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Dans le monde
Israël-Palestine : La guerre de Sharon
Chaque jour un degré de plus est franchi dans l'escalade au Proche-Orient : les victimes se comptent maintenant quotidiennement par dizaines. A plusieurs reprises, les blindés et les soldats israéliens ont pénétré dans les camps palestiniens, procédant au ratissage des populations, à des arrestations par centaines, à des assassinats, à la destruction des habitations.
L'armée d'Israël prétend pourchasser les terroristes, mais le bilan est éloquent : parmi les tués on cite des enfants, une mère de famille, un directeur d'hôpital, des secouristes... Des obus ont été tirés sur l'université de Bethléem. Un médecin français raconte comment les Israéliens ont délibérément pris pour cible une ambulance militaire, tuant l'ambulancier, puis une autre du Croissant- Rouge.
Un journaliste italien a été tué, un autre journaliste blessé.
Sous prétexte de faire la chasse aux terroristes, c'est l'ensemble de la population palestinienne qui est visée et que le gouvernement israélien veut soumettre à la terreur. Ariel Sharon a parlé de " frapper durement " les Palestiniens, et même de tuer " beaucoup de Palestiniens ". S'il ne tenait qu'à lui, il irait même sans doute encore plus loin dans la répression, jusqu'à provoquer un nouvel exode des Palestiniens, après ceux de 1948 et de 1967, de façon à ce que l'ensemble de la Cisjordanie et de Gaza puissent appartenir totalement à Israël.
D'ailleurs sa politique, continuation de celle des gouvernements précédents, n'est-elle pas de rendre la vie impossible aux Palestiniens dans ce qu'on appelle pudiquement " les Territoires " ? Les vexations incessantes imposées à la population, les contrôles qui durent des heures, l'impossibilité de se rendre dans un hôpital pourtant peu éloigné, et qui a provoqué de nombreuses victimes (non comptées dans les bilans des massacres, mais qui devraient l'être), tout cela, qui dure depuis des années, a-t-il un autre sens que de pousser les Palestiniens au départ ?
Les israéliens victimes de Sharon
La venue de Sharon au pouvoir, il y a un peu plus d'un an, est apparue comme la fin de tout semblant de négociations. Sharon n'est pas n'importe quel dirigeant. Cet ancien militaire s'est notamment illustré en laissant perpétrer par les milices phalangistes les massacres dans les camps de réfugiés palestiniens à Sabra et Chatila, lors de l'occupation israélienne au Liban. Il mérite au minimum l'accusation de " complicité de crime de guerre ", pour ne pas dire pire. C'est lui qui, dans sa visite provocatrice sur l'esplanade des Mosquées de Jérusalem, a servi de facteur déclenchant à ce qu'on a appelé la " seconde Intifada ". C'est cette provocation qui a d'ailleurs facilité son élection, car il a promis qu'avec lui la sécurité des Israéliens allait enfin être assurée.
Mais on n'en est plus à la guerre des pierres. On en est à la guerre tout court. Et le désespoir des Palestiniens a engendré la multiplication des attaques suicides venant de jeunes (mais parfois aussi d' anciens), exaspérés, qui se font sauter au milieu d'Israéliens, parfois militaires, le plus souvent civils. Et ces attentats aveugles, qui tuent n'importe qui, démontrent aux Israéliens que la politique de Sharon ne leur apporte nullement la sécurité. En alimentant le désespoir des Palestiniens, elle multiplie aussi les risques pour les Israéliens eux-mêmes. Les dirigeants israéliens voudraient bien séparer les Israéliens des Palestiniens, mais en ayant multiplié, pendant des années, les colonies juives au milieu de la Cisjordanie et de Gaza, ils ont créé une situation inextricable de leur propre point de vue.
Aujourd'hui, une partie de l'opinion israélienne en a assez. Assez de vivre dans la crainte permanente des attentats. Et elle commence aussi sans doute à en avoir assez de la crise économique et du chômage qui se renforcent, et dans lesquels la guerre actuelle et les attentats ont leur part de responsabilité.
Vivre en paix en Israël ? Un certain nombre d'Israéliens ont compris que ce n'était pas possible avec Sharon et sa politique. Certains n'acceptent pas de servir dans les territoires occupés, parce qu'ils refusent de défendre des colons qu'ils réprouvent, et aussi pour ne pas avoir à se conduire comme les soldats d'une armée d'occupation.
Mais il existe une autre partie de l'opinion israélienne qui bascule de plus en plus vers l'extrême droite et qui voudrait non seulement poursuivre la politique de Sharon, mais même aller au-delà. Et eux reprochent à Sharon de n'oser pas dire publiquement qu'il faut " chasser les Arabes " !
Ainsi deux ministres représentant deux petits partis d'extrême droite ont claqué la porte en qualifiant Sharon de " défaitiste " lorsque ce dernier a déclaré qu'il allait laisser un tout petit peu plus de liberté à Arafat !
Vers de nouvelles négociations ?
Devant la situation de plus en plus explosive, le gouvernement américain s'est senti obligé, sinon de faire quelque chose, du moins de faire semblant. Les Etats-Unis soutiennent Israël, mais à un point tel que le discrédit de Sharon dans le monde finit par rejaillir sur George Bush. Ce dernier a donc décidé d'envoyer - de réenvoyer plus exactement - un émissaire, le général Anthony Zinni. Et c'est pour cela que Sharon a fait un petit geste à l'égard d'Arafat (tout en renforçant la répression sur le terrain !).
Mais de quoi Zinni viendra-t-il discuter ? Les dirigeants américains, qui affectent d'être si légalistes, pourraient se contenter de demander l'application de certaines résolutions de l'ONU, en accordant un Etat aux Palestiniens et en démantelant des colonies juives. Mais ce n'est pas cela qui sera à l'ordre du jour, mais plus probablement un certain rapport Trenet et un certain rapport Mitchell, qui énuméraient les conditions nécessaires... à une relance des négociations. Il est aussi question du plan formulé récemment par le roi d'Arabie Saoudite et proposant la reconnaissance d'Israël par l'ensemble des Etats arabes en échange de l'évacuation des Territoires.
Mais les Israéliens sont passé maîtres dans l'art de faire durer les négociations et de les enterrer au bout, comme ce fut le cas pour les interminables - et vaines - discussions pour l'application des " accords d'Oslo ". Et il est possible que Sharon compte reprendre la comédie des négociations, en les faisant traîner en longueur, sans relâcher en quoi que ce soit la pression de l'armée israélienne sur le terrain.
La seule issue à cette situation inextricable serait d'en finir avec la politique suicidaire que Sharon, avec la complicité des dirigeants travaillistes qui participent à son gouvernement, impose en Israël. Et cela dépend, avant tout, en plus de la détermination des palestiniens, de l'opposition à la guerre qui se fera jour dans la population israélienne elle-même.