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Leur société
Pénurie d'eau, abondance de profits
Entre le 17 et le 22 mars dernier s'est tenu le second forum mondial de l'eau. Le constat brossé par les "experts" réunis à La Haye est inquiétant, les prévisions pour 2025, même parfois catastrophistes.
Quelques chiffres donnent une idée du problème. Un habitant de la planète sur cinq n'a pas d'eau potable. La population mondiale a triplé en un siècle alors que la consommation d'eau a, elle, été multiplée par six. Selon les démographes, la population devrait atteindre 8 milliards d'individus en 2025, alors qu'on est déjà dans une situation de pénurie.
Il est évident que ce sont les pays pauvres qui en sont les principales victimes. Ainsi neuf des quatorze pays du Proche et du Moyen-Orient sont touchés de manière critique par la pénurie d'eau, phénomène aggravé par la politique expansionniste d'Israël, dont 67 % de l'approvisionnement en eau proviennent des territoires occupés en 1967 ( 35 % de la Cisjordanie et 22 % du Golan selon Le Monde du 17 mars 2000). Mais d'autres pays ou continents sont frappés comme l'Afrique (Maghreb, Sahel, Afrique de l'Est et Afrique du Sud) mais aussi le nord de la Chine où vivent 200 millions de personnes.
Sans doute la pénurie d'eau est-elle due en grande partie à des conditions climatiques particulières (climat aride ou semi-aride). Mais il n'y a pas de fatalité climatique qui explique l'actuelle situation de pénurie. A Las Vegas, à quelques dizaines de kilomètres de la Vallée de la Mort, en plein désert, on réussit à faire couler l'eau à flots dans les piscines et les golfs des palaces. Le capitalisme est capable de trouver les solutions techniques aux problèmes que lui pose le climat dès lors qu'il y trouve son intérêt et la certitude de réaliser des profits.
Les solutions existent, encore faut-il avoir la volonté de les développer. Ainsi les nouveaux procédés d'irrigation appelés "goutte à goutte", faiblement consommateurs d'eau et permettant un doublement et même un triplement des rendements (déjà expérimentés d'ailleurs en Israël, dans les pays du Golfe ou en Californie) pourraient facilement être généralisés au moins à certaines cultures maraichères.
D'autre part, on le sait, en particulier dans les capitales des pays pauvres comme Le Caire ou Mexico, les réseaux d'adduction en eau potable sont vieux, connaissent des déperditions considérables pouvant atteindre 60 % du total des eaux qui circulent.
Et puis si vraiment on manque d'eau douce, l'eau de mer, elle, ne manque pas. Dans les années 1990 on comptait dans le monde 70 000 usines de dessalement, capables de traiter 4 milliards de m3 par an. Là aussi, il s'agit de technologies qui pourraient être développées.
Mais pour faire face au problème, l'essentiel de ce que les experts en "hydropolitique" proposent, est, comme le suggère la Banque mondiale, de "donner un prix à l'eau", c'est-à-dire la faire payer, lui fixer un prix même là où la pratique n'existe pas. Il s'agirait paraît-il de dissuader de gaspiller et d'amortir des coûts d'investissements. Mais on connaît le résultat : au Chili par exemple la vente des droits de l'eau a abouti à des spéculations et des pénuries organisées par les compagnies minières et productrices d'hydroélectricité au détriment des usagers. "Donner un prix à l'eau", c'est surtout donner des profits à des compagnies comme la Lyonnaise des eaux, Vivendi et leurs semblables de par le monde, pour qui la pénurie est en fait une source d'enrichissement !