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- Lutte ouvrière n°1654
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Leur société
" L'impôt saigne les malheureux "
En France, l'impôt sur le revenu est réputé être un impôt " progressif ". Cela veut dire qu'il permet, en théorie, de " rattraper " en partie les écarts de salaire : la proportion du revenu versée à l'Etat sous forme d'impôt sur le revenu est d'autant plus grande que ce revenu est plus élevé.
Ainsi, pour prendre l'exemple d'un célibataire sans enfant n'ayant pour revenu que des salaires et aucune déduction fiscale, la part de l'impôt est de 2,97 % pour un employé A touchant un salaire mensuel net de 5 000 F, tandis qu'elle est de 28,5 % pour un cadre supérieur B touchant un salaire mensuel net de 50 000 F.
Seulement, cette " progressivité " apparente est trompeuse à deux égards au moins.
D'abord parce que, évidemment, les 97,03 % de salaire qui restent à A après avoir payé ses impôts - soit 4 852 F par mois - restent quand même dérisoires par rapport aux 35 748 F par mois qui restent à B. Avant impôt A touchait 10 % du salaire de B, et après impôt son revenu disponible n'est toujours que 13,6 % de celui de B. Voilà donc une " progressivité " très relative.
Et puis si cette " progressivité " est assez bien marquée en bas de l'échelle des revenus, cela devient de moins en moins vrai lorsque l'on monte vers les très hauts salaires - c'est-à-dire justement ceux qui peuvent se permettre de participer au financement collectif en payant de gros impôts.
En effet, en bas de l'échelle, si le salarié A de l'exemple précédent paie 2,97 % de son salaire en impôt, un salarié gagnant deux fois plus (10 000 F par mois), paie 9,18 % de son revenu en impôt, soit une proportion plus de trois fois supérieure. Lorsque le salaire double encore, passant de 10 000 F à 20 000 F par mois, la proportion payée en impôt ne double pas tout à fait, passant de 9,18 % à 17,38 %. Mais si le salaire est décuplé, passant de 20 000 F à 200 000 F par mois, cette proportion est juste doublée, passant de 17,38 % à 36,28 %.
En fait, pour les très hauts salaires, le système de la tranche maximum de taxation à 54 % assure que la proportion du salaire payée en impôt reste toujours inférieure à 38,8 % - c'est-à-dire que l'augmentation de la " progressivité " ne concerne tout simplement pas les plus riches !
Alors si tous sont égaux devant la progressivité de l'impôt sur le revenu, il y en a, là encore, qui sont plus égaux que d'autres.