L'Irak, enjeu et victime des grandes manoeuvres de l'impérialisme
Au sommaire de cet exposé
Sommaire
- Dès le 19e siècle, au centre des rivalités entre puissances coloniales
- La mise en pièces de l'Empire ottoman
- De l'occupation anglaise à la mise sous tutelle
- Les Kurdes, victimes du réglement politique et des intérêts pétroliers
- L'offensive de l'impérialisme américain
- 1936 - La mobilisation des masses pauvres
- Le PC irakien et l'agitation de l'après-guerre
- De la Guerre Froide à la chute de la monarchie
- La « révolution » de 1958
- Le soutien suicidaire du PCI à Kassem
- 1963 - Le massacre des communistes
- Le baassisme, un nationalisme arabe radical
- 1968 - Le Baas s'installe au pouvoir
- Un régime « progressiste » ?
- La liquidation du Parti Communiste
- Vers la dictature personnelle
- À la recherche des bonnes grâces de l'impérialisme
- Le tournant de 1979
- Le prix de la guerre pour les populations
- 1990-91 - la guerre du Golfe
- Le tournant du 11 septembre 2001
D'après les commentateurs, les élections américaines de ce 3 novembre 2002 pour le Congrès, le Sénat et les postes de gouverneurs, ont été un véritable triomphe pour Bush junior. Il y a une bonne dose d'intox dans cette présentation car, si Bush a fait mieux que lors de son élection à la présidence - ce qui n'a pas été difficile - ça n'a tout de même pas été un raz-de-marée. Mais le système électoral étant ce qu'il est, le président américain dispose désormais d'une majorité dans les deux assemblées. Seul, Chirac a fait mieux, dans les circonstances que l'on sait.
Est-ce que ce consensus autour de la personne de Bush, cet alignement derrière la politique guerrière qu'il entretient depuis un an, feront que la préparation de la guerre contre l'Irak sera poussée jusqu'au bout, jusqu'à l'invasion de l'Irak ? Ou, au contraire, est-ce que Bush, ce président si mal élu, avec moins de voix que son adversaire lors de la présidentielle, se contentera des retombées intérieures de sa politique extérieure et qu'il en restera à brandir la menace et à faire entendre le cliquetis des armes dans la région ?
Nous ne répondrons pas, ce soir, à ces questions. Nous n'avons pas les moyens de sonder le cerveau et la conscience du président américain, si toutefois ces mots conviennent à propos de ce personnage. Mais, à bien des égards, l'état de guerre est déjà là.
Il est là par la mobilisation de l'opinion publique américaine, soumise depuis le 11 septembre à une intense campagne de mensonges et d'intoxication guerrière. Il est là aussi, et bien plus matériellement, mais les deux sont liés, par la présence d'énormes forces militaires autour de l'Irak. Il est là par la mobilisation diplomatique à travers laquelle les États-Unis sont en train de faire passer leur politique auprès de leurs alliés.
Vous le savez, Chirac présente comme une victoire diplomatique le fait que la résolution présentée aujourd'hui par les États-Unis devant l'ONU tienne compte, dans sa forme, des observations de la diplomatie française ! Mais, comme l'a écrit fort justement hier un quotidien, la France « ne se bat pas contre la guerre en Irak, mais contre la guerre sans l'ONU » . Vous saisissez, je l'espère, la fine nuance lorsqu'on sait que les États-Unis ont mené quelques-unes de leurs guerres impérialistes, à commencer par la guerre de Corée, il y a déjà un demi-siècle, sous l'égide de l'ONU ! Et personne ne doute que, si la guerre, déjà engagée en réalité, passe à une phase militaire, cela sera avec l'accord du gouvernement français qui voudra être dans le coup.
Alors, bien sûr, tout en disant que Saddam Hussein est un dictateur et un boucher, avant tout pour son propre peuple, nous dénonçons la guerre qui se prépare. Car, même si Saddam Hussein tombait, c'est le peuple d'Irak qui en paierait le prix. Comme, bien plus généralement, c'est le peuple d'Irak qui, depuis la création de l'Irak moderne, paie le fait qu'il a toujours été, comme tous les autres pays de la région, l'objet de manoeuvres impérialistes.
Ce que nous proposons ici, c'est de démêler un peu l'écheveau des manoeuvres impérialistes dans cette région du Moyen-Orient, et plus particulièrement vis-à-vis de l'Irak, depuis qu'après plusieurs siècles de domination ottomane il est devenu juridiquement indépendant.
Et nous avons l'intention aussi de relater comment Saddam Hussein, que les dirigeants du monde impérialiste dénoncent aujourd'hui comme un criminel sanguinaire, l'a toujours été, mais l'a été avec la bénédiction des puissances impérialistes elles-mêmes.
Dès le 19e siècle, au centre des rivalités entre puissances coloniales
L'Irak d'aujourd'hui, avec ses quelque 25 millions d'habitants, occupe une superficie proche des quatre cinquièmes de celle de la France, dont près de la moitié de zones désertiques ou arides. Il a une frontière commune avec six autres États : au nord la Turquie, à l'est l'Iran, au sud le Koweit et l'Arabie Saoudite et, à l'ouest, la Jordanie et la Syrie.
Comme la plupart des pays du Moyen-Orient, l'Irak est une construction artificielle récente, issue du démantèlement de l'Empire ottoman au lendemain de la Première Guerre mondiale, lorsque les puissances impérialistes rivales se partagèrent les dépouilles de l'empire vaincu.
Cette région du Moyen-Orient n'en a pas moins été le berceau de civilisations très anciennes. Plusieurs États, parmi les premiers de l'histoire de l'humanité, s'y sont succédés. Au 16e siècle, l'Empire ottoman en pleine période ascendante intégra cette région en son sein. Le territoire actuel de l'Irak coïncide avec trois grandes provinces distinctes de cet empire. Au sud, la province de Bassorah était peuplée d'Arabes musulmans d'obédience chiite, en partie issus de populations venues de Perse. Au centre, celle de Bagdad avait également une population essentiellement arabe, mais partagée entre chiites et sunnites. Et au nord, la province de Mossoul avait une majorité kurde.
Au 19e siècle l'Empire ottoman, déjà dans une phase de déclin, devint la proie des bourgeoisies européennes montantes, qui commencèrent à mettre en pièces cette région qu'il avait unifiée.
La Grande-Bretagne fut la première puissance occidentale à investir l'économie ottomane en général et irakienne en particulier. Ce fut elle qui, en achetant la loyauté d'un certain nombre de clans féodaux basés le long des côtes du golfe persique et de la péninsule arabique, donna naissance à la fin du 19e siècle à une série de « protectorats » - en fait de véritables colonies.
Ce sont ces protectorats côtiers qui finirent par donner naissance aux micro-États artificiels que l'on désigne collectivement aujourd'hui sous le nom d' « émirats arabes » - des États où des clans féodaux insignifiants ont pu continuer à régner, d'abord grâce à la protection de l'impérialisme anglais, puis grâce aux dollars qu'ils ont gagnés en protégeant les bénéfices des trusts du pétrole.
Le cas de l'un de ces micro-États, le Koweit, vaut une mention particulière, puisque son intégrité territoriale servit de prétexte à la guerre du Golfe, en 1991. Au 19e siècle, Koweit n'était qu'un petit port de pêche au fond du golfe persique, dans la province ottomane de Bassorah. Mais il occupait le seul emplacement de la côte permettant la construction d'un port pour les navires de haute mer. La Grande-Bretagne réussit à en accaparer l'usage en gagnant l'appui d'un clan féodal local, les Al-Sabah. En 1899, un accord fut signé transformant la région entourant Koweit en protectorat anglais sur lequel Londres reconnaissait la souveraineté de ce clan. Huit ans plus tard, malgré les protestations impuissantes de l'Empire ottoman, la première base militaire occidentale permanente au Moyen-Orient devait y être construite.
Les Britanniques ne restèrent pas longtemps seuls dans la région. À partir du milieu du 19e siècle les banques françaises réussirent peu à peu à s'emparer des finances de l'Empire ottoman. Vers 1870, la Banque Impériale Ottomane, qui servait de banque centrale à l'empire, était contrôlée par la Banque de l'Union Parisienne.
Néanmoins, en 1887, pour secouer le joug de la haute finance française, le sultan ottoman se tourna vers les banques allemandes pour obtenir les fonds nécessaires à la construction d'une ligne de chemin de fer Istanbul-Ankara-Bagdad-Bassorah. Ce projet déclencha des rivalités homériques entre les grandes puissances rivales. Il fallut à la France, la Grande-Bretagne, l'Allemagne et la Russie impériale plus de vingt ans d'arguties et de coups tordus pour arriver à un accord. Elles se répartirent avec le dernier des cynismes toutes les sources de profits que l'Empire ottoman pouvait leur offrir.
Un nouvel élément brûlant avait fait son apparition en cours de route : le pétrole, découvert dès les années 1870 près de Mossoul. Tant que sa seule utilisation commerciale se limitait à l'éclairage, cela n'intéressait personne. Mais en 1901, l'Amirauté britannique décida que l'avenir de sa flotte nécessitait à terme le remplacement du charbon par le fioul.
Dès lors le contrôle de la production et des réserves pétrolières devint un enjeu stratégique vital pour les impérialismes rivaux dans la région et il devait l'être de plus en plus par la suite. La question du chemin de fer de Bagdad prit une tout autre importance. D'autant que l'Allemagne exigeait l'exclusivité des droits minéraux, et donc pétroliers, le long des voies dont elle finançait la construction - chose évidemment inacceptable pour la France et la Grande-Bretagne.
À la veille de la Première Guerre mondiale, il y eut finalement un accord sur ce fameux chemin de fer, qui obligea l'Allemagne à renoncer au contrôle des deux tiers de la ligne, ainsi qu'aux droits minéraux qu'elle revendiquait, en échange d'une simple participation minoritaire dans l'exploitation future du pétrole de Mossoul.
La mise en pièces de l'Empire ottoman
Mais la Guerre mondiale rendit rapidement tous ces marchandages caducs. D'abord neutre, l'Empire ottoman finit par rejoindre le camp de l'Allemagne. Trois jours exactement après son entrée en guerre, un corps expéditionnaire britannique venu des Indes débarqua à Koweit pour occuper le terrain aussi loin que possible vers Bagdad et Mossoul. La tâche se révéla plus difficile que prévu. Et il fallut aux Anglais un deuxième contingent de troupes pour parvenir à Bagdad en 1917, puis occuper Mossoul en 1918, après l'armistice avec les troupes ottomanes.
Pendant ce temps, pour paralyser les troupes ottomanes dans l'ouest du Moyen-Orient et, en particulier, protéger l'Egypte, les services secrets britanniques montaient l'opération que l'on allait identifier plus tard au personnage d'aventurier romantique du fameux « Lawrence d'Arabie », cherchant à provoquer un soulèvement arabe contre les Ottomans. L'opération s'appuyait sur les forces de Hussein, un émir qui régnait déjà sur le Hedjaz, c'est-à-dire la région entourant La Mecque dans l'Arabie Saoudite d'aujourd'hui. En échange, la Grande-Bretagne, en accord avec la France, promit à Hussein un grand État arabe indépendant, une fois la victoire obtenue.
Mais en même temps, les diplomates français et anglais s'occupaient fiévreusement à préparer l'après-guerre, c'est-à-dire un repartage du Moyen-Orient et, cette fois-ci, sans l'Allemagne. L'accord auquel ils arrivèrent en 1916, dit « plan Sykes-Picot », du nom de ses signataires, ne fut pas rendu public tant son contenu était peu avouable. Mais il fut publié peu de temps après par les Bolcheviques qui en avaient trouvé une copie après la révolution d'octobre 1917.
