Peugeot Sochaux : Le travail de nuit est nuisible pour les femmes comme pour les hommes01/12/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/12/une-1690.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Peugeot Sochaux : Le travail de nuit est nuisible pour les femmes comme pour les hommes

C'est la première fois depuis des décennies que l'usine-mère du groupe PSA à Sochaux met en place une équipe de nuit pour produire des voitures.

Dopé par l'augmentation des ventes, le patron veut faire produire à court terme 2 000 voitures par jour au lieu des 1 200 produites à l'heure actuelle. Les gérants du capital Peugeot et Cie auraient pu investir dans l'appareil de production pour qu'elles sortent avec un horaire moins dément : mais, profit oblige, la direction a choisi de faire tourner les installations existantes 24 heures sur 24.

Les cadres, qui ont déjà une espérance de vie supérieure de 10 ans à celle des ouvriers, prennent d'autant plus facilement ce genre de décisions qu'eux-mêmes ne travaillent pas de nuit.

La 3e équipe compte, actuellement, un effectif de 1 500 personnes composé de 529 intérimaires dont 94 femmes. La direction claironne que ce sont tous des volontaires. Foutaise! les femmes et les hommes des boîtes d'intérim ne sont pris que s'ils acceptent l'horaire de nuit.

Pour les 1 000 autres, le volontariat a une forte odeur d'obligation, ne serait-ce que pour le salaire. À Sochaux, les salaires sont très bas : entre 6 500 et 7 000 F net, pour un agent de fabrication en horaires postés, primes et ancienneté comprises. Alors le travail de nuit avec un plus de 1 300 à 1 500 F mensuel met du beurre dans les épinards.

Et la situation a poussé un certain nombre d'ouvrières à accepter l'équipe de nuit. Quand elles travaillent de journée ou en horaires postés, elles sont contraintes de donner à garder leurs enfants, ce qui grève d'autant le budget.

Résultat : à Sochaux, sur les 2 442 femmes assujetties à des tâches répétitives en travail posté, 1 136 travaillent de nuit, près de la moitié.

Sur un effectif de 11 463 hommes assujettis aux mêmes tâches, 3 954 ont accepté de travailler la nuit : le tiers!

Signalons qu'aucun appareil syndical n'a fait sérieusement campagne contre la décision du patron avant que la mise en place de cette équipe de nuit ne soit effective.

La direction a même réussi à obtenir la caution morale de ces appareils syndicaux en les faisant se prononcer lors de toutes les réunions de délégués au Comité d'hygiène et de sécurité.

La CFDT a déclaré officiellement : « Oui, au travail de nuit, à condition de ne faire appel qu'à du personnel volontaire permanent ou intérimaire ». Elle a donné la parole à un de ses militants qui s'est exprimé en ces termes : « Un salarié effectuant toute sa carrière de nuit a une espérance de vie de 7 ans inférieure à ceux qui travaillent de journée... » ; mais « je bosse la nuit pour gagner plus d'argent parce qu'avec ma copine qui est intérimaire, ça nous aide à nous en sortir même s'il faut sacrifier plusieurs années de sa vie pour ça! »

Quant à la CGT, elle a tout fait pour apparaître publiquement contre le travail de nuit, déclarant à qui voulait l'entendre que « la santé des salariés ne peut s'échanger contre la rentabilité du capital » : mais cela n'a pas empêché son secrétaire d'ajouter (le jour même où la direction lui a demandé son avis) : « Conformément à nos principes, la CGT exigera que le travail de nuit ne concerne que du personnel volontaire! »

Pour les directions syndicales, il aurait été difficile d'aller plus loin dans le cynisme et les attitudes faux-culs afin de donner le feu-vert au patron.

Seuls, les délégués CHS sympathisants de Lutte Ouvrière ont refusé de lire ou de s'associer à ce genre de déclaration. Ils se sont prononcés clairement contre le travail de nuit avec l'approbation des ouvriers qui ont bien compris que la mise en place de cette 3e équipe de nuit est un recul.

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