- Accueil
- Lutte ouvrière n°2139
- Recours à la sous-traitance : Sous-traiter pour... surexploiter
Leur société
Recours à la sous-traitance : Sous-traiter pour... surexploiter
Les 366 travailleurs de l'entreprise d'usinage de pièces automobiles New Fabris située à Châtellerault, mise en liquidation judiciaire, continuent de se battre pour obtenir, entre autres, une indemnité de 30 000 euros auprès de PSA et Renault pour qui l'usine travaillait à 90 %. Comme eux, on a vu dernièrement nombre de travailleurs d'entreprises sous-traitantes s'attaquer non seulement à leur propre patron, mais aussi à ceux qu'on appelle les « donneurs d'ordre », les grands groupes dont ils dépendent. Ce qui est parfaitement légitime.
Tous les sous-traitants ne sont pas de petites entreprises. Le terme désigne en fait des situations très différentes. Certains sous-traitants ne sont en fait que des filiales de grands groupes, mais permettent à ceux-ci d'échapper à leurs responsabilités directes. C'est le cas par exemple, dans l'industrie automobile, de Faurecia dont Peugeot possède plus de 40 % des actions et dirige donc totalement la société. Certains sous-traitants sont aussi des grandes sociétés, même si leurs salariés sont dispersés dans un grand nombre de sites. Et enfin, certains autres sous-traitants sont vraiment de petites entreprises. Mais pour les donneurs d'ordre, la finalité de l'opération est toujours la même.
Ce n'est évidemment pas un hasard si toutes ces dernières années, la plupart des grandes entreprises ont sous-traité, externalisé dit-on également, un grand nombre d'activités. C'est le cas du groupe PSA qui a ainsi sous-traité nombre de ses activités dont le nettoyage des installations « confié » à une multinationale, spécialisée, ISS, ou encore une partie de l'activité de logistique interne qui revint durant plusieurs années à sa filiale à 99,9 %, Gefco, spécialisée jusque-là dans les transports externes par camions. C'est aussi le cas d'ADP, Aéroport de Paris à Roissy, qui regroupe des milliers de salariés et où tout est sous-traité ou presque, les bagages, le gardiennage, le nettoyage, l'approvisionnement des avions, la sécurité, jusqu'au transport des passagers vers les avions.
Bien évidemment il s'agit d'abord pour les patrons de ces grands groupes, « donneurs d'ordre », de tenter de diviser les travailleurs. Sur le même site se côtoient des travailleurs qui ayant changé de patron n'ont plus, de ce fait, ni la même paie, ni les mêmes conditions de travail, ni les mêmes conditions de licenciement, comme les salariés qui gèrent le stock de pneus Continental, sur le site même de l'usine de Clairoix, dans l'Oise, mais dont le patron est le groupe UTI, et qui se battent aujourd'hui pour obtenir de ne pas être jetés à la rue sans rien.
Le recours à la sous-traitance permet également de faire baisser encore les coûts de production. Ainsi une pièce, un collecteur d'échappement pour de petites cylindrées fabriqué par New Fabris, est vendue 9 euros au « client » de l'industrie automobile. Selon des sources syndicales, cette pièce fabriquée par PSA revient à 46 euros pour finir sur les étagères des concessionnaires au prix de 265 euros ! Les donneurs d'ordre lancent ainsi des appels d'offre mettant en concurrence les sous-traitants qui, pour arracher le « marché », n'hésitent pas à imposer les plus bas salaires à leurs ouvriers, à ne faire appel qu'à des contrats précaires, à des travailleurs souvent peu, voire pas qualifiés pour le travail demandé. De ce fait, nombre de problèmes de sécurité surgissent. Ainsi dans le cas de l'usine AZF de Toulouse, les dangers du recours à la sous-traitance avaient été dénoncés depuis longtemps ; en 1980, le site comptait 1 450 salariés, en 2001 ils n'étaient plus que 450 au milieu des interventions de 238 entreprises sous-traitantes. De même, dans le secteur du nucléaire, 20 000 salariés travaillent en permanence pour des sous-traitants aux côtés de travailleurs embauchés par EDF, souvent aux tâches les plus dures sans avoir les mêmes salaires que le personnel d'EDF ni surtout les mêmes conditions de travail et de sécurité.
Quand un problème survient, les PSA, Renault, Total, ou autres entreprises privées, ou même publiques, peuvent prétendre que tout cela n'est pas de leur responsabilité. Récemment, la SNCF qui embauchait depuis 4 ans des maîtres-chiens par l'intermédiaire d'une société privée, Vigimark, employant des travailleurs sans papiers, dans des conditions inhumaines et sans contrat de travail ni fiche de paie, a tenté de faire la sourde oreille jusqu'à ce que le scandale éclate au grand jour.
Mais ce recours à la sous-traitance qui a permis à tous ces grands groupes de faire encore plus de profit pourrait bien se retourner contre eux : l'exemple des travailleurs d'entreprises sous-traitantes qui ne se laissent pas faire est parfois très contagieux.