Alcatel : De prétendues pertes, pour de vraies suppressions d'emplois09/11/20012001Journal/medias/journalnumero/images/2001/11/une-1738.gif.445x577_q85_box-0%2C11%2C166%2C227_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Alcatel : De prétendues pertes, pour de vraies suppressions d'emplois

Alcatel, pour justifier les suppressions d'emplois, prétend qu'elle va perdre de l'argent cette année. Cette entreprise, géant de la télécommunication (réseaux, transmission, câbles et composants électroniques), prévoit, dit-elle, une perte de 5 milliards d'euros sur l'année 2001, "la plus lourde perte jamais enregistrée par un groupe français", annonce un quotidien économique.

Mais si le recul du secteur des télécommunications est indéniable, l'annonce d'un telle perte est avant tout un coup médiatique, visant la Bourse d'une part, et le robinet à subventions de l'État d'autre part.

Dans les faits, le chiffre d'affaires de l'entreprise est relativement stable. Il baisse légèrement mais comme le dit son PDG, "nous continuons à gagner des parts de marché dans les domaines de croissance clés". Et sur les neuf premiers mois de l'année, les activités de production ont même rapporté encore 7 millions d'euros. Beaucoup moins que l'an dernier (1 370 millions d'euros sur les neuf premiers mois de 2000), mais c'est quand même un bénéfice et non une perte.

Alors d'où vient ce gouffre de 5 milliards d'euros ? Avant tout de pertes virtuelles, liées à des opérations financières et à des opérations spéculatives, ainsi qu'à des provisions effectuées pour réaliser une profonde restructuration du groupe et financer les plans sociaux qui lui sont liés.

Il n'est pas impossible qu'à la fin de l'année 2001, les comptes des activités de production d'Alcatel soient réellement déficitaires - le troisième trimestre pris isolément présente une perte d'exploitation de 215 millions - mais l'entreprise est prête à en dépenser 10 ou 20 fois plus pour se restructurer et licencier sur une grande échelle, et se transformer, comme l'annonçait son PDG Serge Tchuruk il y a quelques mois, en entreprise sans usine.

Trouver de l'argent pour cela, ce n'est pas un problème pour Alcatel : "Notre situation financière est solide, avec 6,5 milliards d'euros de trésorerie", si l'on en croit le même communiqué censé annoncer des pertes !

En annonçant un prétendu déficit, Tchuruk espère peut-être faire pleurer le ministre des Finances, et lui en faire compenser une partie. Mais il ne semble pas envisager de toucher aux milliards de bénéfices, bien réels ceux-là, des années précédentes : 1,2 milliard d'euros en 2000, 0,6 milliard d'euros en 1999 et 2,3 milliards d'euros en 1998 par exemple... Ni même de priver les actionnaires de leurs dividendes 2001, qui leur sont dus, semble-t-il, quoi qu'il arrive. Ce dividende est passé progressivement de 0,24 euro par action en 1995 (année où l'on avait annoncé quelques pertes...) à 0,48 euro par action l'an dernier.

La réaction de la Bourse montre en tout cas que les actionnaires ne sont pas inquiets pour l'avenir de l'entreprise : les actions d'Alcatel ont grimpé de plus de 6 % en deux séances après les annonces de Tchuruk, et c'était vraisemblablement un des buts de la manoeuvre.

Quant aux "plans sociaux", c'est-à-dire les projets de licenciements, et quant à l'idée de transformer Alcatel en entreprise qui a accumulé les pertes mais laisse les profits et les problèmes de production à la sous-traitance, ils semblent se préciser. La suppression de 23 000 emplois était déjà annoncée. Il est à présent question de 30 000 postes. Trente mille salariés qui se retrouveraient privés de leur emploi tandis que les actionnaires de l'entreprise ramassent la mise !

Il serait temps que les travailleurs d'Alcatel et d'ailleurs mettent leur nez dans les comptes.

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