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États-Unis : l’ouragan Harvey, un désastre social
Nous publions ci-dessous l’éditorial, en date du 4 septembre, du bi-mensuel trotskyste américain The Spark.
L’ouragan Harvey et les inondations qui en ont résulté ont provoqué la dévastation de Houston et de sa région. Déjà 66 personnes sont décédées, plus de 42 000 dorment dans des hébergement d’urgence. On compte 185 000 logements détruits ou endommagés, 200 000 personnes privées de courant électrique et des centaines de milliers sans eau courante. Malgré le nombre considérable de gens qui se portent à leur aide, des évacués se plaignent d’un manque de lits pour dormir et de ne pas avoir accès à des sanitaires.
On peut craindre que les problèmes s’accumulent. L’inondation du système d’égouts et le débordement d’eaux sales peut mener à la contamination des puits individuels, qui sont nombreux dans la région. La zone possède une grande industrie chimique et pétrolière, avec près de 500 usines et des transports de marchandises à grande échelle. Les raffineries endommagées ont déjà relâché plus de 1 000 tonnes de produits chimiques dans l’atmosphère. L’incendie de l’usine Arkema n’est qu’un exemple. Que les gens puissent retourner dans leur logement endommagé ou non, ils sont exposés à ces pollutions.
Puis viendra l’effort de reconstruction, forcément coûteux, pour lequel la grande majorité des propriétaires de maison ne sont pas préparés. Une association de consommateur estime que seuls 20 % des propriétaires affectés par Harvey sont assurés contre les risques d’inondation. C’est pire que ce qui s’est passé à la Nouvelle-Orléans en 2005, où la moitié des habitations inondées par l’ouragan Katrina étaient couvertes.
Le gouvernement et la plupart des médias patronaux voudraient que l’on croie que Harvey était un ouragan extraordinaire et imprévisible : un désastre naturel qui ne pouvait être évité. La région de Houston est une zone urbanisée de 1 500 kilomètres carrés habitée par 6,5 millions de personnes. Son système de transport est basé sur des autoroutes, elles-mêmes inondées lors des grandes pluies. C’est pourquoi les politiciens ne pouvaient dire aux gens d’évacuer, de peur de provoquer des bouchons au point que les automobilistes auraient été coincés et submergés dans leurs véhicules.
Il est vrai que la façon dont le développement de Houston a été pensé, ou plus exactement l’absence d’un aménagement urbain cohérent, a contribué au désastre. Et c’est un mensonge que de prétendre qu’il n’était pas prévisible. L’extension des zones urbaines a pour conséquence qu’en moyenne dans les villes américaines 40 % des terrains ne peuvent absorber l’eau, comme le font naturellement les prairies. À Houston, où ce pourcentage est pire encore, le sol qui n’est pas cimenté est constitué naturellement d’argile, ce qui empêche l’absorption de l’eau.
L’augmentation de la fréquence des grosses précipitations est au moins en partie liée au changement climatique. Les scientifiques avaient prévenu, même si certaines conséquences arrivent plus vite qu’ils ne le croyaient. Si la presse et les climatologues le savent, les politiciens aussi. Mais ils ont constamment soutenu la croissance de l’industrie et des transports de marchandises dans les zones côtières qui étaient auparavant protégées des inondations par leurs prairies. Ils se sont opposés à toute réglementation environnementale visant à prévenir les inondations, si cela limitait les profits. Ils ont financé les autoroutes pour transporter les gens vers des zones où les terrains, pour les logements et l’industrie, sont peu chers au Texas.
Dans une société rationnelle, des mesures seraient prises pour réduire les émissions de gaz menant au réchauffement climatique. Les pouvoirs publics imposeraient la préservation des prairies côtières en zone inondable. Des méthodes existent pour concentrer et réutiliser l’eau de pluie, comme la construction de vastes réservoirs sous les terrains dégagés ou les stades. Pour prévoir l’évacuation d’urgence de la population, le développement de transports publics peut être planifié.
Nous vivons dans une société qui n’a même pas la capacité d’organiser le secours aux victimes, comme les gens ordinaires ont pu le faire de leur propre initiative ; ni d’utiliser les progrès technologiques pour la protection des êtres humains, car les profits sont prioritaires. Les conséquences de l’ouragan Harvey pour la population de la région de Houston montrent que le capitalisme est une organisation sociale dépassée, dont on doit se débarrasser.