Ce plan divisait le Moyen-Orient en quatre zones. La France s'attribuait une zone d'occupation, recouvrant le Liban et une partie du sud-est de la Turquie actuelle, et une zone d'influence englobant la Syrie et le nord de l'Irak actuels. La Grande-Bretagne recevait une zone d'occupation comprenant la région fertile irakienne allant de Bagdad à Bassorah, et une zone d'influence comprenant le reste de l'Irak et la Jordanie d'aujourd'hui. Un protectorat commun devait être établi sur l'équivalent actuel d'Israël et des Territoires Occupés. Nulle part il n'était question de l'État arabe indépendant promis à l'émir Hussein.
Finalement, à la sortie de la guerre, la France obtint un « mandat » de la Société des Nations, l'ancêtre de l'ONU, couvrant la Syrie et le Liban, tandis que la Grande-Bretagne obtenait un « mandat » sur un territoire correspondant à ceux qu'occupent aujourd'hui l'Irak, la Jordanie, Israël et les Territoires Occupés, et l'Egypte. La formule du « mandat » ne faisait que cacher un statut colonial. La soi-disant « communauté internationale » servait ainsi déjà de couverture aux exactions de l'impérialisme - preuve que Bush père et fils n'ont vraiment rien inventé !
Par ailleurs, en guise de dédommagement pour la perte de la région de Mossoul, que le plan Sykes-Picot lui avait initialement attribuée, la France s'attribua la part allemande de la compagnie pétrolière exploitant le pétrole de Mossoul, soit 25% du capital. De ces 25% devait naître quelques années plus tard la CFP (Compagnie Française des Pétroles), l'ancêtre de Total puis de TotalFinaElf.
Dans ce règlement, le troisième et principal partenaire du camp allié, les USA, était laissé sur la touche. Mais les deux décennies suivantes allaient voir la pénétration croissante du capital américain dans la région, avant que la Seconde Guerre mondiale vienne réduire définitivement le rôle des impérialismes européens.
La principale victime de ce règlement était le monde arabe. Les liens historiques qui l'unissaient, et qui avaient survécu sous la domination ottomane subie en commun, auraient pu servir de fondations à une entité arabe indépendante. Même constituée sur une base bourgeoise, une telle entité aurait constitué un progrès. En particulier elle aurait été en meilleure position pour s'opposer au pillage par les puissances impérialistes. Et c'est pourquoi, par-delà les rivalités entre les divers protagonistes, l'intérêt global de l'impérialisme était cette balkanisation de la région, afin de mieux l'affaiblir.
De l'occupation anglaise à la mise sous tutelle
Entre-temps, en ce lendemain de la Première Guerre mondiale, c'est tout le Moyen-Orient qui s'était engouffré dans une vague d'agitation nationaliste.
Le mouvement commença en Egypte en 1919, par des grèves et des manifestations pour l'indépendance. Puis il se propagea en Syrie, pour culminer l'année suivante simultanément en Syrie et en Irak, exprimant l'aspiration des peuples à se débarrasser une bonne fois de la tutelle des grandes puissances.
En Irak, l'occupation britannique nourrissait le mouvement. Une violente opposition s'exprimait contre l'administration britannique, dont les représentants étaient de purs produits de l'administration coloniale indienne, avec leur morgue imprégnée de racisme. Mais Bagdad n'était pas Calcutta. Comme dans toutes les grandes villes arabes, on y trouvait une riche bourgeoisie financière et marchande et une petite bourgeoisie relativement nombreuse, qui n'avaient pas eu l'habitude d'un tel traitement sous la domination ottomane. La population était déterminée à en finir avec toute forme d'occupation étrangère. Lorsqu'elle prit conscience que la promesse d'un État arabe indépendant n'avait été qu'un leurre et que l'occupation britannique allait continuer, de violentes émeutes éclatèrent aux quatre coins de l'Irak. Il fallut plus de trois mois à l'armée britannique pour écraser cette révolte, sans parler des expéditions punitives qui continuèrent jusqu'au milieu de l'année 1921.
À Londres, le coût financier et politique de cette révolte apparut trop élevé. Il était difficile de justifier auprès de l'opinion anglaise la mort au combat de plusieurs centaines de soldats britanniques plus de deux ans après la fin de la Guerre mondiale. Avec un cynisme consommé, le directeur de l'administration coloniale indienne tira alors la conclusion suivante : « Ce qu'il faut mettre en place, c'est une administration basée sur des institutions arabes, à qui nous puissions laisser faire le travail tout en étant sûrs de pouvoir en tirer les ficelles; un système qui ne nous coûte pas très cher et que le Parti Travailliste puisse avaler sans trahir ses principes, mais qui garantisse en même temps nos intérêts économiques et politiques. »
Mais en Irak, l'impérialisme anglais ne disposait pas, comme dans bon nombre de ses colonies plus anciennes, d'un personnel politique indigène formé par l'appareil colonial. À défaut, Londres se tourna vers l'un de ses alliés du temps de guerre. Ce fut Fayçal, l'un des fils de cet émir Hussein à qui Londres avait promis autrefois un « grand royaume arabe ». Ce Fayçal, qui venait d'être chassé de Syrie par les troupes françaises après avoir tenté d'y proclamer un État indépendant, fut accueilli à Bagdad et, en août 1921, il fut proclamé souverain d'Irak. Les Anglais était coutumiers de telles nominations, puisque quelques mois auparavant ils avaient créé le trône de Transjordanie pour y mettre un frère de Fayçal, Abdallah, inaugurant ainsi la dynastie qui règne encore aujourd'hui en Jordanie.
L'année suivante, en 1922, un traité anglo-irakien formalisa le contenu du « mandat » de la Grande-Bretagne en Irak. La politique extérieure de l'Irak et ses finances restaient aux mains des Anglais. La protection des intérêts britanniques en Irak devait être assurée par des escadrilles de la RAF et des troupes britanniques stationnées en permanence sur place, ainsi que par des milices supplétives recrutées parmi la minorité chrétienne assyrienne - ce qui, par la suite, valut à cette minorité de devenir la cible de pogromes. La Grande-Bretagne s'engageait bien à créer une armée irakienne, mais elle s'en réservait le commandement. Enfin, l'Irak était tenu de financer non seulement l'entretien des Britanniques et de leurs installations, mais aussi des grands travaux dont l'exécution devrait être attribuée à des entreprises britanniques. En plus, l'État irakien avait à charge de rembourser une partie de la dette de l'Empire ottoman aux banques franco-anglaises !
Restait à définir les frontières précises du nouvel État. Ce fut fait un beau jour de 1922, où en quelques heures les frontières de l'Irak furent tracées sur une carte à grand coups de règle, sans aucun égard ni pour les territoires traditionnels des clans nomades d'Arabie, ni pour la géographie.
En même temps les Anglais obtenaient du roi d'Arabie Ibn Séoud qu'il reconnaisse les protectorats anglais des « émirats arabes ». De plus, le territoire du protectorat anglais du Koweit était agrandi au point de ne laisser à l'Irak qu'une quarantaine de kilomètres de côte instable en guise d'accès au Golfe Persique. Le seul port de haute mer irakien se trouvait repoussé à Bassorah, à 150 km à l'intérieur des terres, au bout du Chatt el-Arab, un étroit chenal constamment menacé d'obstruction par les alluvions des fleuves qui s'y déversent, et que l'Irak devait de surcroît partager avec la Perse - ce qui allait être la source de bien des conflits entre les deux pays par la suite.
Les Kurdes, victimes du réglement politique et des intérêts pétroliers
Les accords de 1922 laissaient néanmoins en suspens la question du tracé de la frontière nord de l'Irak, question des plus épineuses car, d'une part, du tracé de cette frontière dépendait le contrôle du bassin pétrolifère de Mossoul et, d'autre part, le règlement de cette question se heurtait aux revendications nationales et à la mobilisation du peuple kurde.
Cette mobilisation avait commencé très tôt, encouragée par la défaite de la Turquie et le chaos politique qui régnait alors en Perse. Les troupes britanniques ripostèrent brutalement. Winston Churchill, alors ministre des Colonies, recommanda lui-même que la RAF - la Royal Air Force, armée de l'air britannique - fasse usage de gaz « moutarde » contre les insurgés - preuve qu'en Irak, les premiers à utiliser les « armes de destruction massive » dont Bush nous rebat tant les oreilles aujourd'hui, furent bien les puissances impérialistes. Et elles ne firent pas de quartier !
Parmi la mosaïque de peuples qui avaient subi la domination de l'Empire ottoman pendant si longtemps, le peuple kurde était sans doute l'un de ceux qui attendaient le plus de son écroulement. En 1920, le traité de Sèvres proposa même, en même temps que le démantèlement de la Turquie, la formation d'un État kurde indépendant. Mais ce traité contre la Turquie entraîna dans ce pays un raz-de-marée nationaliste, sous la direction de Mustapha Kemal, qui le rendit caduc. Mais du coup il n'y eut pas non plus d'État kurde.
En Irak, les troupes britanniques menèrent de leur côté plus de deux ans d'une guerre sanglante contre les Kurdes. Une fois de plus les bombardiers de la RAF y jouèrent un rôle majeur, détruisant systématiquement les villages et camps de montagne où les maquisards kurdes irakiens trouvaient refuge, et même, en décembre 1924, la grande ville kurde de Suleimania elle-même.
Si la Grande-Bretagne était si déterminée à garder un contrôle total sur cette partie du Kurdistan, c'était parce que Mustapha Kemal en revendiquait le rattachement à la Turquie, pour pouvoir disposer du pétrole de Mossoul. En 1925, la Société des Nations trancha la question. Le pétrole de Mossoul resta sous contrôle britannique. Mais du même coup, la situation du peuple kurde s'en trouva singulièrement aggravée. Au lieu d'être coupé en deux comme auparavant, entre l'Empire ottoman et la Perse, il se trouva désormais écartelé entre quatre États - la Turquie, la Syrie sous mandat français, l'Irak sous mandat anglais et l'Iran !
D'autre part l'annexion de cette partie du Kurdistan créa, dans le nord de l'Irak, une poudrière comprenant un cinquième de la population et d'autant plus explosive qu'aucun régime irakien ne donna vraiment aux Kurdes les droits démocratiques, culturels et linguistiques qui leur furent si souvent promis.
L'offensive de l'impérialisme américain
L'arbitrage de la Société des Nations en faveur de la Grande-Bretagne à propos du Kurdistan et du pétrole de Mossoul devait beaucoup au soutien des États-Unis. Il y avait évidemment une contrepartie. On le vit dès l'année suivante, avec l'entrée d'un premier trust américain dans le capital de l'Iraki Petroleum Corporation, ou IPC, la nouvelle compagnie pétrolière irakienne. De sorte qu'en 1929 l'IPC, qui avait le monopole du pétrole irakien, était contrôlé par les ancêtres de BP, Shell, Exxon, Mobil et CFP-Total. De plus, un nouveau bassin pétrolifère d'une richesse considérable fut découvert à Kirkouk, toujours dans le Kurdistan irakien. La surface des concessions contrôlées par l'IPC passa de 500 à 90 000 km² !
Les compagnies pétrolières américaines passaient à l'offensive dans tout le Moyen-Orient et chaque fois la Grande-Bretagne était contrainte à des concessions.
Mais le véritable coup de maître de l'impérialisme américain eut lieu en Arabie Saoudite. Celle-ci avait pris sa forme moderne en 1926, après avoir annexé le Hedjaz, puis avait adopté le nom d'Arabie Saoudite en 1932. Elle avait la particularité, presque unique dans la région, de s'être formée indépendamment du colonialisme anglais et même, dans une large mesure, contre lui. C'est ce qui permit au trust américain Socal, l'ancêtre de Chevron, de remporter le monopole du pétrole saoudien au nez et à la barbe des compagnies anglaises, en 1933. Trois ans plus tard, une nouvelle compagnie, l'Aramco, était formée par les ancêtres de Chevron, Exxon, Mobil et Texaco, pour exploiter les 1,3 million de km² de concessions attribuées par le régime saoudien et qui devaient se révéler contenir les plus vastes réserves pétrolières de la planète.
