolutionnaire" séquelle post-soixante-huitarde.