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Leur société
Plan antiviolence d'Allègre : Beaucoup de bla-bla et pas de moyens
La multiplication d'incidents liés à la violence en milieu scolaire ces derniers jours, en banlieue parisienne (Bondy, Mantes-la-Jolie, Stains) comme en province (Roubaix, Longwy), a conduit Allègre, le ministre de l'Éducation nationale, à bousculer son calendrier et à dévoiler plus tôt que prévu, jeudi 27 janvier, la seconde phase de son plan antiviolence. Parce qu'il y a eu une première phase. Mais qui s'en souvient ?
Selon des chiffres qu'a certainement laissés filtrer le ministère de l'Education nationale, le nombre d'incidents violents aurait baissé de 5 % pour la première fois depuis six ans, passant de 3 843 incidents recensés en 1998 contre 4 037 l'année précédente. Cette baisse serait à mettre au compte de la première phase du plan antiviolence d'Allègre qui avait vu le jour fin 1997. Mais pour quelques milliers d'incidents recensés, combien de milliers d'autres demeurent ignorés ? Combien restent cachés par les chefs d'établissements eux-mêmes qui préfèrent " accuser le coup " plutôt que d'être mal vus (ou mal notés) par le Rectorat ?
Ces plans se succèdent et rien ne change
Depuis les années 1990, plusieurs plans ministériels antiviolence ont été mis en place, de Jospin à Jack Lang, en passant par François Bayrou, sans que cela change quoi que ce soit sur le fond. Car aucun n'a été porté à terme. Aujourd'hui, Allègre donne l'impression de faire quelque chose. Mais sans bourse délier. Il n'a rien à proposer de sérieux et de concret pour lutter contre la violence à l'école. Il sait que ni les mesures dérisoires, ni le saupoudrage d'emplois-jeunes ici et là, ni le renforcement de la discipline, ni le retour à la morale qu'il propose, ne changeront la réalité des collèges et des lycées. La presse a fait état des propositions du ministre dans leurs grandes lignes. Pour juguler la violence dans les 39 établissements classés " lieux de violences graves " et les 300 classés " lieux de violences mineures " (sur 7 500 collèges), Allègre promet une " échelle unifiée de sanctions " (du primaire au secondaire) qui irait de l'avertissement à l'exclusion, en passant par l'inscription de la faute sur le dossier scolaire. Il propose également le recrutement de plusieurs milliers d'emplois-jeunes.
Les statistiques masquent - mal - cette réalité. Pour la connaître, il faut interroger les enseignants et les élèves des banlieues des grandes villes. Et quasiment partout, on entend les mêmes récits, les mêmes griefs. Il y a urgence. Lutter contre la violence, c'est bien évidemment s'attaquer à sa racine : à la misère, au chômage. Mais dans l'immédiat, sans attendre, il y aurait les moyens, sinon d'éradiquer toutes les tensions et toutes les violences, du moins d'agir pour en réduire les manifestations.
Des mesures d'urgence... jamais prises
Cela nécessiterait des efforts budgétaires exceptionnels de la part du ministère et du gouvernement. On pourrait transformer sans attendre les postes des quelque 65 000 aides-éducateurs que compte l'Education nationale en emplois définitifs (avec des salaires conséquents). On pourrait embaucher massivement surveillants, enseignants, agents administratifs, infirmières et ouvriers professionnels pour que chaque établissement scolaire puisse fonctionner normalement et non plus en déficit chronique de personnel comme c'est le cas aujourd'hui (où l'on compte dans certains établissements une poignée de surveillants pour plusieurs centaines d'élèves). La présence d'adultes, de personnel d'encadrement, en nombre suffisant permettrait d'éviter des violences mineures. Il faudrait construire des collèges à taille humaine, d'une capacité de 300 à 400 élèves (tout de suite et non à la saint-glin-glin).
Cela permettrait d'autres relations entre élèves, entre élèves et professeurs. A la différence de ces monstrueuses unités actuelles ingérables, qui regroupent de 1 000 à 1 200 élèves. Il faudrait créer des classes avec des effectifs allégés, non pas en fonction de moyennes statistiques, mais en fonction de la réalité qui varie et nécessite dans bien des cas la réduction du nombre d'élèves par classe. Et éviter que plus de la moitié des effectifs de certains établissements classés " difficiles " ou " sensibles " ne soit renouvelée chaque année. A Roubaix, à Bondy, à Stains et dans bien d'autres lieux, des collèges difficiles sont confrontés à ce problème. L'expérience montre que lorsque des équipes administratives et éducatives soudées, qui se connaissent bien, travaillent ensemble depuis des années, la violence tend à diminuer.
Mais pour l'heure, ni l'Etat, ni le gouvernement, ni les collectivités locales concernées (Conseils généraux pour les collèges, Conseils régionaux pour les lycées) n'envisagent ces efforts budgétaires. Au contraire, on gratte tout ce qui peut l'être pour faire des économies.
Ces quelques mesures ne résoudraient certainement pas tout. Bien évidemment. Elles constitueraient seulement un premier pas. Mais même cela le gouvernement n'est pas prêt à le faire.
La violence à l'école est le corollaire direct du chômage, de la misère qui s'installe dans les quartiers populaires et de la dégradation des conditions de vie de la population ouvrière (dans certaines cités de banlieue, le taux de chômage avoisine les 30 %). Ce n'est pas le fait du hasard, si elle se concentre dans les écoles, collèges et lycées des quartiers déshérités des grandes agglomérations du pays. Et pour y remédier, il faudrait autre chose qu'une politique fondée sur le bluff et les effets d'annonces.