En 1929, la Grande-Bretagne décida d'accorder son indépendance formelle à l'Irak, ceci à partir de son entrée à la Société des Nations, prévue pour 1932. Mais en réalité, cette indépendance irakienne ne changea rien à sa situation de dépendance vis-à-vis de l'impérialisme, donnant seulement les coudées un peu plus franches aux États-Unis par rapport à la Grande-Bretagne. Le traité anglo-irakien de 1930 modifia les apparences bien plus que le contenu des relations entre l'Irak et celle-ci. Le gouvernement de Bagdad devint seul responsable de sa politique financière et extérieure, mais les bases de la RAF britannique restèrent en place avec tout leur personnel sous prétexte, déclara Londres, de « maintenir les lignes de communications au sein de l'Empire ». Le dernier acte du gouvernement sous mandat britannique donna un avant-goût de ce que serait l'indépendance, en étendant les droits d'exploitation de l'IPC à la totalité du territoire national.
Voilà donc comment l'Irak commença son existence d'État indépendant : en tant que chasse gardée d'une compagnie pétrolière anglo-franco-américaine, et sous la surveillance vigilante de bombardiers anglais.
1936 - La mobilisation des masses pauvres
Mais dès ces années 1930, il y eut de nouveaux mouvements de révolte contre l'oppression impérialiste au Moyen-Orient. Ce fut le cas en Syrie, où on assista en 1936 à une grève générale qui dura 50 jours, mais aussi en Palestine et en Irak. L'effervescence politique se développait à l'échelle de l'ensemble du monde arabe, y compris dans le Maghreb alors dominé par le colonialisme français. Elle était marquée par une irruption des masses pauvres dans l'arène politique. Le creuset de cette effervescence fut les grandes villes, relativement importantes et anciennes dans l'ensemble du Moyen-Orient, où coexistaient une bourgeoisie riche, mais aussi une petite bourgeoisie intellectuelle avide d'idées nouvelles et également une classe ouvrière, encore peu nombreuse sans doute, mais ayant déjà ses propres organisations.
En Irak, les premiers syndicats étaient apparus à la fin des années 1920, essentiellement parmi les artisans et ouvriers à domicile, mais aussi dans les chemins de fer, à l'initiative de nationalistes. Ces syndicats furent à l'origine de plusieurs mouvements de grève importants, entre 1931 et 1934, contre des mesures d'augmentation des impôts ou encore pour imposer une baisse des tarifs prohibitifs pratiqués par les propriétaires anglais de la compagnie d'électricité de Bagdad.
Une nouvelle opposition politique émergeait, très différente des groupes d'opposition nationalistes traditionnels. Le parti Ahali, ou Parti du Peuple, créé par un groupe d'étudiants irakiens de l'université américaine de Beyrouth, à la fin des années 1920, apparut à la tête des grands mouvements sociaux des années 1935-36.
Tout commença en mars 1935, dans le sud du pays, lorsque les paysans pauvres se mobilisèrent. Pour la première fois en Irak on vit des manifestations paysannes pour la réforme agraire et la démocratie communale. Mais ce mouvement, réprimé dans le sang, n'était qu'un prélude.
En octobre 1936, il y eut à Bagdad un coup d'État militaire anti-monarchiste, dirigé par le général Hikmet Suleyman. Plusieurs ministres issus de la direction du parti Ahali furent admis au gouvernement. Une semaine plus tard, plus de 100 000 manifestants défilaient, derrière des banderoles réclamant du pain pour les affamés ou encore condamnant le fascisme. Des mouvements de grève se développaient parmi les dockers, les cheminots, les ouvriers du pétrole, etc.. Les ouvriers affluaient dans les nouveaux syndicats qui se créaient.
Le nouveau pouvoir chercha d'abord à s'appuyer sur cette mobilisation, en usant d'un langage socialisant. Mais l'armée n'était pas prête pour autant à se laisser entraîner trop loin sur le terrain des réformes. Les propriétaires fonciers rappelèrent la hiérarchie militaire à ses devoirs quand commencèrent à être publiés des propositions de réforme agraire. Bientôt le général Hikmet Suleyman se retourna contre les forces politiques qui le soutenaient.
Il y eut de puissants mouvements de grève pour tenter de riposter à la vague montante de la répression. Mais il était trop tard. Les masses pauvres n'avaient pas été préparés à faire face à cette volte-face de l'armée. Elles furent prises au dépourvu sans avoir pu se donner les moyens de se battre. En revanche, à cette occasion, l'armée avait fait la démonstration, à la bourgeoisie irakienne comme à l'impérialisme, de sa capacité à assumer le pouvoir politique, y compris face à une mobilisation populaire qui aurait pu menacer bien des privilégiés. Ce ne devait pas être la dernière fois.
Le PC irakien et l'agitation de l'après-guerre
Toutes ces contradictions politiques et sociales allaient se développer et s'aiguiser encore par la suite, et notamment dans la période qui suivit la Seconde Guerre mondiale.
Cette période fut marquée au Moyen-Orient par le désengagement croissant des vieilles puissances coloniales. La pression des États-Unis, désormais la puissance impérialiste dominante, y fut pour quelque chose. Mais au Liban et en Syrie, ce fut la mobilisation de la population qui contraignit la France à plier bagage. Le chaos créé par la guerre dans le système de domination impérialiste engendra des mouvements politiques et sociaux de grande ampleur, en particulier en Egypte, en Syrie et en Irak. Et pour la première fois, dans plusieurs pays, les Partis Communistes jouèrent un rôle de premier plan.
Pour sa part, le Parti Communiste Irakien avait réussi à acquérir une certaine implantation ouvrière durant les événements de 1935-37 et il avait su la garder malgré la répression qui suivit. Pendant la guerre, il put encore consolider cette implantation, au point d'apparaître comme le principal parti d'opposition, alors que le régime était d'autant plus haï des masses populaires que la guerre avait entraîné pour elles une aggravation dramatique de leurs conditions de vie.
L'agitation qui marqua les années 1946-48 montra toute l'importance prise par le Parti Communiste Irakien. La première vague vint en mai 1946, avec une série de manifestations réclamant le départ des troupes britanniques, qui s'étaient installées là pendant la guerre. Au début juillet, les ouvriers du pétrole de Kirkouk se mirent en grève. Très rapidement le mouvement fit tache d'huile. Entre-temps la population du Kurdistan irakien s'était soulevée avec l'aide d'armes fournies par l'URSS. Le pouvoir militaire de Bagdad déclara la loi martiale, déclenchant une répression féroce qui se poursuivit tout au long de l'année 1947.
Puis vint, en janvier 1948, la signature par Bagdad de l'accord de Portsmouth avec la Grande-Bretagne. Il ne faisait que prolonger le traité de 1930 qui faisait de l'Irak formellement indépendant un vassal de Londres. Cet accord mit le feu aux poudres.
Il y eut d'abord deux semaines de grève et de manifestations dans les universités. Puis, le 20 janvier 1948, la police tira sur une grande manifestation d'étudiants auxquels s'étaient joints de nombreux ouvriers. Il y eut plusieurs morts. À partir de ce jour-là la mobilisation monta chaque jour, gagnant tout le pays. Au bout d'une semaine de cette vague montante, l'armée tira à la mitrailleuse sur une manifestation. On parla de 300 à 400 morts.
Après ce bain de sang, à l'instigation de Londres, le gouvernement démissionna et l'accord de Portsmouth fut répudié. Cela n'empêcha pas le pouvoir de recourir de nouveau à la répression pour faire oublier son échec face aux manifestations. Et le PCI fut le premier à en payer le prix, en particulier par la pendaison publique de ses trois principaux dirigeants, organisée par le régime en février 1949.
Malgré tout, cette montée des mouvements de masse, qui se produisait à l'échelle de tout le Moyen-Orient, n'en était encore qu'à ses débuts. Des mouvements d'émancipation commençaient à secouer l'ensemble des peuples du Tiers Monde. Mais au Moyen-Orient, en Syrie et au Liban, en Egypte et en Irak, c'était aussi toute une génération ouvrière qui s'était éveillée à la lutte de classe et avait rapidement accumulé une expérience. Nombre de ses militants se retrouvaient désormais dans les Partis Communistes, dans lesquels ils voyaient une possibilité d'émancipation non seulement nationale, mais sociale .
Mais la politique des Partis Communistes arabes fut loin d'être à la hauteur de ces espérances. Conformément à la politique de l'URSS, bien loin d'être révolutionnaire, la politique des Partis Communistes se résuma à un suivisme vis-à-vis de différents mouvements nationalistes bourgeois. Dans le contexte du Moyen-Orient, cette politique allait se révéler un véritable suicide pour les Partis Communistes, et un désastre pour les masses populaires qui commençaient à leur faire confiance.
Ainsi, dans tous ces mouvements du lendemain de la Seconde Guerre mondiale, le PC irakien suivit la politique préconisée par Moscou, d'alliance à tout prix avec les forces nationalistes irakiennes. À aucun moment il ne proposa réellement aux masses pauvres une politique autonome. Les objectifs qu'il mit en avant, comme par exemple celui d'un « gouvernement national démocratique », mettaient les masses pauvres à la remorque de la petite bourgeoisie nationaliste, voire de la bourgeoisie et des généraux anti-monarchistes.
De la Guerre Froide à la chute de la monarchie
Les années 1950, années de Guerre Froide, furent marquées par une intervention plus ouverte et plus brutale de l'impérialisme américain au Moyen-Orient. Il y eut d'abord l'aide apportée par la CIA au coup d'État militaire qui renversa le Premier ministre libéral iranien Mossadegh, en 1953, pour avoir osé prétendre nationaliser les avoirs des trusts pétroliers en Iran. Puis en 1958, on vit un corps expéditionnaire américain intervenir au Liban pour sauver le pouvoir de la bourgeoisie maronite menacé par une insurrection populaire.
Mais ces années furent aussi marquées par l'essor du nationalisme arabe, dans le sens d'un nationalisme à l'échelle de tout le monde arabe, et pas seulement à l'échelle d'un des pays qui le constituaient. Du Maroc et de l'Algérie, en butte au colonialisme français, à l'Irak, en passant par l'Egypte, cela correspondait dans les masses à une certaine conscience d'une oppression commune exercée par les différents impérialismes. Sur le plan politique, cela prit la forme de ce que l'on appela le « panarabisme », un courant nationaliste visant à la création d'un État arabe unifié et qui fut incarné par des organisations et des politiciens divers.
Parmi ces derniers, le plus prestigieux fut le leader égyptien Nasser, qui montra les limites du panarabisme lorsqu'il chercha à s'en servir comme d'un levier démagogique au service de sa propre politique nationaliste.
Mais la perspective pan-arabe inspira également toute une génération de militants dans l'ensemble du Moyen-Orient.
Pourtant, face à ces militants, les Partis Communistes de la région restèrent prisonniers de leur alignement sur les tendances nationalistes, y compris au sens le plus étroit du terme. Et ce n'est pas surprenant. Car, pour reprendre à leur compte les sentiments, existant à l'échelle du monde arabe, d'une unité d'intérêts des masses pauvres, il leur aurait fallu être prêts à défendre jusqu'au bout les revendications sociales et politiques des masses populaires et de la classe ouvrière. Cela aurait exigé de s'attaquer également aux classes privilégiées locales. Mais s'appuyer sur les masses populaires révoltées dans cette perspective-là était aux antipodes de la politique des dirigeants nationalistes. Cette perspective existait pourtant, et elle était même la seule qui aurait pu entraîner et unir, par-delà les frontières artificielles, la classe ouvrière et la paysannerie de la région. Mais il n'y avait aucune force politique significative pour incarner une telle perspective.
