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- Lutte ouvrière n°1731
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Nicole Notat - De la CFDT à la CES : Une dirigeante syndicale comme les aime le patronat
Nicole Notat a fait savoir qu'elle allait quitter son poste de secrétaire générale de la CFDT dans quelques mois, avant le prochain congrès confédéral de son syndicat. La presse a annoncé qu'elle briguerait le poste de numéro un de la Confédération européenne des syndicats, organisme dont l'activité essentielle est la collaboration institutionnalisée avec le patronat et les représentants des gouvernements, en particulier dans les institutions communautaires. On peut être certain qu'elle y sera tout à fait à son aise, elle qui s'est signalée depuis 1992 essentiellement par ses prises de positions antiouvrières, voire comme la porte-parole-bis du patronat.
Certes, la CFDT n'a jamais prétendu être un syndicat révolutionnaire ni même de lutte de classe. Elle est une reconversion laïque de la vieille CFTC qui avait été mise sur pied en 1919 pour combattre l'influence de la CGT et défendre l'idée de la collaboration avec les patrons. Mais justement, Nicole Notat a parachevé le recentrage de sa confédération qui, par démagogie, s'était donné une image gauchisante, à l'occasion de Mai 68. Pour cela elle a non seulement accéléré l'épuration des quelques restes gauchistes qui pouvaient y demeurer, mais elle s'est débarrassée de toute opposition interne au sein des appareils CFDT, en gommant au passage toute attache privilégiée publique avec la gauche officielle.
Nicole Notat a donc été l'organisatrice d'un vrai recentrage, au sens politique du terme. Pour bien marquer qu'elle voulait placer son syndicat comme interlocuteur privilégié du patronat et de tous les gouvernements de gauche comme de droite, elle s'est manifestée avec éclat et indécence aux côtés de Chirac et Juppé dans l'offensive qu'ils avaient déclenchée en novembre-décembre 1995 contre la Sécurité sociale et contre la retraite des travailleurs de la fonction publique. Elle n'a pas craint, pendant que des centaines de milliers de salariés manifestaient dans les rues du pays, d'être la plus ardente avocate du plan Juppé.
Pendant cette même période, la CFDT avec Nicole Notat a tout fait pour être l'obligée du patronat, en signant tous les accords antiouvriers proposés. L'ambition non cachée était d'avoir, sur une plus grande échelle, le rôle que FO a pu jouer pendant tout un temps, pensant que, dans cette période d'offensive du patronat, elle pouvait, en acceptant la concertation avec celui-ci, devenir la principale organisation syndicale, en tout cas l'interlocuteur privilégié du patronat et des gouvernements.
Notat s'est tellement marquée avec les gouvernements de droite que, lorsque Jospin et Aubry sont revenus au gouvernement en 1997, ils ont pris quelque distance vis-à-vis d'elle, pour la forme mais aussi pour l'électorat populaire de gauche. Non que sa politique ait été fondamentalement différente sur le fond de celle des autres confédérations syndicales, mais Notat a tenu à donner un caractère quasi-provocateur et ostentatoire à sa coalition avec le patronat. En fait, sur le fond, le fossé n'est pas très grand entre Notat et Thibault, puisque ce dernier a proposé et propose à ses militants le rapprochement, ô combien symbolique, avec Notat et la CFDT, c'est-à-dire en fait propose de reprendre à son compte sa politique dite "réaliste".
Le dernier épisode en date a été celui de la défense jusqu'au-boutiste des aspects les plus réactionnaires du PARE proposé par le patronat pour l'indemnisation des chômeurs. Même la CFTC et la CGC ont au moins protesté pour la forme et refusé de signer dans un premier temps, alors que Nicole Notat interpellait à grands cris le gouvernement Jospin qui tardait, selon elle, à entériner les attaques du patronat, alors qu'il se contentait d'y mettre les formes vis-à-vis des travailleurs.
L'action de Nicole Notat à la tête de la CFDT a donc eu des effets néfastes pour la classe ouvrière de ce pays. Ce n'est pas tant pour l'action revendicatrice qu'elle s'est refusée à mener quand elle ne l'a pas combattue ouvertement ; pas plus Blondel que Thibault, de leur côté, n'ont fait beaucoup plus sur le terrain de la défense intransigeante des intérêts des travailleurs. Eux aussi visent à une collaboration avec patronat et gouvernements. Mais Notat s'est faite la porte-parole officielle de la soumission du monde du travail aux intérêts du patronat. En ce sens elle a contribué à désorienter et démoraliser les travailleurs, ne serait-ce qu'à travers les militants sincères que possède encore son syndicat dans les entreprises. Elle a contribué à accélérer le recentrage de la CGT elle-même, avec la disparition progressive de cette culture de lutte de classe dont les militants CGT sont porteurs, même si depuis bien longtemps les dirigeants ne sont plus sur ce terrain-là.
Mais au bout du compte tout ce travail réactionnaire sera vain. Les Nicole Notat et autres peuvent passer, ils sont vite remplacés et oubliés tant ils se ressemblent. Au fond, c'est le patronat lui-même qui remet sans cesse la lutte de classe à l'ordre du jour, et de façon intraitable. Et la classe ouvrière devra, et saura bien, reconstruire ses organisations politiques et syndicales dignes de ce nom, malgré tous les retournements, passés, présents et à venir de tous les chefs confédéraux.