- Accueil
- Lutte ouvrière n°1675
- Espagne : L'escalade terroriste de l'ETA, une impasse pour la population du Pays Basque
Dans le monde
Espagne : L'escalade terroriste de l'ETA, une impasse pour la population du Pays Basque
Cette nouvelle offensive de l'ETA alimente en Espagne un large rejet du terrorisme en même temps qu'un sentiment anti-basque qui contribue, en retour, à renforcer, parmi une partie de la population basque proche des séparatistes (souvent des jeunes ou des moins jeunes appartenant aux couches populaires), l'idée que le seul moyen de faire évoluer la situation est de s'en prendre, par la violence s'il le faut, à tous ceux qui se servent de leur pouvoir dans l'État espagnol ou dans le gouvernement autonome basque, pour maintenir le Pays Basque sous la tutelle du pouvoir central.
Quel contenu donnent à la notion d'indépendance ou de séparatisme ceux qui suivent l'ETA, votent pour ses représentants ou simplement manifestent pour les soutenir ? Il est difficile de le savoir. Les représentants politiques de l'ETA parlent de la constitution d'un État basque incluant le Pays Basque actuel, la Navarre et les provinces basques du Nord situées en France. Ils tentent de mettre sur pied une sorte d'Assemblée représentative de l'ensemble de ce Pays Basque élargi et composée d'élus (conseillers municipaux ou députés) de ces différentes provinces. Ils projettent de constituer à partir de cet organisme une sorte de gouvernement basque démocratique. Mais ces objectifs correspondent-ils aux aspirations de la population basque ? Cela s'oppose-t-il aux intérêts et aux aspirations de tous les non basques qui vivent au Pays Basque ? Ce sont autant de questions qui restent sans réponse. Car si les résultats des séparatistes aux élections, qui oscillent entre les 12 et 18 % montrent qu'ils disposent d'une adhésion certaine - ce que confirme d'ailleurs l'importance de certaines manifestations, ainsi que l'agitation de la jeunesse des quartiers populaires -, il est tout aussi certain qu'une partie de la population du Pays Basque ressent la politique de l'ETA comme une menace qu'elle vit dans la crainte.
Le fossé de sang que les dirigeants de l'ETA sont en train de creuser ne vise pas seulement à séparer le Pays Basque du reste de l'Espagne mais il contribue à opposer au sein du Pays Basque ceux qui se sentent basques à ceux qui, venant d'autres régions parfois depuis bien longtemps, se disent andalous, galiciens, castillans ou espagnols. Nombreux sont ceux qui au pays Basque ne parlent pas le Basque, même si cette langue est devenue depuis plus de quinze ans la langue officielle. Que pensent ces hommes et ces femmes de l'indépendance du Pays Basque ? Quelle place les nationalistes de l'ETA s'apprêtent-ils à leur donner ? Quelles garanties démocratiques prévoient-ils ? Cela n'est pas le problème des dirigeants de l'ETA qui volontairement, travaillent à élever au sein du Pays Basque une frontière entre basques et non basques. Certains laissent entendre que si demain une consultation devait avoir lieu sur le statut ultérieur du Pays Basque, seuls seraient admis à voter ceux qui, quelle que soit leur région d'origine, choisiraient de se revendiquer de la nation basque. Quels seraient alors les droits des autres ? On n'en est sans doute pas là. Mais ces éléments sont bien significatifs des orientations politiques des dirigeants de l'ETA.
Créée en 1959, en opposition à la politique très modérée du PNV face à la dictature franquiste, l'ETA a gagné son crédit et sa place dans la société basque en se montrant capable de tenir tête au pouvoir de Franco pendant les 27 ans qui suivirent. Pendant quelques années ses dirigeants se sont revendiqués à la fois du nationalisme basque et confusément d'idées socialisantes à la mode dans les années 1970. Mais dès ses origines, l'ETA a été un parti séparatiste radical recourant au terrorisme et dont la force a toujours reposé sur un appareil militaire qui échappe à tout contrôle, y compris de la part des forces sur lesquelles il s'appuie. Les dirigeants de ce courant lié à une partie non négligeable de la population a pour projet la mise en place d'un pouvoir échappant au contrôle de la population. Les choix politiques et sociaux des dirigeants de l'ETA sont des choix antidémocratiques et réactionnaires qui contribuent à enfermer la population du pays Basque dans un ghetto. Il est possible que dans un proche avenir de tragiques affrontements aient lieu avec le pouvoir central. Et les tensions actuelles peuvent engendrer demain une véritable guerre civile entre basques et non basques, entre partisans et non partisans du séparatisme.