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- Lutte ouvrière n°1670
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Leur société
Editorial des bulletins d'entreprise du 10 juillet 2000 : Du virus du sida ou de l'impérialisme, lequel est le pire ?
Le XIIIe congrès mondial sur le sida, réuni à Durban, en Afrique du Sud, a vu une nouvelle fois les experts médicaux tirer le signal d'alarme à propos de l'extension de l'épidémie dans le continent noir, où l'espérance de vie à la naissance, déjà inférieure à celle des pays industrialisés, est en train de régresser dans des proportions catastrophiques.
La politique de prix des grands monopoles de l'industrie pharmaceutique a été critiquée par bon nombre de participants et d'observateurs. Et c'est vrai que les laboratoires en question pensent en termes de rentabilité et de bénéfices (comme toutes les autres entreprises capitalistes), avant de penser à l'intérêt de la population et, dans ce cas, à celui des malades en particulier. Mais ce n'est pas le seul aspect scandaleux du problème.
L'Afrique est un continent pauvre. Mais cette pauvreté n'est pas le fruit de la fatalité. Ce continent a été soumis pendant des siècles à la traite des esclaves, qui a permis non seulement aux riches planteurs du sud des Etats-Unis, mais aussi aux grands bourgeois négriers de Nantes ou de Bordeaux (en ce qui concerne la France) de bâtir des fortunes considérables à l'origine de la plupart des grandes familles actuelles. L'Afrique a ensuite été mise en coupe réglée par les puissances européennes, en particulier la Grande-Bretagne et la France, qui s'y étaient taillé d'immenses empires coloniaux, et qui en ont pillé les principales richesses. Et si, dans les années 1960, la plupart des Etats africains ont accédé à l'indépendance, les anciennes puissances colonisatrices ont contribué à mettre en place des régimes à leur solde, des dictatures sans fard le plus souvent, de manière à continuer à y défendre leurs intérêts.
A ces régimes prétendument indépendants, les anciens colonisateurs ont donné et continuent à donner les moyens d'équiper des armées nombreuses, d'acheter des blindés, une aviation moderne, pour entretenir des conflits locaux et pour maintenir par la force des dictatures dont les exactions risquent périodiquement d'entraîner des explosions sociales. Et quand ces forces militaires locales ne suffisent pas, les anciens colonisateurs n'hésitent pas à envoyer leurs propres forces armées (comme la France l'a fait maintes fois en Afrique) au secours de ces dictatures menacées.
Pour financer ces dépenses d'armement, les grandes puissances ont consenti aux Etats africains des prêts, qui constituent aussi, par l'intermédiaire des intérêts à payer, un moyen de continuer à piller le continent, et qui contribuent à réduire les populations à la misère.
Et si une bonne partie de cet argent est détourné, sert à enrichir personnellement les gouvernants corrompus de ces pays, cela ne gêne pas les dirigeants des grandes puissances, puisque c'est pour eux un moyen de rétribuer les valets qu'ils ont installés au pouvoir.
Mais pour la grande majorité de la population, c'est la misère. Les travailleurs (ceux qui ont la " chance " d'avoir un emploi), y compris dans les entreprises qui appartiennent à des sociétés internationales, ont des revenus de l'ordre de 3 000 F par an : le prix mensuel du traitement du sida pour une personne ! Alors, quand bien même le prix des médicaments baisserait de moitié, ils seraient encore inaccessibles pour la très grande majorité de la population.
Les progrès de la science donneront peut-être bientôt naissance à des moyens plus efficaces et moins onéreux, pour lutter contre le sida. On ne peut que le souhaiter. Mais bien d'autres maladies, que l'on sait soigner, font des ravages en Afrique, parce que le vrai problème c'est celui de ce système économique dément qui accumule d'immenses richesses à un pôle de la société et la misère à un autre.
Voilà bien une preuve de plus que l'objectif que se donnait le mouvement ouvrier à ses débuts, de mettre l'ensemble des moyens de recherche et de production à la disposition de tous les hommes, de tous les continents, est toujours d'actualité, quoi qu'en disent les " sociologues " aux ordres.