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- Lutte ouvrière n°1740
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Leur société
Effondrements miniers, le minerai changé en or pour les uns... ... le sol changé en gruyère pour les autres
Mercredi 14 novembre, près de 1 500 personnes, venues de Lorraine, sont montées à Paris pour crier leur colère contre le mépris de l'État face aux populations victimes des effondrements miniers. 24 bus avaient été affrétés. La manifestation se déroulait à l'appel des comités de défense des habitants sinistrés ainsi que des élus des communes du secteur -et en particulier de ceux proches du PCF- ainsi que de la fédération CGT Mines de fer. Des centaines de maisons ont déjà été endommagées par des mouvements de terrain dus à l'abandon des mines.
Arrivés à Paris, les manifestants ont été accueillis... par d'importants cordons de CRS, qui se sont déployés pour les empêcher de s'approcher de Matignon. Le secteur était entièrement bouclé, le cortège a dû tourner en rond une bonne partie de l'après-midi. Seule une petite délégation a finalement été reçue à l'Assemblée nationale. Les élus locaux de tout bord se disent solidaires des manifestants, y compris des élus de droite et bien sûr ceux du PS. Mais le gouvernement laisse les sinistrés se débattre avec des indemnités souvent dérisoires, plus sensible qu'il est aux plaintes des patrons des cliniques privées qu'à celles des retraités mineurs !
Il y a quelques années, l'Etat a décidé que l'eau des galeries d'une partie du bassin ne serait plus pompée. En effet, tant que les mines étaient exploitées, l'eau était pompée en permanence dans les 40 000 kilomètres de galeries du sous-sol lorrain. Un sous-sol sur-exploité de manière intensive de 1850 jusqu'en 1997 -date de fermeture de la dernière mine de fer- avec des taux de défruitement allant jusqu'à 80 % du minerai, alors qu'on savait à l'époque que le sous-sol n'était plus stable au-delà de 50 %. Une limite descendue aujourd'hui à 30 %.
Petit à petit, l'eau a donc rempli les galeries désaffectées, créant un véritable travail de sape dans les terrains. Les "experts" avaient promis que cela serait sans risques en surface. Mais depuis octobre 1996, les affaissements ont détruit une centaine d'habitations à Auboué, endommagé 180 logements à Moutiers et fissuré 120 habitations à Moyeuvre. Et malgré cela, le gouvernement prépare toujours, pour décembre 2002, l'ennoyage de l'ensemble du bassin ferrifère, avec une fois de plus la caution des experts. Il n'y a vraiment que leurs certitudes qui ne s'écroulent pas !
En fait, aucune étude sérieuse n'a été entreprise et, surtout, l'Etat estime que le maintien du pompage des eaux dans les galeries lui coûterait trop cher : 2,5 milliards de francs dans les cinquante ans qui viennent, selon les estimations officielles. Alors, il préfère prendre le risque de nouveaux effondrements... sans aucune garantie pour les 21 000 personnes, des familles ouvrières, des retraités, qui vivent dans les zones menacées par l'ennoyage à venir.
La preuve par Moyeuvre
"Patronat minier et gouvernements successifs savaient, la preuve par Moyeuvre", dénonçaient les manifestants sur l'une de leurs banderoles à Paris. A Moyeuvre, 64 familles habitant la cité Curel ont été évacuées de leur maison en janvier 1999 à cause des risques d'effondrements miniers. Des indemnisations dérisoires ont été proposées par les Domaines, se situant dans une fourchette allant de 124 000 F à 565 000 F : "Le premier chiffre est le prix d'une voiture, pas d'une maison", s'insurge Alain Cittadini, président d'une association de défense, interrogé par le Républicain lorrain. Et d'ajouter : "Bien sûr ils ont eu leur maison pour 50 000 F. Mais ils avaient tout à refaire ! C'est le travail d'une vie. Quant à la somme qui leur est proposée, il n'y a que le gouvernement pour croire qu'on peut se racheter une maison avec ça !"
De plus, bon nombre de maisons sont victimes de remontées d'eau, avec des caves périodiquement inondées. A Moyeuvre, une cinquantaine de familles en sont victimes depuis août 1998. La mairie a bien mis des pompes à leur disposition pour aspirer l'eau dans les caves, mais il faut surveiller sans cesse le dispositif. Au moindre arrêt, l'eau remonte et c'est la catastrophe. A l'intérieur de ces habitations, l'humidité règne en permanence, les papiers peints se décollent et il faut lutter contre la moisissure qui envahit tout.
Les sinistrés ne se laissent pas faire
Occupations de la mairie, grèves de la faim, manifestations : les sinistrés ont multiplié depuis des mois et des mois les actions pour se faire entendre et pour obtenir de justes indemnisations. Ils se sont heurtés à l'indifférence de l'État, bien décidé à laisser pourrir la situation face à des habitants dont certains sont dans un désarroi profond. Mais ils ne démordent pas et ont déjà contraint les pouvoirs publics à quelques reculs. Et ils ne comptent pas en rester là.
Face à leur détermination, le sous-préfet de Thionville a eu le culot d'accuser les sinistrés de "se livrer à de la surenchère" et de profiter de la situation pour viser un "enrichissement personnel" !
Si l'État affiche un tel cynisme et refuse une juste réparation permettant de retrouver un logement correct, c'est qu'il sait que les effondrements ne font que commencer. Pas question pour lui de reconstruire à l'identique, dans des zones stables, les cités qui se lézardent, ni de maintenir le pompage de l'eau dans les galeries. Il ne veut pas payer. Pas plus qu'il ne veut exiger, ce qui serait somme toute logique, que les anciens exploitants des mines, comme la famille de Wendel, payent eux-mêmes la facture d'une surexploitation du sous-sol qui les a menés aux sommets de la fortune, et a conduit l'un des héritiers, le baron Seillière, à la présidence du MEDEF.