Pour en revenir à l'Irak, le pays vécut toute une décennie, jusqu'à la fin des années cinquante, sous la coupe d'une dictature brutale, anticommuniste et servile vis-à-vis de l'impérialisme. Un journaliste anglais compara alors le système politique irakien à « un jeu de cartes comprenant l'élite, qui dispose de sièges au Sénat, de circonscriptions truquées lui permettant d'être présente à la Chambre basse et d'agences commerciales américaines pour payer ses factures - un jeu de cartes dépareillé, néanmoins, qui n'a ni roi, ni dames, mais un nombre démesuré de valets ».
En juillet 1952, le coup d'État des « Officiers Libres » égyptiens, qui devait bientôt amener Nasser au pouvoir, eut des répercussions immédiates en Irak. La jeunesse déferla dans les rues, exigeant des réformes démocratiques. Des grèves éclatèrent. Il y eut des centaines de morts et des milliers d'arrestations. Cela n'empêcha pas de nouvelles manifestations l'année suivante, cette fois contre le rôle de la CIA dans le renversement de Mossadegh en Iran. Le régime irakien accentua encore la répression. Mais ce n'était qu'une fuite en avant qui devait le conduire à sa perte.
En 1955, le régime irakien rejoignait le pacte de Bagdad, une coalition regroupant, outre l'Irak, l'Iran, la Turquie, le Pakistan et la Grande-Bretagne, destinée à assurer la protection militaire des intérêts pétroliers de l'impérialisme au Moyen-Orient, contre l'URSS sans doute, mais aussi et surtout contre les populations de la région. De sorte que ce pacte fut ressenti, aussi bien dans les rangs de l'armée irakienne que de toute une partie de la population, comme une humiliation de plus.
Or cette humiliation survint à un moment où la politique de Nasser marquait de plus en plus de points au Moyen-Orient. Après avoir obtenu de la Grande-Bretagne qu'elle retire ses troupes d'Egypte, il paraissait s'engager dans la voie du panarabisme, avec le projet qui devait aboutir à la formation de la République Arabe Unie avec la Syrie, qui fut il est vrai de courte durée. Nasser avait par ailleurs participé à la conférence des pays non-alignés de Bandoung, en 1955, où un certain nombre de pays pauvres avaient déclaré leur refus de se laisser annexer par l'un des deux camps de la Guerre Froide - déclaration qui avait suscité l'enthousiasme dans tous les milieux de l'opposition irakienne et jusque dans les rangs mêmes de l'armée. Et, bien sûr, la nationalisation du canal de Suez, en 1956, n'avait fait que rehausser le prestige du nassérisme, surtout après que les forces dépêchées sur place par la France, la Grande-Bretagne et Israël, eurent été contraintes de s'en retourner piteusement.
Ce fut dans ce contexte que, reprenant l'exemple nassérien, une organisation clandestine des « Officiers Libres » fut constituée dans l'armée irakienne.Le 13 juillet 1958, elle organisa un coup d'État qui ne rencontra aucune résistance. La famille royale fut exécutée et le lendemain le chef des « Officiers Libres », le général Kassem, entra dans la capitale, accueilli en héros. Dans l'après-midi il faisait une déclaration à la radio, proclamant la République et affirmant que désormais, les affaires du pays devaient être « prises en main par un gouvernement émanant de la population et exprimant ses aspirations. »
La royauté hachémite que l'impérialisme britannique avait installée au pouvoir en Irak avait donc vécu. Mais, comme cela s'était passé en 1936, les masses pauvres qui avaient aussitôt apporté leur soutien au nouveau régime, allaient être dépossédées de ce qu'elles considéraient déjà comme leur propre victoire.
La « révolution » de 1958
Cette révolution de 1958 avait été faite par un groupe d'officiers supérieurs dont les idées n'avaient rien de radical, ni sur le plan politique ni sur le plan social, et qui se situaient dans le cadre étroit du nationalisme irakien. Les premières mesures de la République des militaires furent d'abolir les vestiges de l'ancien régime, de rompre la parité fixe entre la monnaie irakienne et la livre anglaise, d'établir des relations diplomatiques avec la Chine, l'URSS et d'autres pays de l'Est et, enfin, de dénoncer le traité de Bagdad - dénonciation qui fut complétée l'année suivante par le départ des derniers techniciens anglais des bases irakiennes.
Cependant, au-delà des intentions des militaires, le coup d'État de Kassem ouvrit les vannes d'une véritable explosion politique, intellectuelle et culturelle. Sans attendre leur légalisation, les publications, les clubs de discussions, les organisations de toutes sortes se multipliaient. Dans les entreprises les ouvriers affluaient vers les anciens syndicats clandestins ou vers de nouvelles structures, là où il n'en existait pas. Au point qu'un an à peine après le coup d'État, les syndicats irakiens regroupaient 275 000 travailleurs, soit plus de la moitié de la main-d'oeuvre salariée ou assimilée du pays. Et le plus souvent ce furent des militants du PCI qui furent les initiateurs et les animateurs des diverses organisations où affluaient par dizaines de milliers des travailleurs et des jeunes.
Le même caractère créatif et parfois un peu chaotique présida également à la mise en place des réformes économiques et sociales annoncées par le régime. On vit se multiplier d'innombrables comités qui eurent souvent un fonctionnement ouvert et démocratique qu'on n'avait jamais vu auparavant. C'est ainsi que, par exemple, la réforme agraire, mise en application à partir d'octobre 1958, fut le produit de ces débats. Elle ne reçut qu'une application très partielle, du fait des événements ultérieurs, mais n'en transforma pas moins radicalement les conditions de vie et les rapports sociaux dans les campagnes.
Quoi qu'il en soit, l'un des traits marquants de toute cette effervescence politique fut l'énorme courant de sympathie dont bénéficia le Parti Communiste, et qui lui permit de connaître une croissance sans précédent.
Kassem chercha dans une certaine mesure à se servir de cette effervescence politique. Dès la fin juillet 1958, il appela la jeunesse à former une milice appelée « Résistance Populaire » pour défendre le régime. Dans les faits ce furent les militants du PCI qui en fournirent les cadres et qui s'en servirent comme structure d'entraînement pour leur organisation de jeunesse. Mais les miliciens restaient tenus de rendre leurs armes au commissariat de police après chaque exercice.
Le soutien suicidaire du PCI à Kassem
Cependant l'autorité de Kassem n'était pas incontestée au sein de l'armée, pas même au sein de la junte. Très vite une fracture se développa dans les rangs du nouveau pouvoir, autour de Kassem, d'une part, et d'une personnalité de l'organisation des « Officiers Libres », le général Aref, qui chercha à se ménager des soutiens en se posant en champion du panarabisme et de l'adhésion à la République Arabe Unie. Kassem, pour sa part, se tourna vers la seule force significative qui se plaçait, comme lui, sur le terrain du nationalisme irakien, c'est-à-dire le PCI.
C'est ainsi que prit forme une espèce d' « alliance » circonstancielle entre un général nationaliste irakien, qui n'avait aucun penchant pour le communisme, et un Parti Communiste tout prêt à soutenir la junte militaire dans le cadre de sa politique de « Front National », visant à une « collaboration de toutes les classes et forces nationales pour moderniser le pays ». Par contrecoup, tout ce que le pays comptait de forces conservatrices que le seul mot de « communisme » faisait frémir, se rallia sans état d'âme au camp du général Aref.
En septembre 1958, Kassem démit Aref de toutes ses responsabilités militaires. Les ministres pan-arabistes furent remplacés et Kassem resta seul en scène, sous les hourras des manifestations organisées en l'honneur de sa victoire par le PC.
Cependant Kassem se gardait bien de confier la moindre responsabilité officielle aux dirigeants du PC, qui d'ailleurs restait un parti illégal et qui dut même attendre jusqu'à janvier 1959 avant d'obtenir l'autorisation légale de publier un quotidien ! Mais cela n'empêcha pas le PC de poursuivre son soutien inconditionnel à Kassem, tant il est vrai qu'il n'était pas prêt à proposer une autre politique aux masses pauvres qui regardaient dans sa direction.
Kassem finit bien par donner un strapontin ministériel à un membre de la direction du PC, et deux autres à des personnalités qui lui était proches. Mais cette carotte masquait un coup de bâton bien plus sérieux, par lequel il se préparait à se retourner contre le PC. Car, dans le même temps, il réduisait considérablement le rôle de la milice « Résistance Populaire », c'est-à-dire de l'organisation militaire du PC, et mettait à la retraite les officiers connus pour leurs sympathies communistes. Ensuite une vague d'arrestations frappa les militants du PC, et « Résistance Populaire » fut entièrement désarmée.
Ce fut à cette époque que l'on entendit pour la première fois parler d'un certain Saddam Hussein, en tant que membre d'un commando organisé par un petit parti pan-arabiste, le Baas, pour assassiner Kassem - sans succès d'ailleurs.
Kassem accentua encore la pression sur le PC. Au cours de l'année 1960, le PCI perdit pratiquement tous les positions qu'il avait acquises. Et pourtant la direction du PCI ne rompit publiquement avec Kassem, et encore avec bien des précautions oratoires, qu'en mars 1961, lorsqu'en réponse à une vague de grèves revendicatives partie des ouvriers du tabac, Kassem fit tirer sur les manifestants à Bagdad, faisant plusieurs dizaines de victimes. Ce jour-là, pour la première fois, le PCI osa critiquer Kassem et sa politique de répression contre les travailleurs. Mais il était beaucoup trop tard.
1963 - Le massacre des communistes
Le règne de Kassem tirait à sa fin. Les deux dernières années précédant son renversement furent marquées par quelques gestes spectaculaires pour redorer son prestige, comme sa tentative, déjà, d'annexer le Koweit après que cet État accéda à l'indépendance, en 1961. Après tout, cela n'aurait été qu'un juste retour des choses. Mais la marine britannique débarqua en force dans la principauté et Kassem dut faire machine arrière.
Quelques mois plus tard, après de vaines négociations pour obtenir de la compagnie IPC qu'elle augmente sa production de pétrole irakien, Kassem limita les droits de prospection et d'exploitation de l'IPC aux seules zones où celle-ci avait des puits en exploitation. Les compagnies occidentales virent s'évanouir d'énormes perspectives de profits, et cela fit un beau scandale dans les capitales concernées !
Malgré ces gestes, destinés à rehausser son image de dirigeant « anti-impérialiste », Kassem ne voulait en aucune façon s'appuyer sur les masses. Au contraire, il avait commencé à les réprimer. Finalement, le 8 février 1963, un coup d'État militaire renversa Kassem. Des milliers de manifestants déferlèrent dans les rues dans une tentative désespérée de protéger le régime, réclamant des armes que Kassem se refusa à leur faire donner. Nombre d'entre eux, dont beaucoup de militants et sympathisants du Parti Communiste, se firent massacrer par les tanks de l'armée en tentant de protéger de leurs corps les locaux du ministère de la Défense où Kassem s'était réfugié.
Malgré la facilité de leur victoire, les leaders du coup d'État ne prirent aucun risque. Se méfiant sans doute de la loyauté de leurs propres soldats, ils formèrent sur-le-champ une milice à leur dévotion, la Garde Nationale, dont beaucoup de recrues venaient des bas-fonds de Bagdad et dont un des hommes de main allait être encore une fois un certain Saddam Hussein. Le soir même un communiqué radiodiffusé par la junte appelait à l'« annihilation » des « agents communistes, partisans de Kassem, l'ennemi de Dieu ».
Ce fut un bain de sang. Dans les quartiers pauvres la population se défendit avec les quelques armes dont elle disposait. Ceux de Bassorah tombèrent en dernier, après quatre jours de combat de rue. Puis, pendant des semaines, les Gardes Nationaux firent le « nettoyage », armés de listes d'adresses. Ceux qui résistaient à l'arrestation furent liquidés sur-le-champ. Les autres furent rassemblés comme du bétail dans les stades. Beaucoup moururent sous la torture dans les locaux d'un ancien palais royal converti en centre d'interrogation de la Garde Nationale. Les plus chanceux, si l'on peut dire, furent condamnés à de longues peines de prison, dont beaucoup ne réchappèrent pas, tant les conditions carcérales étaient dures. Par la suite les victimes directes de cette boucherie furent estimées à 5 000 morts parmi les seuls militants communistes et plus de 30 000 pour l'ensemble de la population - sans parler de tous ceux qui « disparurent » dans les geôles du régime.
