Chauffage urbain de Paris : Pourquoi il y a eu quatre morts15/12/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/12/une-1692.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Chauffage urbain de Paris : Pourquoi il y a eu quatre morts

Le mercredi 7 décembre, environ 250 travailleurs sur les 400 que compte la CPCU, une entreprise de chauffage urbain de Paris, ont manifesté leur ras-le-bol des conditions de travail et du manque d'effectifs en se rendant du siège de l'entreprise à la mairie de Paris.

Trois semaines auparavant jour pour jour, le mercredi 15 novembre, un terrible accident était survenu sur une conduite de chauffage, entraînant la mort de quatre travailleurs et de graves blessures pour dix autres. Nos camarades ont été asphyxiés puis brûlés à plusieurs mètres sous terre, sans pouvoir remonter car les échelles n'étaient pas encore installées définitivement... L'un d'eux est mort juste avant d'atteindre la surface.

Sur le chantier de la porte de Clignancourt, il s'agissait de la construction puis de la mise en service d'une grosse conduite de transport de vapeur sous pression appelée feeder nord-est, devant relier la nouvelle centrale de Saint-Ouen à l'Est parisien et remplacer la production fournie par la centrale de la Villette, trop vieille. Comme la centrale de la Villette a été définitivement arrêtée au printemps dernier, la direction a fixé la mise en service du feeder nord-est avant l'hiver. Du coup, l'équipe travaillant sur ce chantier s'est vu imposer des horaires de 10 à 14 heures par jour!

Le jour de l'accident, l'équipe devait achever impérativement la mise en service. Nos camarades avaient commencé à travailler à 5 heures du matin. A 19 heures leur journée n'était pas encore finie. C'est à ce moment qu'une vanne de purge s'actionna automatiquement, probablement suite à la détection d'eau dans la conduite. Jusque-là rien d'anormal. Seulement, cette vanne à commande électrique est restée bloquée en position ouverte, laissant se déverser la vapeur dans la galerie. Ce qui a manqué, c'est une vanne à commande manuelle utilisable en une fraction de seconde, comme il en existe sur le feeder nord-ouest, et capable de doubler la vanne électrique.

Du coup, la seule chance de salut pour nos camarades a été d'évacuer au plus vite la galerie qui allait se remplir de vapeur. Mais comme le chantier n'était pas terminé, les ouvriers n'ont pu fermer derrière eux le sas de sécurité avant de remonter les trente mètres du puits d'accès à la surface. Sans compter que la galerie d'aération était aussi hors service, encore obstruée par des bastaings.

A noter que le directeur, qui était toujours sur le terrain pour faire pression sur nous, débarquant sur les chantiers à n'importe quelle heure, est aux abonnés absents depuis que l'assemblée générale, à laquelle quasiment tout le personnel a participé, a évoqué sa révocation.

Depuis 1992, date à laquelle la CPCU est passée des mains d'EDF à celles de la Lyonnaise des Eaux (la Mairie de Paris conservant 30 % des parts), les conditions de travail et de sécurité se sont dégradées. Pour travailler sur des matières dangereuses (vapeur sous haute pression, hautes températures, carburants, gaz...), nous sommes passés de 500 à 400 salariés, alors que l'activité est plutôt en augmentation. Le matériel que l'on utilise est de qualité de moins en moins bonne et de moins en moins performant. Mais, parallèlement, les actions de l'entreprise ont augmenté de plus de 50 % en dix ans. Comme quoi, les profits ne font pas bon ménage avec la sécurité des travailleurs.

Partager