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Dans le monde
Macédoine : Une offensive meurtrière patronnée par l'impérialisme
Deux ans après l'intervention militaire impérialiste de l'OTAN au Kosovo, officiellement pour venir au secours de sa population albanaise, on assiste à nouveau dans l'ex-Yougoslavie à des scènes d'exode, avec des familles paysannes, des vieillards, des enfants, fuyant des fermes incendiées, des citadins abandonnant leurs logements en emportant de maigres bagages. Cette fois, c'est la population civile majoritairement albanophone de la région située autour de la ville de Tetovo, au nord-ouest de la Macédoine, qui se retrouve jetée sur les routes.
Le Haut Commissariat de l'ONU pour les réfugiés donne le chiffre de 22 000 personnes ayant déjà quitté Tetovo et ses environs, ce qui est considérable, compte tenu du fait que la population totale de cette ville est d'environ 130 000 personnes.
La région est devenue zone de combats : l'armée du gouvernement macédonien mène une offensive contre ceux qu'elle appelle les terroristes de l'Armée de libération nationale (UCK) des Albanais de Macédoine, qui ont lancé dans cette zone des opérations de guérilla depuis la mi-février dernier.
Offensive "finale" ?
Son offensive, le gouvernement de Skopje, capitale de la Macédoine, la qualifie de "finale", mais on sait que les opérations "finales" et les "derniers quarts d'heure" dans les répressions contre les luttes de guérilla généralement s'éternisent... Et l'armée macédonienne n'est pas puissante et équipée au point de pouvoir venir vraiment à bout militairement des groupes de combattants albanais installés dans les montagnes qui surplombent Tetovo.
Mais bien sûr, cela ne l'empêche nullement de terroriser les habitants des villages de la zone, que le gouvernement a sommés de quitter les lieux, afin de se livrer à ses bombardements ; et cela n'empêche pas les forces de police de semer la panique dans la ville de Tetovo, où un couvre-feu a été instauré, en prenant par exemple pour cible un taxi transportant des civils albanais... Ainsi le bilan, ce sont des milliers de personnes à la recherche d'un refuge, des centaines de blessés, des morts en nombre inconnu, au sein de la population albano-macédonienne, victime de son propre gouvernement.
Mais, si ce gouvernement macédonien, gouvernement faible d'un petit pays sans moyens, réduit à l'état de quasi-protectorat de l'impérialisme, peut se montrer aussi brutalement offensif, c'est qu'il a d'abord reçu l'appui démonstratif des dirigeants de l'Union européenne et de l'OTAN. Les Chirac et autres ont reçu et encouragé son président, Boris Trajkovski. Plusieurs pays de l'OTAN, dont la France, ont annoncé qu'ils fournissaient leur assistance à l'état-major de l'armée macédonienne en matière de renseignements, d'officiers-conseillers, etc., et en se servant des contingents de la KFOR basés au Kosovo limitrophe. Par ailleurs, l'OTAN a réduit la zone de sécurité (instaurée en juin 1999) autour du Kosovo, pour permettre à l'armée serbe de revenir se positionner aux limites de la Serbie et de la Macédoine.
Hypocrisie occidentale
Maintenant, dans un deuxième temps, les émissaires des gouvernements occidentaux se donnent, en cyniques chevronnés qu'ils sont, l'air de préconiser la "retenue" au gouvernement de Macédoine, en lui demandant d'éviter un "usage excessif" de la force contre les zones habitées par des civils, comme l'a formulé le ministre français Védrine. Mais cela, c'est pour la galerie, tandis que le renforcement militaire international aux frontières de la Macédoine est une réalité. De même que l'exigence des dirigeants de l'Union européenne vis-à-vis des dirigeants albanais du Kosovo, d'Ibrahim Rugova aux chefs de l'ex-UCK, selon laquelle ceux-ci devaient condamner les actions de l'UCK des Albanais de Macédoine, publiquement, faute de quoi le Parlement européen et le Conseil des ministres de l'UE pourraient couper les vivres au Kosovo... Devant quoi les trois principaux leaders albanais-kosovars se sont inclinés en appelant la guérilla-soeur de Macédoine à déposer les armes.
Cependant, il n'est malheureusement pas difficile de prévoir que la démonstration de force entamée par le gouvernement de Skopje contre les nationalistes albanais, pour le moins "couvée" (si ce n'est télécommandée) par les responsables impérialistes occidentaux, n'est pas près de régler le problème national posé par la discrimination dont la forte minorité albanophone de Macédoine est victime.
La violence guerrière, les bombardements atteignant les populations, ne font qu'aggraver les tensions entre les communautés albanophones et slaves qui composent en grande partie la Macédoine. Elles font aussi sans cesse se lever de nouvelles recrues pour l'UCK au sein des populations et d'une jeunesse prises au piège. Et si les dirigeants occidentaux escomptent, à travers cette opération, réduire les nationalistes albanais au silence, après avoir "maté" à leur manière en 1999 le nationalisme serbe incarné par Milosevic, c'est un fiasco qu'ils préparent. Tout comme ils ne font qu'entretenir la perpétuation de cette poudrière balkanique dont ils sont responsables.