Tout indique d'ailleurs que ce coup d'État sanglant fut effectué avec l'assentiment, pour ne pas dire les encouragements actifs des services spéciaux occidentaux - en particulier de la CIA américaine et du SDECE français. Le fait que De Gaulle choisit justement ce moment pour rétablir des relations diplomatiques avec l'Irak - après sept ans de rupture consécutive à l'affaire du canal de Suez - ne pouvait être le fruit du hasard.
Le baassisme, un nationalisme arabe radical
La force motrice du coup d'État de 1963 et du massacre qui s'ensuivit avait été le parti Baas. Ce parti pan-arabiste n'avait jusqu'alors guère joué de rôle sur la scène politique irakienne, même si ses origines remontaient à 1944, en Syrie, alors encore sous mandat français. Son nom signifie « Résurrection » en arabe.
Le baassisme utilisait volontiers une phraséologie socialisante, prônant un certain dirigisme étatique inspiré du stalinisme. Mais en même temps il niait l'existence de la lutte des classes, considérée comme une diversion à la lutte nationale, et il combattait le communisme présenté comme une émanation néfaste de l'Occident.
Selon les chiffres de la police le Baas irakien n'avait encore que 259 militants en 1955 et il ne réussit pas à profiter notablement de l'effervescence politique qui suivit le renversement de la monarchie en 1958. Il saisit sa chance lorsque les clans militaires qui étaient derrière le renversement de Kassem lui laissèrent la première place au lendemain de leur coup d'État. Il fournit au régime militaire des supplétifs pour l'aider à écraser les velléités de résistance dans la population. Mais une fois cette tâche sanglante accomplie, les généraux ne tardèrent pas à reprendre les choses en main.
Quatre mois après le coup d'État, l'ancien rival de Kassem, le général Aref, fut nommé président du nouveau régime. Et son premier geste fut de se débarrasser du Baas.
L'armée resta donc seule au pouvoir pour les cinq années suivantes, marquées par des rivalités entre factions militaires et civiles. La défaite du camp arabe face à Israël dans la guerre des Six-Jours, en 1967, et la participation purement symbolique du régime à cette guerre, aggrava son discrédit et fournit de nouvelles troupes au parti Baas. Après quatre ans d'une semi-illégalité celui-ci put se reconstituer une certaine virginité. De sorte qu'en juillet 1968, il se trouva en position de poser sa candidature au pouvoir.
1968 - Le Baas s'installe au pouvoir
Le 17 juillet 1968, un petit groupe d'officiers supérieurs, menés par les chefs de la Sécurité et de la Garde Nationale, occupaient les points stratégiques de Bagdad avec leurs troupes. Le général al-Bakr, qui avait été le porte-parole du baassisme au sein de l'armée lors du coup d'État de 1963, fut proclamé président et un Conseil de Commandement de la Révolution formé de sept militaires, dont trois baassistes, s'installa au pouvoir.
Une nouvelle Constitution vint institutionnaliser le régime issu du coup d'État. Elle faisait de l'Islam la religion d'État et de l'étatisme, baptisé de « socialisme » parce que c'était dans l'air du temps, le fondement de l'économie. Et l'ensemble des institutions du régime étaient subordonnées à la direction du Baas.
Restait au Baas à consolider sa mainmise sur l'ensemble de l'appareil d'État et le reste de la société.
Commença alors une période de terreur, visant tous les courants d'opposition sans distinction, en particulier dans l'armée et la fonction publique, assortie de nombreuses exécutions publiques pour l'édification de la population.
La consolidation de la mainmise du Baas sur l'ensemble de la société se fit également par la mise en oeuvre de quelques mesures sociales, comme l'annulation des indemnités que les paysans sans terre bénéficiaires de la réforme agraire devaient verser aux propriétaires fonciers. Ou encore l'instauration d'un code du travail, la fixation d'un salaire minimum et la création d'un embryon de protection sociale.
Sur le plan économique, ces mesures amélioraient sans doute un peu la condition ouvrière. Mais en même temps elles aidaient le Baas à mettre en place tout un appareil syndical à sa dévotion, destiné à encadrer la classe ouvrière, prévenir les conflits sociaux et empêcher le développement de toute forme d'organisation ouvrière indépendante, notamment en poursuivant la répression contre les autres militants.
Car pendant ce temps les arrestations, les tortures, les « disparitions » et les assassinats de « suspects » anonymes continuaient. Et il y en avait d'autant plus que chacune des factions qui se disputaient le pouvoir au sein du Baas avait construit et perfectionné son propre appareil de répression.
La faction du président al-Bakr, par exemple, s'appuyait d'un côté sur la Garde Nationale, qui devint à la fois milice baassiste et garde personnelle du président, et de l'autre sur l'appareil du parti Baas, à la tête duquel al-Bakr avait fait nommer son parent, Saddam Hussein, dès 1966. C'est d'ailleurs cette faction qui devait finalement l'emporter, à la fin 1971, après avoir envoyé en exil, mis sur la touche ou fait « disparaître » toutes les personnalités du Baas susceptibles de lui faire de l'ombre. Entre-temps Saddam Hussein était devenu membre du Conseil de Commandement de la Révolution, où il avait la charge de la Sécurité Nationale et de la Garde Nationale. Ainsi, après dix ans de coups d'État et de répression contre les classes populaires, celui qui émergeait comme numéro deux du régime n'était autre qu'un des hommes de main les moins scrupuleux du parti Baas.
Un régime « progressiste » ?
Ce qui relativise cependant le radicalisme du régime, c'est que cette nationalisation, aspiration de l'Irak depuis longtemps, eut lieu dans un contexte où les grands trusts pétroliers eux-mêmes cherchaient à se dégager de la propriété des puits.
En effet, c'est à cette époque qu'eut lieu le premier choc pétrolier, c'est-à-dire une hausse brutale de 368 % du prix du pétrole brut entre octobre 1973 et septembre 1974. La décision vint des grands trusts du pétrole, mais politiquement ils préféraient en rejeter la responsabilité sur les pays producteurs. Et c'est pour cela qu'en l'espace de quelques années ils laissèrent un certain nombre de ces pays nationaliser tout ou partie de leurs puits, de l'Algérie à la Libye, en passant par l'Iran, jusqu'à la très pro-américaine Arabie Saoudite.
Il faut dire que ce ne fut guère un sacrifice pour les trusts car leurs profits gigantesques venaient du raffinage, du transport et de la distribution, et la production elle-même n'en représentait qu'une fraction infime.
La liquidation du Parti Communiste
Pendant tout ce temps, sous la poigne de la dictature baassiste, le normalisation intérieure de l'Irak continuait.
Malgré la répression terrible dont il avait été victime après le coup d'État de 1968, le PC conservait une influence considérable parmi les masses pauvres, et certainement bien plus importante que celle du Baas dans les villes. De sorte que, tout en persécutant les militants du PC, le Baas lui avait fait périodiquement miroiter des concessions minimes, dans l'espoir qu'il se laisserait entraîner à se compromettre avec le régime, comme au temps de Kassem.
En fait le but du Baas était avant tout d'éliminer le PC. Mais la politique même du PC donnait une certaine crédibilité aux avances hypocrites du Baas, avec sa revendication d'un gouvernement d'union nationale de tous les « partis progressistes nationaux », allant du Baas au PC.
Finalement, après la signature du traité d'amitié irako-soviétique, la direction du PC se déclara prête à participer au Front Populaire National proposé par le Baas, avec celui-ci comme seul partenaire, puisque les nationalistes kurdes n'en voulaient pas, et aux conditions fixées par le Baas. Aussitôt deux membres du PCI furent nommés ministres. L'année suivante, en juillet 1973, les instances du parti entérinèrent la décision. Après quoi le parti fut légalisé et intégra formellement le Front Populaire National derrière le Baas. Désormais il put publier, en plus de son mensuel, un hebdomadaire, puis un quotidien, où furent dûment vantés la politique « anti-impérialiste » du régime et le caractère « socialiste » de ses réalisations économiques.
De la part des dirigeants du PCI, il s'agissait d'une capitulation pure et simple. Car les conditions posées par le Baas impliquaient ni plus ni moins la reconnaissance inconditionnelle de son rôle dirigeant dans tous les aspects de la vie politique et sociale en même temps que la renonciation à toute politique indépendante.
L'influence du PCI restait encore importante, mais il était ligoté et bâillonné par son alliance avec le Baas. Et lorsque le régime jugea le moment venu de s'en débarrasser, il put le faire sans rencontrer de réelle résistance.
Et cela ne tarda pas. En mars 1975, à Alger, le régime irakien passa un accord avec le chah d'Iran. En échange d'un règlement des différends frontaliers, celui-ci cessa l'aide qu'il accordait aux combattants kurdes du PDK. L'armée irakienne put écraser les combattants kurdes. Après cela le régime se sentit les mains complètement libres pour se retourner contre le PC.
Cela commença dès la fin de 1975 par des vagues d'arrestations où de nombreux militants furent torturés et emprisonnés. Lorsqu'au mois de mai de l'année suivante la direction du PCI finit par émettre une protestation officielle contre ces mesures de répression, le Baas répondit par une violente campagne anticommuniste dans tous les organes de presse. Et la répression commença à se doubler d'exécutions sommaires, rappelant de plus en plus les massacres de 1963.
En 1978 la répression prit un tour encore plus brutal. Tortures et mutilations devinrent le traitement standard pour ceux qui avaient le malheur de tomber aux mains de l'une ou l'autre des bandes armées chargées du nettoyage des quartiers pauvres. Commença alors le défilé interminable des familles cherchant leurs disparus sous les insultes des nervis du Baas dans des hangars réquisitionnés par la police où s'entassaient des centaines de corps mutilés.
Finalement, ce n'est qu'en mai 1979 qu'après avoir été interdit le PCI finit par se résoudre à quitter le Front Populaire National et passer officiellement dans l'opposition. Après cela, le PC en fut réduit à une existence précaire et coupée des masses, dans des maquis installés au Kurdistan ou dans l'émigration.
Vers la dictature personnelle
Ce fut également au cours de cette période que Saddam Hussein s'imposa comme le chef de file incontesté du régime et que la dictature prit sa forme actuelle. Le processus, qui dura six ans, commença par l'élimination, en 1973, du chef des services de sécurité, Nazim Nazzar, un homme du clan de Saddam Hussein qui avait fini par avoir les dents trop longues. Saddam Hussein le fit remplacer par son propre frère cadet, et surtout profita de l'occasion pour renforcer encore plus les pouvoirs déjà dictatoriaux du Conseil de Commandement Révolutionnaire.
Déjà, le culte de la personnalité battait son plein dans le pays. Au début, les portraits de Saddam Hussein côtoyaient ceux du président al-Bakr, bien plus connu dans la population. Puis al-Bakr se fit plus rare sur les murs et on se mit à faire réciter aux enfants des écoles des poèmes chantant les louanges de Saddam Hussein.
En 1976, Saddam Hussein, qui n'avait jamais été militaire, se fit attribuer le rang de général, ce qui lui permit de parler désormais également au nom de l'armée. L'année suivante il fit nommer un beau-frère à la tête de l'armée et un cousin à la Direction Générale des Renseignements, de sorte que tous les appareils de répression du régime se retrouvèrent sous le contrôle direct de ses parents et de ses proches.
