Ile de la Réunion : Un ou deux départements, quel intérêt pour les travailleurs ?17/03/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/03/une-1653.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Dans le monde

Ile de la Réunion : Un ou deux départements, quel intérêt pour les travailleurs ?

Le 1er janvier 2001 au plus tard, et si d'ici là le Conseil constitutionnel donne son accord, la Réunion aura deux départements.

Autant l'annonce faite par Queyranne, le ministre des DOM, d'une exonération des cotisations patronales pour un montant de 3,5 milliards a été saluée unanimement par la droite, la gauche réformiste et le patronat, autant le non-alignement du RMI sur celui de la métropole n'a provoqué aucun " raidissement identitaire ", y compris de la part d'une gauche censée être plus proche des aspirations populaires ; autant l'annonce par le même Queyranne de la création d'un second département a provoqué les foudres de la droite, à laquelle se sont joints les Verts, plusieurs " comités de chômeurs ", et plus récemment la majorité du PS qui, tout en acceptant le principe de la bi-départementalisation, en critique le découpage.

Pour l'heure, la plupart de ces opposants ont réussi ce qu'ils se sont toujours refusés à faire contre le chômage, à savoir : mobiliser au coude à coude (avec les principaux dirigeants de la droite) plusieurs centaines de personnes dans les rues de la capitale, au nom de la sempiternelle " unité menacée des Réunionnais ". Une autre manifestation est prévue le 15 mars, toujours à Saint-Denis. Depuis bien longtemps donc, l'île n'avait pas connu une telle agitation.

La droite, qui sur le plan social a bien du mal à se distinguer de la gauche, tant cette dernière est à plat ventre devant les exigences patronales, a trouvé dans le projet de bi-départementalisation l'occasion de se réapproprier, au moins pour un temps, le devant de la scène. Et dès lors, elle ne cesse de multiplier les déclarations catastrophées où se mêlent la défense du patriotisme insulaire et la priorité qui devrait être accordée à la résorption du chômage.

De la part d'une droite qui a gouverné la Réunion d'une main de fer pendant des décennies, de tels propos laissent pantois. Faut-il rappeler à certains, qui visiblement ont la mémoire courte, qu'au temps de " papa Debré " le SMIC réunionnais était inférieur d'environ 30 % au SMIC national ? Que les allocations familiales étaient amputées aussi de 30 %, sous le prétexte qu'il fallait construire des cantines scolaires ?

Mais maintenant, c'est la gauche qui est aux affaires et le peu de mesures qu'elle fait mine de prendre en faveur des plus déshérités sont dérisoires au regard des richesses disponibles. La gauche arrose les patrons de milliards d'aides et de subventions, fermant les yeux sur les entreprises, y compris largement bénéficiaires, qui licencient.

Bien évidemment, ce n'est pas cette politique que la droite reproche à la gauche car son programme, c'est plus de déréglementations en faveur du patronat, moins de protections pour les chômeurs, moins de Sécurité sociale, moins d'investissements sociaux, la remise en cause des minima dont le SMIC...

Le seul problème pour la droite, c'est que la gauche est au gouvernement, qu'à la Réunion elle dirige la Région, a quatre députés sur cinq... et applique le programme de la droite. Alors, que reste-t-il à cette pauvre droite, sinon à se jeter sur le projet de bi-départementalisation qui, dit-elle sur tous les tons, va briser " l'unité des Réunionnais ".

" L'unité des Réunionnais ! " Mais à quel travailleur conscient fera-t-on croire que ses intérêts se confondent avec ceux de son patron qui lui refuse une augmentation de salaire et qui, pour cet " affront ", le met à la porte ? A-t-on déjà vu un patron prendre sur ses profits ou sa richesse personnelle pour sauver des emplois ? Alors, de quelle unité entre Réunionnais la droite veut-elle parler ? De celle entre les milliardaires de l'île et les 120 000 chômeurs ? Qui peut être dupe ?

Bien sûr, la gauche a ses propres visées avec le découpage de l'île en deux départements. Elle espère peut-être gagner ainsi quelques places de notables supplémentaires. En tout cas, rien dans les arguments qu'elle avance ne concerne les travailleurs. Et d'ailleurs, pour que les choses soient bien claires, Queyranne a tenu à préciser que la " bi-départementalisation ne vaincra pas le chômage et ne créera pas d'emplois. ".

Mono-département ou bi-départementalisation, assemblée unique ou existence de deux assemblées, ce n'est de toute façon pas là que se décide le sort des travailleurs et des chômeurs.

Et dans cette affaire, ils n'ont pas à prendre parti, ni pour un camp ni pour l'autre. La rivalité institutionnelle entre la droite et la gauche, sujettes d'ailleurs à bien des retournements, leur sert surtout à masquer leurs vrais choix sociaux, qui les conduisent tous à n'être que les serviteurs des nantis.

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