- Accueil
- Lutte ouvrière n°1801
- Explosion d'AZF à Toulouse : Les officines patronales touchent plus que les sinistrés
Dans les entreprises
Explosion d'AZF à Toulouse : Les officines patronales touchent plus que les sinistrés
Le 12 décembre 2002, une " convention de reconversion des salariés des entreprises sinistrées " a été signée entre le préfet de Région et la présidente de la CGPME de Haute-Garonne, en présence de Renaud Dutreil, secrétaire d'État aux PME, au Commerce et à l'Artisanat. L'État se préoccuperait-il enfin des salariés sinistrés ? Voilà qui semble formidable, mais quand on se penche sur les détails on déchante vite...
D'abord, les 700 000 euros que débourse l'État avec l'aide de TotalFina n'iront pas dans les poches des salariés. Cette convention a été signée entre l'État et l'ARI, une association qui a été créée pour les besoins de la cause, et qui regroupe le Medef 31, la CGPME 31 et l'UPA 31, le groupement des artisans. Cette association patronale a décidé de confier cette mission au bureau d'études Arcade Conseil, sans appel d'offres. Elle a officiellement pour objet d'aider au reclassement des salariés licenciés à la suite de l'explosion d'AZF. Mais on s'aperçoit qu'elle s'adresse à toutes les entreprises de la Haute-Garonne, " pour les salariés déjà licenciés, ou risquant de l'être d'ici décembre 2003 ". Il s'agit donc d'un dispositif permettant aux PME de toute la Haute-Garonne de licencier à bon compte jusqu'en... décembre 2003, pour peu qu'elles invoquent l'explosion d'AZF.
Evidemment, le financement n'est prévu que pour le fonctionnement du cabinet d'études, et pas du tout pour les salariés concernés. Cette cellule de reclassement doit seulement s'engager à recevoir individuellement tous les salariés concernés (mais à condition qu'ils en fassent la demande...), à les former aux techniques de recherche d'emploi et à leur faire trois propositions d'emplois situées à moins de 50 km de leur domicile, avec un salaire au moins égal à 85 % de leur salaire antérieur, en CDI ou en CDD. On finance donc des cabinets d'études pour que les salariés licenciés acceptent un emploi moins bien payé... ou le chômage.
Or le secteur regroupant les quartiers sinistrés ne se remet pas économiquement.
Il y a eu au moins un millier de salariés licenciés dans le pôle chimique, ainsi qu'un nombre aussi important de sous-traitants ou de salariés d'autres entreprises. Mais, d'autre part, au moins mille salariés d'EDF, de l'Équipement, ou de la compagnie de transports urbains (SEMVAT) ont été déplacés et ne travaillent plus sur les quartiers touchés. De nombreux habitants ont été évacués, et n'ont pas pu revenir habiter dans ces quartiers. Une des conséquences, que l'on commence juste à mesurer, est que le commerce de proximité a perdu beaucoup de clientèle, et c'est la moitié de ces très petites entreprises qui n'ont pas rouvert depuis l'explosion. On peut comprendre la colère des petits artisans ou commerçants du quartier quand ils ont découvert que ce dispositif consistait à aider des entreprises à licencier encore, ce qui n'allait pas manquer d'accélérer l'exode d'autres salariés hors du quartier. Ils savent bien qu'ils ne peuvent vivre que parce que des ouvriers les font travailler.
Plus généralement, il est insupportable de voir que ce sont encore les plus riches qui sont les premiers et les mieux dédommagés, y compris quand ils n'ont pas été sinistrés. L'image de la ville passe avant les quartiers populaires. C'est ainsi que la "Cité de l'Espace", musée de l'espace situé de l'autre côté de Toulouse, a touché 2,7 millions d'euros en juin 2002 pour des... " pertes de jouissance ", et que le " Stadium " en a touché pour sa part 2 millions pour les mêmes raisons. De l'autre côté, dans les cités pauvres, comme la cité du Parc, la cité de la Rocade ou la cité Plein Sud, les travaux sont loin d'être finis, après arrêt de ceux-ci pour refus de paiement des assurances, malfaçons diverses, dépôts de bilan d'entreprises véreuses. Et tout cela seize mois après l'explosion.