Finalement, en juillet 1979, ce fut au tour du président al-Bakr d'être écarté. Cette fois-là, la mise en scène fut particulièrement soignée. Le président vint lui-même expliquer aux médias que son état de santé le contraignait à nommer Saddam Hussein pour le remplacer au poste suprême. Celui-ci était donc désormais numéro un du régime. Mais, redoutant sans doute une crise de succession, il ne prit aucun risque. Deux semaines plus tard, 22 hauts dignitaires du régime étaient exécutés, dont un quart des membres du Conseil de Commandement Révolutionnaire, sous prétexte d'avoir participé à un obscur complot orchestré par la Syrie. Ce ne devait pas être la dernière purge de ce type, d'ailleurs. Mais d'ores et déjà, Saddam Hussein se retrouvait seul à la tête du régime.
À la recherche des bonnes grâces de l'impérialisme
Pendant la décennie que dura la consolidation de la dictature, l'attitude des puissances impérialistes fut d'un cynisme total. Autant les capitales occidentales poussèrent des cris horrifiés à chaque atteinte que le régime porta aux privilèges des compagnies pétrolières et à chaque accord qu'il passa avec l'URSS, autant on n'y manifesta qu'une indifférence polie face aux massacres de Kurdes ou de communistes.
Mais les oeillades du Baas vers Moscou et sa rhétorique anti-impérialiste n'étaient destinées qu'à mieux négocier une place dans le giron impérialiste. Ce type de politique n'avait rien d'original à l'époque : bon nombre de régime du Tiers Monde s'y étaient essayés.
D'ailleurs bon nombre des grands chantiers financés par les revenus pétroliers allèrent à de grandes entreprises américaines, et cela alors même que les États-Unis continuaient à refuser toute relation diplomatique avec le régime du Baas. Quant au commerce (hors armement), les principaux fournisseurs de l'Irak en 1979 étaient, par ordre d'importance décroissante : le Japon, l'Allemagne, la France, les États-Unis et la Grande-Bretagne.
Sur le plan des ventes d'armes, ce fut la France qui occupa bientôt la place de deuxième pourvoyeur du régime irakien, après l'Union Soviétique. Depuis qu'elles avaient été rétablies en 1963, les relations franco-irakiennes avaient été des plus profitables, de part et d'autre d'ailleurs. La France était devenue le plus gros acheteur de pétrole irakien. Entre 1974 et 1980, Giscard d'Estaing et Saddam Hussein s'étaient rendu mutuellement visite à deux reprises chacun. Et puis, surtout, en 1976, Giscard d'Estaing avait été le premier dirigeant occidental à signer officiellement un contrat de ventes d'armes à l'Irak.
À cette occasion Chirac, alors Premier ministre, avait décrit Saddam Hussein comme « un dirigeant réaliste conscient de ses responsabilités, soucieux des intérêts de son pays et du bon équilibre de cette région du monde ». Sans doute faisait-il référence à la façon dont Saddam Hussein avait « équilibré » le Kurdistan irakien en le transformant en un immense camp de personnes déplacées ? Sans doute était-ce aussi pour le « bon équilibre de cette région du monde » que les grandes entreprises françaises avaient entrepris la construction de la centrale nucléaire irakienne de Tamuz, avec la bénédiction de Giscard d'Estaing ?
Le tournant de 1979
En 1979 les dirigeants impérialistes eurent de nouveau quelques craintes pour la stabilité de leur domination au Moyen-Orient. En effet en janvier 1979, le chah d'Iran fut chassé par un soulèvement populaire. Même si celui-ci était sous la coupe des dirigeants islamistes, les événements d'Iran comportaient des risques de contagion dans toute la région. Il fallait donc trouver rapidement le moyen de contrer le nouveau régime, tout en faisant payer le plus cher possible le renversement du chah aux masses pauvres iraniennes.
Et ce fut la dictature de Saddam Hussein qui apporta à l'impérialisme la solution qu'il cherchait. L'ancien homme de main du Baas, devenu dictateur, sentit que le moment était venu d'offrir ses services comme homme de main de l'impérialisme lui-même.
Saddam Hussein pouvait faire le calcul que le renversement du chah laissait un vide, qui lui permettrait de devenir à son tour, à la place du chah, l'homme fort de la région reconnu par l'impérialisme. Cela pouvait être aussi l'occasion de régler une fois pour toutes, au profit de l'Irak, les vieux problèmes frontaliers qui opposaient les deux pays. Qui plus est, la victoire de Khomeyni en Iran posait un problème à Saddam Hussein, comme à un certain nombre d'autres leaders arabes, dans la mesure où elle avait relancé brutalement les revendications des populations chiites. Or en Irak, les chiites étaient majoritaires.
Quoi qu'il en soit, lorsque les troupes irakiennes pénétrèrent en Iran, en septembre 1980, le président américain Carter se contenta de dénoncer l'Irak comme étant le « pays envahisseur », ce qui était de toute façon indéniable. Mais il se garda bien de pousser les hauts cris au nom du « respect du droit international », comme devait le faire Bush senior, dix ans plus tard, après l'invasion du Koweit par l'Irak.
Et pour cause, car cette guerre convenait finalement fort bien aux dirigeants américains. Même s'ils ne souhaitaient pas une victoire incontestée de l'Irak, Saddam Hussein pouvait leur servir à mettre l'Iran de Khomeyni au pas et à faire oublier aux populations le sentiment de victoire qu'elles avaient eu après le renversement du chah.
Et si la diplomatie des puissances impérialistes n'encourageait pas ouvertement Saddam Hussein, les marchands d'armes n'avaient pas ces pudeurs. Il n'était pas question, alors, de boycotter l'Irak.
La déclaration de guerre accéléra les livraisons d'armes. Pour ce qui est de la France, tous les grands noms de l'industrie française eurent accès à cette manne : Dassault avec 328 Mirage, Aerospatiale avec 121 hélicoptères et plus de 4 000 missiles, Matra avec 3 000 missiles, Giat avec plus de 500 tanks, etc. Et pour justifier cette foire de la mort, le ministre des Affaires étrangères socialiste d'alors, Claude Cheysson, expliqua hypocritement en 1983 : « Chaque pays arabe insiste pour que notre soutien à l'Irak se poursuive, pour que les Iraniens, j'allais dire les Persans, ne se lancent pas comme dans le passé dans de grandes conquêtes vers l'Ouest. »
Les États-Unis furent, il est vrai, plus lents à prendre aussi ouvertement fait et cause pour l'Irak. Mais en 1984, face aux revers subis par l'armée irakienne, ils reprirent leurs relations diplomatiques avec l'Irak et autorisèrent les livraisons d'armes américaines. Au cours des cinq années qui suivirent, 750 entreprises américaines furent autorisées à livrer du matériel d'armement à l'Irak, y compris à la Commission de l'Energie Atomique Irakienne. Et bien d'autres pays suivirent l'exemple américain, de l'Allemagne au Brésil, en passant par l'Italie et la Grande-Bretagne.
Au total on estime aujourd'hui que 100 milliards de dollars d'armes furent vendues par les puissances occidentales à l'Irak durant cette guerre.
Mais les marchands de canons ne se contentèrent pas du marché irakien. Ils allèrent aussi vendre leurs armes à l'autre camp. Ainsi le scandale dit de l'Irangate révéla comment la CIA avait vendu des armes secrètement à l'Iran, avec l'aval de l'administration Reagan, d'abord en échange de l'intervention iranienne pour libérer des otages américains, puis pour financer une guérilla d'extrême droite au Nicaragua. En fait, de très grandes quantités d'armes américaines furent ainsi vendues à l'Iran, par l'intermédiaire d'Israël, pendant pratiquement toute la durée de la guerre. Mais les USA ne furent pas les seuls. La France connut elle aussi son Irangate, lorsqu'il fut révélé que la société Luchaire avait livré plus de 400 000 obus d'artillerie lourde à l'Iran, en utilisant de faux certificats de destination.
Le prix de la guerre pour les populations
Cette guerre dura finalement huit longues années. Pour les populations irakiennes et iraniennes, ce fut une boucherie sans nom. Par bien des aspects elle fut comparable à la Première Guerre mondiale en France, avec des combats de tranchées interminables et un usage intensif d'armes chimiques, particulièrement du côté irakien. Mais en plus on y fit également usage de quelques-uns des « progrès techniques » apportés par l'impérialisme au cours de ses guerres coloniales, en particulier des mines antipersonnel et autres engins à fragmentation. Le nombre des morts fut estimé à plus d'un million.
Si la guerre dura aussi longtemps et fut si meurtrière, ce fut donc en partie du fait de l'avidité au profit des trusts occidentaux de l'armement. Et si Saddam Hussein put bâtir au cours de cette guerre une machine militaire si formidable qu'elle lui permit de tenir face à un pays dont la population était deux fois plus nombreuse, ce fut avant tout grâce aux choix politiques de l'impérialisme et à ses livraisons d'armes.
Sur le plan intérieur irakien, comme on pouvait le prévoir, la guerre ne fit qu'aggraver le caractère répressif et dictatorial du régime. Pendant toute sa durée, les exécutions d'individus « suspects » d'appartenir à des organisations illégales se poursuivirent à un rythme soutenu. Périodiquement on apprenait que, dans telle ou telle prison, les prisonniers politiques avaient « disparu », ce qui laissait supposer des exécutions en masse.
Mais c'est surtout au Kurdistan, la seule région du pays où il restait une opposition organisée au régime, que la répression fut particulièrement sanglante.
Les partis kurdes cherchaient en effet à profiter de la guerre pour s'enraciner dans des régions où l'armée, trop occupée, ne viendrait pas les déloger. Mais en 1988, dans les derniers mois de la guerre, Saddam Hussein lança une opération de grande envergure. 4 000 villages et bourgades furent totalement détruits à l'artillerie lourde ou par l'aviation, de façon à ce qu'il soit impossible de les reconstruire. Dans un cas au moins, la petite ville de Halabjah, l'aviation irakienne fit usage d'armes chimiques qui tuèrent instantanément une partie de la population. Parfois les habitants étaient regroupés au préalable pour être ensuite escortés dans des « villages protégés ». Mais pour gagner du temps, il n'en était pas toujours ainsi, auquel cas, ceux qui n'avaient pas eu le temps de s'échapper dans la montagne étaient voués à une mort certaine.
Cette opération, ou plutôt ce massacre organisé, dura plus de trois mois. Elle fit au moins 100 000 morts et sans doute beaucoup plus puisque 182 000 disparus furent dénombrés. Un demi-million de Kurdes furent parqués dans les « villages protégés » du régime, en plus de ceux qui y étaient déjà. Moyennant quoi, une fois que la guerre avec l'Iran eut pris fin, le 20 août 1988, l'armée irakienne put lancer une offensive victorieuse, cette fois, contre les maquis kurdes, désormais privés de la possibilité de se fondre dans les villes et villages de la région.
1990-91 - la guerre du Golfe
La guerre avec l'Iran se termina par une partie nulle, comme l'avait souhaité l'impérialisme. Elle laissa la société irakienne exsangue et son économie en ruines.
On en arriva alors à cette période de 1990-91 qui marqua la rupture entre les États-Unis et l'Irak. L'Irak ne s'était jamais singularisé par son opposition aux diktats de l'impérialisme. C'était un régime qu'on appréciait dans les capitales occidentales malgré les massacres qu'il avait commis... ou peut-être, justement, à cause d'eux ! Et ce fut finalement l'invasion du Koweit par l'Irak qui entraîna la rupture.
Pourquoi Saddam Hussein s'est-il lancé dans cette aventure ? Le fait est que la politique de dumping du pétrole pratiquée par le Koweit et ses exigences de remboursement immédiat de la dette irakienne mettaient Saddam Hussein dans une impasse, à un moment où au contraire il s'attendait à être remercié de tous ses efforts pour frapper l'Iran. En somme, l'homme de main voulait toucher son salaire, alors que l'impérialisme et ses alliés koweitiens, saoudiens ou des Emirats estimaient qu'ils ne lui devaient rien.
