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Portugal : Alternance en vue, pour une même politique
Le président de la République portugaise, le socialiste Jorge Sampaio, a dissous l'Assemblée nationale et convoqué des élections législatives anticipées, jugeant sans doute que le mécontentement populaire permettrait au PS de retrouver une majorité au Parlement, ce qui lui permettrait de revenir au gouvernement.
À part quelques provocations destinées à plaire à son électorat, la droite a mené la même politique que le PS auquel elle avait succédé au gouvernement, et recueilli la même impopularité. En juillet dernier, le Premier ministre Durao Barroso avait démissionné de son poste pour prendre la présidence de la Commission européenne.
Sampaio avait alors refusé de dissoudre l'Assemblée, comme le lui demandait toute la gauche, victorieuse aux élections européennes. Il attendit pour dissoudre le Parlement que la zizanie s'installe au sein du gouvernement, que les milieux patronaux se plaignent et qu'une partie de la droite critique son Premier ministre.
Le PS a donc de bonnes chances de revenir au pouvoir. Les sondages lui donnent presque 50% des intentions de vote, contre 32% au parti de droite, le PSD. Mais un changement de ministres et de majorité parlementaire ne changera rien aux problèmes.
La crise économique continue, aggravant les difficultés des couches populaires. Le chômage augmente: plus de 400000 chômeurs officiels, pour 10 millions d'habitants. Et à ce chiffre, il faut ajouter le sous-emploi chronique à la campagne, les emplois précaires et à temps partiel, les salariés prétendument à leur compte (les "prestataires de services") qui sur leurs maigres revenus doivent financer leur retraite et leur Sécurité sociale.
La crise frappe également les artisans et commerçants. Les fonds européens, qui avaient permis une certaine prospérité dans les années 1990, sont taris. Même le tourisme, une des ressources du pays, est en chute libre.
Les conditions de travail restent mauvaises. Le Portugal détient le record européen des accidents du travail: chaque année, près de 300 morts et des dizaines de milliers d'estropiés. Cela n'empêche pas les licenciements, les fermetures d'entreprises. Les patrons bafouent la législation du travail et ils bénéficient de la complicité d'une administration corrompue.
La dégradation de la prise en charge de la Sécurité sociale aboutit à de véritables drames. Des centaines de milliers de malades sont en attente d'une opération dans les hôpitaux publics. Il y aurait la solution des cliniques privées, mais là il faut payer de sa poche. Certains qui voudraient aller se faire soigner dans l'Espagne voisine, qui dispose de places dans ses hôpitaux, n'obtiennent pas l'accord de la Sécurité sociale portugaise. Les ministres de la Santé successifs se sont ingéniés à supprimer des postes dans les hôpitaux des villes moyennes et les dispensaires des zones rurales.
La corruption est un vrai problème national. La gendarmerie (GNR) et la police sont impliquées dans de nombreux scandales. Parce qu'elle a touché le monde de la politique et du spectacle et que son procès commence, les médias parlent de l'affaire de pédophilie de la Casa Pia de Lisbonne, une institution en faveur de l'enfance abandonnée. Mais la corruption est à un tel point générale que l'ancien président de la République, Mario Soares, démagogue s'il en fut, a appelé à manifester contre les mafias qui gangrènent l'administration, disant même que la situation est pire que sous la dictature salazariste.
Cette dégradation des conditions de vie et de travail des classes populaires va sans doute ramener le PS aux affaires. Mais ni le passé du PS, ni son discours actuel ne permettent la moindre illusion sur la politique qu'il mènera. Pour passer de l'alternance à un changement réel, il faudra bien autre chose que cette alternance politicienne.