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Leur société
L'économie capitaliste n'est pas plus contrôlable qu'elle n'est réformable
Depuis les tempêtes boursières qui, de New York à Paris, ont vu chuter les indices de référence des différentes places boursières, politiciens, économistes, journalistes ont multiplié les affirmations péremptoires que ce n'était pas le système qui allait mal. A les en croire, les " problèmes " mis en lumière par les scandales d'Enron, Vivendi et autres, seraient uniquement dus à la conduite irresponsable de quelques dirigeants mal contrôlés. Et chacun d'expliquer qu'il faudrait sanctionner les PDG qui se seraient mal conduits et exercer à l'avenir un " meilleur contrôle " de la gestion des entreprises, car, nous répètent-ils sur tous les tons, l'économie est saine, " les fondamentaux de l'économie sont bons ".
Evidemment Bush, Chirac et les autres ne font là que leur travail qui consiste à tenter de rassurer tous ceux qui ont placé leur argent à la Bourse et dont la panique pourrait créer des désordres supplémentaires dans la sphère financière. Mais il y a bien loin de leur propos à la réalité.
Car un système économique basé sur la concurrence et la recherche du profit ne peut, par définition, pas fonctionner dans la transparence et selon des règles de bonne conduite. Il s'agit d'une lutte sauvage des uns contre les autres où tous les coups sont permis et nécessaires. Le secret reste le maître mot dans la lutte contre la concurrence, secret bancaire, secret commercial, secret de fabrication. L'opacité est si nécessaire qu'elle est protégée par la loi.
Et, au fond, ce que leurs pairs reprochent aux PDG d'Enron, Worldcom et autres aux USA, comme ici à ceux de Vivendi, France Telecom, ce n'est pas tant leurs magouilles et autres coups fourrés, réalisés en douce. Non, ce qu'ils reprochent, c'est d'avoir mal manoeuvré et d'avoir perdu leurs paris, hasardeux ou pas, et surtout, du coup, d'avoir fait perdre de la valeur aux actions, et donc d'avoir réduit à néant les attentes de profits que nourrissaient les actionnaires, et d'abord les plus gros d'entre eux.
Depuis toujours les capitalistes se sont enrichis chaque fois qu'ils l'ont pu, en pillant la collectivité, en faisant des coups dans le plus grand des secrets : la famille Rotshild ne s'est- elle pas enrichie à travers l'Europe en spéculant sur la fausse nouvelle de la victoire de Napoléon à Waterloo ? George Soros, ce milliardaire spéculateur international, n'a-t-il pas encore accru sa fortune en misant, il y a une dizaine d'années, sur la dévaluation de la livre britannique, qu'il a effectivement réussi à provoquer ? Ce qui s'apparentait à un coup de poker réussissait à plonger tout un pays dans une crise financière mais Soros, lui, raflait la mise !
La libre concurrence, tant vantée par les tenants du capitalisme, c'est la guerre d'un contre tous les autres, le but des capitalistes n'étant pas de produire, mais de s'enrichir à tout prix et par tous les moyens. Mettre à bas la concurrence et surtout les concurrents, cela ne se fait pas à livre ouvert devant tous. Et ce n'est pas aux USA, avec les liquidations physiques des concurrents, que les westerns et les films de série noire ont rendues célèbres, qu'on pourrait dire le contraire.
Certes, il existe des lois qui régissent plus ou moins les modalités de cet affrontement généralisé, mais ces règles ont pour objet principal sinon unique de garantir les intérêts des plus forts. Et d'abord de protéger le capital amassé et récupéré par les actionnaires, à l'image des lois sur les sociétés anonymes qui instaurent l'irresponsabilité juridique des actionnaires face aux déboires éventuels de leurs sociétés.
Le système veut que chaque dirigeant d'entreprise, chaque financier puisse et doive dans la minute saisir la " bonne affaire " en achetant par exemple une entreprise qui verrait le prix de ses actions chuter, ce qui la rendrait vulnérable autant que profitable. Profitable, car le rachat permet de piller sa trésorerie et de revendre l'entreprise ou le groupe par morceaux en faisant de copieux bénéfices et en laissant les salariés sur le carreau par centaines ou par milliers. C'est ce qui se fait depuis toujours dans ce système capitaliste et de façon plus effrénée depuis des dizaines d'années. C'est même là l'essentiel de ce qu'on a appelé abusivement " les investissements " dans la période récente.
Racheter une firme pour voler ses secrets de fabrication au profit d'une autre ou " acheter " certains de ses cadres dirigeants pour parvenir au même but (cela a donné lieu à des procès retentissants qui ont duré des années dans l'industrie automobile entre marques allemande et américaine ces dernières années). Cela et tout le reste font partie du fonctionnement normal du capitalisme.
Quand les travailleurs en lutte mettent en avant la revendication de contrôle des comptabilités et des comptes en banque des entreprises et de leurs actionnaires, c'est de bien autre chose qu'il s'agit. C'est un acte de guerre contre le patronat. C'est une attaque qui vise à mettre à jour, par l'action militante des travailleurs eux-mêmes, la réalité des profits. Mais un tel contrôle par les travailleurs ne peut s'installer dans le long terme sous le capitalisme car, au bout du compte, ou ce sont les travailleurs qui imposent leurs choix en prenant le contrôle de toute l'économie, ou le patronat regagne la partie et alors c'en est fini de tout contrôle.
Certains essayent de vendre aux peuples la camelote d'un " capitalisme à visage humain " qu'il suffirait de contrôler et réguler. Le capitalisme n'est ni contrôlable ni réformable, il faut le renverser.