Pour sortir de cette impasse, la seule voie que vit Saddam Hussein fut de suivre l'exemple de Kassem en envahissant le Koweit. A-t-il cru que les leaders impérialistes fermeraient les yeux, ou en tout cas qu'ils seraient prêts ensuite à un marchandage dans lequel l'occupation irakienne du Koweit pourrait servir de monnaie d'échange ? Nous ne le savons pas. Reste qu'en envahissant le Koweit, Saddam Hussein touchait cette fois trop directement aux intérêts des trusts pétroliers pour que les dirigeants de l'impérialisme ne le lui fassent pas payer.
C'est là que se trouve le fondement de l'attitude des dirigeants américains vis-à-vis de Saddam Hussein, en 1990-91 comme aujourd'hui. D'ailleurs, même s'il se trouve que par la grâce du hasard des élections ce sont Bush père et fils qui auront administré la punition, il ne faut pas oublier qu'entre-temps Clinton a mené exactement la même politique.
Après que les troupes irakiennes eurent envahi le Koweit, le 2 août 1990, vint la campagne aussi hystérique qu'hypocrite des gouvernements occidentaux hurlant à la « violation du droit international ». Et du jour au lendemain les mêmes dirigeants occidentaux qui avaient armé Saddam Hussein, avaient été ses bailleurs de fonds et n'avaient jamais rien dit contre les massacres qu'il avait commis contre sa propre population, se mirent à le dénoncer comme le dictateur à abattre, en se parant du manteau de la démocratie et de la défense de « l'indépendance » koweitienne - en fait, celle de leurs trusts pétroliers.
Puis vint la guerre du Golfe, à partir du 17 janvier 1991 - cinq semaines et demie de bombardements pour commencer, puis la guerre terrestre qui mit en déroute ce qui restait de l'armée irakienne. Après quoi Saddam Hussein annonça le retrait de ses troupes du Koweit, retrait qui fut l'occasion d'un dernier massacre, aussi ignoble que gratuit, de ces milliers de soldats pris sous un déluge de bombes à fragmentation.
Restait à Bush senior à aller jusqu'au bout de ses menaces - c'est-à-dire à faire tomber le régime de Saddam Hussein. Or il n'en fit rien. Lorsque des soulèvements éclatèrent au Kurdistan et parmi les populations chiites du sud du pays, qui avaient pris au sérieux les appels de Bush à se révolter contre le dictateur, les troupes occidentales restèrent tranquillement l'arme au pied, en attendant que l'armée irakienne ait écrasé les insurgés. Et ce ne fut qu'en avril 1991, après que l'insurrection kurde eut été écrasée, que les dirigeants occidentaux imposèrent une zone d'exclusion aérienne au nord du pays, dont une partie passa par la suite sous le contrôle partiel des Nations Unies. Quant à celle qui couvre aujourd'hui le sud du pays, elle ne fut instaurée qu'en août 1992, c'est-à-dire bien après les événements.
Il faut croire que les dirigeants américains ne voulaient pas de la chute de Saddam Hussein à n'importe quel prix, et en tout cas pas au risque de voir se développer dans le pays une situation explosive après l'écroulement de son régime. Celui-ci avait montré depuis des années son efficacité pour réprimer les masses de son pays et, à tout prendre, mieux valait compter sur lui pour continuer à le faire que de risquer une nouvelle période d'instabilité politique. C'est sur ce calcul parfaitement cynique que l'homme de main de toujours, une fois ramené à la raison, put rester à la tête du pays pour la décennie suivante, jusqu'à aujourd'hui.
Douze ans d'une guerre qui ne dit pas son nom
Pour la population irakienne, le bilan de la guerre du Golfe était dramatique. En plus des quelque 100 000 victimes des bombardements, une grande partie des infrastructures de tous ordres avaient été détruites. Pour ne prendre que cet exemple, un expert de l'ONU estimait à la fin 1991 que le réseau électrique avait été ramené à son état d'avant la Première Guerre mondiale.
Mais pour la population une autre guerre commençait, qui à ce jour n'est toujours pas terminée. Non seulement elle allait subir l'impact des sanctions économiques de l'ONU, imposées sous prétexte de contraindre Saddam Hussein à remplir toutes les conditions du cessez-le-feu et en particulier la destruction de son armement. Mais en plus elle allait connaître des bombardements périodiques qui, bien souvent, frapperaient des objectifs civils.
Depuis douze ans, les puissances impérialistes se livrent ainsi à un jeu meurtrier qui consiste à faire monter les enchères chaque fois que Saddam Hussein se dit prêt à céder aux exigences précédentes, de façon à justifier la poursuite de cette guerre qui ne dit pas son nom.
Les sanctions économiques ont permis à l'impérialisme d'exercer un contrôle pratiquement total sur le commerce extérieur de l'Irak, et en particulier sur ses revenus pétroliers. Les couvertures « humanitaires » dont s'est servi l'ONU pour dissimuler ses objectifs réels n'ont rien changé à l'affaire.
Le programme « pétrole contre nourriture », en vigueur depuis 1995, en montre toute l'hypocrisie. Sans doute il permet à l'Irak d'exporter une certaine quantité de pétrole et d'importer en retour des produits de première nécessité. Mais une partie des recettes ainsi dégagées doivent servir d'abord à financer les réparations de guerre au Koweit, payer les salaires des fonctionnaires de l'ONU chargés de contrôler les comptes et les importations, et payer les frais d'utilisation de l'oléoduc turc qui doit servir obligatoirement pour le pétrole exporté. Une fois tous ces frais payés, ce sont les bureaucrates de l'ONU qui jugent ce qui est bon pour la population. Et ils prennent leur temps.
De plus, on en arrive aujourd'hui à la situation paradoxale où l'Irak est autorisé à vendre plus de pétrole qu'il ne peut en produire, faute de pouvoir importer les pièces et le matériel nécessaires pour remettre en état d'autres puits.
Car il n'est toujours pas question pour l'ONU de laisser l'Irak importer de quoi réparer ses infrastructures détruites. Aucun produit d'importation ne doit être à « double emploi », c'est-à-dire susceptible d'être utilisé aussi bien à des fins militaires que civiles. Par conséquent quantité de produits chimiques de base ne peuvent pas être importés parce qu'ils pourraient servir dans la fabrication d'armes chimiques, même s'ils sont indispensables pour la fabrication de certains médicaments courants. De même les pompes à eau de forte puissance sont interdites, parce qu'elles pourraient servir au lavage de combustible nucléaire. Or le pays souffre dramatiquement du manque d'installations de pompage.
Ainsi, comme le dit l'ONU elle-même, « les problèmes de malnutrition viennent de la détérioration massive des infrastructures de base, notamment des systèmes d'approvisionnement en eau et d'élimination des déchets ». Cette situation a repoussé brutalement en arrière de plusieurs décennies un pays qui avait un taux de mortalité infantile parmi les plus bas de la région. On peut estimer qu'en douze ans un million d'Irakiens sont morts du fait des sanctions, dont la moitié sont des enfants de moins de cinq ans.
Le tournant du 11 septembre 2001
C'est dans ce contexte de guerre larvée, menée depuis douze ans contre la population irakienne par trois administrations américaines successives, républicaines aussi bien que démocrates, que sont intervenus les attentats du 11 septembre 2001. Et ces attentats ont marqué un tournant.
Non pas pour ce qui est du fond de la politique américaine, qui a toujours été guidée par la défense de l'ordre impérialiste en général et des intérêts de ses trusts en particulier. Mais le 11 septembre et la gigantesque manipulation d'opinion qui l'a suivi ont fourni aux dirigeants américains des moyens politiques supérieurs.
Bush, ce président mal élu qu'une partie des médias tournait jusqu'alors en dérision comme un Texan mal dégrossi et qui se traînait lamentablement dans les sondages, en a été le premier bénéficiaire. En s'appuyant sur l'émotion créée par les attentats pour développer une rhétorique guerrière, Bush a réussi à se propulser du jour au lendemain au sommet de la popularité et à faire oublier ses débuts peu glorieux à la Maison-Blanche.
Mais au-delà de la personnalité de Bush, le 11 septembre a marqué un tournant dont a bénéficié toute la classe politique américaine, en créant dans l'opinion publique un consensus qui met fin à la période ouverte par la guerre du Vietnam.
La longue guerre contre le Vietnam, que l'impérialisme ne réussit pas à gagner et qui lui coûta cher, financièrement et surtout humainement, avait suscité à l'époque un fort courant pacifiste. Mais, au-delà de ce courant, le spectacle des « body-bags », ces sacs en plastique contenant les restes des soldats américains morts, et le spectacle de ceux qui revenaient de cette sale guerre mutilés du corps ou de l'esprit, avait marqué la conscience collective américaine. L'impérialisme américain ne cessa pas pour autant d'intervenir aux quatre coins de la planète. Mais il fallait à ses dirigeants politiques y mettre les formes et éviter en particulier que des soldats américains meurent dans ces interventions.
Avec le temps, l'état d'esprit commença à changer. Mais c'est le 11 septembre qui a permis aux dirigeants américains de faire passer, aux yeux de l'opinion publique américaine, la pire crapulerie impérialiste pour un combat de légitime défense de la démocratie contre le terrorisme, du bien contre le mal.
Depuis un an ce consensus a été entretenu par une violente campagne orchestrée par l'administration Bush, qui vise à alimenter la peur du terrorisme sur laquelle il repose, en même temps qu'à lui fournir un exutoire, celui de la « guerre contre le terrorisme ».
Tout le monde s'est mis à agiter le spectre du terrorisme à tout propos, des politiciens aux médias, en passant par les faiseurs d'opinion en tout genre. Les institutions politiques ont surenchéri, en adoptant des mesures sécuritaires destinées à accréditer la nécessité d'un état d'urgence. Ces mesures vont de la constitution de tribunaux d'exception, dont les juges sont anonymes, à l'attribution de pouvoirs discrétionnaires à la police pour effectuer à sa guise surveillances, écoutes et perquisitions, en passant par la détention préventive illimitée des individus suspectés d'avoir des liens avec le terrorisme et la suspension de fait des droits dont jouissaient les étrangers.
L'appareil de répression a suivi, lorsqu'il n'a pas anticipé les législateurs. Il a organisé des rafles visant des milliers d'étrangers dont le seul crime était d'être originaires du Moyen-Orient. Il a monté en épingle pendant des mois la prétendue menace des attentats à l'anthrax. Il a multiplié les communiqués de victoire annonçant la découverte de soi-disant cellules d'al-Qaida opérant sur le territoire américain, sans qu'à ce jour aucun chef d'inculpation ait pu être retenu contre ces prétendus terroristes, hormis des infractions mineures à la législation sur l'immigration.
En entretenant le climat d'union nationale et le concensus autour de la « guerre contre le terrorisme », ce matraquage a permis aux dirigeants américains de mener leur agression contre l'Afghanistan sans rencontrer d'opposition notable dans l'opinion publique.
De là à ce qu'ils en viennent à considérer le moment venu de régler leurs comptes avec l'Irak, il n'y avait qu'un pas, que Bush a fini par franchir ces derniers mois en lançant sa campagne contre Saddam Hussein.
Alors, évidemment, même les plus zélés des spécialistes en intoxication de Bush n'ont pas réussi à trouver de quoi faire le lien entre Saddam Hussein et le terrorisme. Ce qui a été confirmé encore le 8 octobre devant une commission parlementaire, par le directeur de la CIA en personne. C'est tout dire ! Mais qu'importe ! À défaut de pouvoir lier Saddam Hussein aux attentats du 11 septembre et à Ben Laden, Bush se satisfait fort bien des ragots les plus fantastiques sur les fameuses « armes de destruction massive » dont Saddam Hussein menacerait le monde dit « libre ».
Sur cette base, Bush est allé recruter des alliés parmi les impérialismes de seconde zone. Le Premier ministre britannique, Blair, n'a fait aucune difficulté. Comme d'habitude, il s'est mis au garde-à-vous dès que Washington lui en a donné l'ordre. Et, pour bien marquer son zèle, il en est déjà à rappeler du personnel médical réserviste. Quant à Chirac, s'il a fait des manières en pinaillant sur les formulations de la résolution proposée par les États-Unis au Conseil de Sécurité de l'ONU, il ne veut pas pour autant risquer de rester en dehors du règlement final, de peur que les intérêts des trusts français s'en trouvent lésés. Et ne serait-ce que pour cette raison, il s'alignera derrière la politique des dirigeants américains avant qu'il soit trop tard.
Les problèmes soulevés par l'invasion...
S'il est encore impossible de dire aujourd'hui si les dirigeants américains feront la guerre contre l'Irak, et si oui sous quelle forme, tout indique qu'ils se sont donné les moyens militaires de le faire à tout moment s'ils le décident. C'est en tout cas ce qu'on peut conclure des mouvements de troupes vers le Koweit et l'émirat de Bahrein depuis plus d'un mois ou du positionnement de bombardiers B-52 et B-2 en nombre sur la base anglaise de Fairford et sur l'archipel de Diego Garcia dans l'océan Indien.
Ce qui est sûr, c'est que pour renverser Saddam Hussein les dirigeants américains devraient recourir à une opération militaire. Mais s'ils lancent une telle opération, ils ne pourront pas non plus se permettre de ne pas aller jusqu'au bout. En 1991 ils ont pu choisir de ne pas le faire, parce qu'ils pouvaient présenter la libération du Koweit comme une victoire qui se suffisait à elle-même. Mais cette fois-ci ils n'auront pas cette option.
Seulement la réalisation d'un tel objectif soulève toute une série de problèmes qui peuvent encore faire reculer les dirigeants américains, ou en tout cas les faire hésiter.
Bush peut estimer, par exemple, qu'il bénéficiera du soutien de l'opinion américaine si son expédition militaire se déroule rapidement, même et y compris s'il y a des victimes dans les rangs américains. Mais comment peut-il être sûr que les choses se déroulent ainsi ?
Le problème pour Bush, c'est que cela ne dépend pas seulement des moyens militaires déployés par les États-Unis, qui sont de toute façon incomparablement supérieurs à ceux de l'Irak, mais plus encore des réactions de la population irakienne. Or comment celle-ci réagira-t-elle face à une invasion américaine ? Accueillera-t-elle les soldats américains en libérateurs, comme ils avaient été accueillis au Koweit en 1991 ? Ou bien, au contraire, l'invasion américaine se heurtera-t-elle à une réaction de la population, qui pourrait resserrer ses rangs autour du régime ?
Or si les troupes américaines furent accueillies en libérateurs par les Koweitiens, ce fut parce que, pour cette population constituée en majorité de rentiers, cela signifiait le retour à la vie d'aisance qui était la sienne avant l'invasion irakienne. Mais pour les masses irakiennes une invasion américaine ne signifierait rien de tel. Tout au plus pourraient-elles en attendre la fin des sanctions et une reconstruction du pays étalée sur des années et même des décennies, mais rien qui puisse les sortir de leur pauvreté.
En revanche, il faut quand même se rappeler que pour les masses arabes en général, et pour la population d'Irak en particulier, les États-Unis sont avant tout les instigateurs de bon nombre de coups tordus qui ont ensanglanté le Moyen-Orient, et les responsables des douze années de sanctions et de bombardements périodiques qui viennent de s'écouler. Ils passent aussi pour le principal soutien de la politique abjecte menée par Israël contre le peuple palestinien.
Ce qui est vrai des masses arabes l'est aussi des masses kurdes. Rien ne garantit non plus que celles-ci voient d'un bon oeil une invasion américaine. Sans doute la population kurde a-t-elle relativement moins souffert des sanctions économiques que le reste de la population irakienne et une partie d'entre elle a bénéficié d'une relative protection contre le régime de Saddam Hussein grâce aux zones autonomes imposées à Bagdad au lendemain de la guerre du Golfe. Mais la population kurde peut aussi se souvenir de la façon dont Washington lui a retiré son soutien à plusieurs reprises, juste au moment où elle était menacée par une offensive irakienne.
Quant à s'appuyer sur les organisations nationalistes pour obtenir l'assentiment de la population kurde, ce serait pour les États-Unis se servir d'une arme à double tranchant. Car quelle garantie y aurait-il alors que les concessions faites à ces organisations ne se traduisent pas par une résurgence du nationalisme kurde dans toute la région, et plus particulièrement en Turquie, ce qui pourrait déstabiliser ce pilier régional de l'impérialisme ?
Enfin les risques d'une invasion ne se limitent pas au seul territoire irakien. Car quelle sera la réaction des masses arabes pauvres dans le reste du Moyen-Orient ? Ne risquent-elles pas, dans des pays comme l'Egypte ou la Jordanie par exemple, de laisser exploser leur colère et de déstabiliser les dictatures liées à l'impérialisme qui y sont au pouvoir ? Et du même coup, le fait pour les États-Unis de s'attaquer à l'Irak, au lieu de renforcer le système de domination impérialiste au Moyen-Orient ne risque-t-il pas de le fragiliser au contraire ?
... et par ce qui viendra après
Et même si l'armée d'invasion américaine parvenait rapidement à renverser Saddam Hussein, que mettre à la place ?
Fabriquer un gouvernement irakien à partir de politiciens issus de l'opposition en exil, voire même des rangs du Baas, est une option possible, comme cela s'est fait en Afghanistan.
Mais l'expérience de l'Afghanistan donne une idée des problèmes qui se poseraient alors. Car en Afghanistan, le gouvernement mis en place par les dirigeants américains ne gouverne réellement que Kaboul. Et encore n'y parvient-il que sous la protection de plusieurs milliers de soldats occidentaux, dont la présence n'empêche même pas l'assassinat d'un ministre de temps à autre. Quant au reste du pays, il est soumis à la loi de seigneurs de la guerre qui défendent jalousement leur territoire, aussi bien contre leurs rivaux que contre le gouvernement de Kaboul.
Or, en Irak, les Américains n'auront pas affaire à des seigneurs de la guerre de type afghan, mais aux dirigeants kurdes et chiites qui disposent d'une base sociale infiniment plus nombreuse et de moyens matériels bien plus importants. Qui plus est, ils s'appuient sur des aspirations qui, si on leur donne libre cours, ne peuvent que remettre en cause les frontières artificielles de la région.
Et cela sans parler des rivalités qui risquent de voir le jour au sein même de l'appareil d'État, en particulier entre ses multiples corps de répression rivaux, dès lors que la poigne de fer du régime se sera relâchée. Or, là encore, il ne s'agit pas de chefs de guerre s'appuyant sur quelques milliers de soldats indisciplinés et mal armés, mais de machines modernes, bien équipées et encadrées, et organisant des dizaines de milliers d'hommes entraînés.
Alors, une autre possibilité qui serait envisagée serait la mise en place d'une administration américaine directe, qui exercerait le pouvoir jusqu'à ce que des institutions viables aient pu être mises en place avec un personnel politique dûment sélectionné. Un tel choix impliquerait néanmoins l'occupation physique d'une grande partie du pays et la mise en oeuvre de moyens matériels et humains considérables, pour un temps relativement long. Or si on peut concevoir que la population ne résiste pas à une invasion, en revanche on voit mal comment une occupation prolongée dans le temps n'engendrerait pas des mouvements de résistance. Et du coup serait posé de nouveau le problème de la réaction de l'opinion publique américaine.
À bas la guerre, mais surtout à bas l'impérialisme !
Ce que feront les dirigeants américains dépendra en fin de compte des risques qu'ils choisiront de prendre, face aux divers problèmes soulevés par le renversement de Saddam Hussein.
Ce qui est certain est que, quel que soit le choix qu'ils feront, que ce soit celui de la guerre ou celui de la diplomatie assortie d'une pression guerrière permanente, leur objectif restera, comme cela a toujours été le cas depuis 1945, de préserver la domination de l'impérialisme en général et du leur en particulier.
Ce n'est pas pour rien que le Moyen-Orient est, depuis plusieurs décennies, une des principales zones de tension de la planète. Cela ne tient pas à ses peuples, mais à l'impérialisme. Cette région a une importance capitale, à la fois de par sa situation géostratégique et en raison de la richesse pétrolière que son sol recèle. Cette richesse, qui aurait pu être un avantage pour les peuples de la région, est devenue une malédiction. Car, à côté de la richesse extravagante de quelques émirs et d'une haute bourgeoisie liée à l'impérialisme, les masses laborieuses de la région vivent dans la misère. Et ce sont elles qui subissent les dictatures, les coups d'État, les guerres qui résultent en dernier ressort des manoeuvres impérialistes.
Alors oui, le Moyen-Orient est le miroir de la domination impérialiste sur le monde.
Et on peut dire rétroactivement, au vu des décennies d'histoire que nous avons survolées, que même dans les périodes de paix la population du Moyen-Orient a payé chèrement la domination impérialiste. En 1988, par exemple, ce n'est pas les troupes américaines qui firent 100 000 morts dans les rangs de la population kurde, ce fut l'armée irakienne. Mais elle en eut la possibilité parce que l'impérialisme avait armé Saddam Hussein jusqu'aux dents pour qu'il puisse faire son sale boulot à sa place, en affaiblissant l'Iran de Khomeyni.
D'ailleurs d'ores et déjà, avant même d'atteindre l'Irak, cette guerre a fait des victimes collatérales : les Palestiniens assassinés par Sharon, au nom de la « guerre contre le terrorisme », et maintenant les morts de la guerre de Tchétchénie que Poutine voudrait bien faire légitimer sous le même prétexte.
D'ores et déjà, avec leur politique de sanctions et de bombardements périodiques, les dirigeants impérialistes ont créé un état de guerre en Irak, que la population paie chèrement depuis douze ans.
Et aux États-Unis mêmes, la façon dont ils rallient l'opinion du côté de la guerre, par leur matraquage belliciste contre Saddam Hussein, est dangereuse pour la population américaine et va à l'encontre de ses intérêts.
En France, l'intérêt de la population n'est pas non plus de voir en Chirac un sauveur de la paix.
Et pas seulement parce que, si guerre il y a, la France sera partie prenante, mais aussi parce que l'impérialisme français fait partie de la bande de brigands impérialistes qui pillent le Moyen-Orient. Sans doute, ses forces ne sont pas à la hauteur de ses ambitions ! Et, dans les chamailleries pour le partage, il n'a pas toujours la part qu'il voudrait. Mais les disputes entre brigands pour le partage du butin n'offrent aucun réconfort à ceux qu'ils pillent.
Alors, s'opposer au climat guerrier entretenu contre l'Irak, c'est dénoncer aussi notre propre impérialisme. Et c'est le dénoncer non pas en raison de son alignement sur les brigands en chef américains, mais en raison de son propre rôle passé et présent.
Et, que ce soit aux États-Unis ou en France, il est de l'intérêt des populations de faire la démonstration que cette guerre de brigandage contre l'Irak, si elle se produit, ne se fait pas avec leur assentiment.
Mais au-delà des risques actuels de guerre contre l'Irak, au-delà de la politique présente des dirigeants américains, c'est le système impérialiste lui-même qui constitue un danger permanent pour les peuples. Car le système impérialiste est générateur de guerres, du fait des rivalités qui le sous-tendent, de l'oppression qu'il exerce et de la pauvreté qu'il engendre. Et dans le cas du Moyen-Orient, tant qu'y durera la domination impérialiste, cela restera une région où le sort de la population sera subordonné aux intérêts des trusts pétroliers.
Alors oui, à bas la guerre contre l'Irak, mais également à bas l'impérialisme, synonyme de guerres et de souffrances pour les peuples !