Éducation nationale : Luc Ferry ne s'attaque pas au racisme mais aux professeurs13/03/20032003Journal/medias/journalnumero/images/2003/03/une1806.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Éducation nationale : Luc Ferry ne s'attaque pas au racisme mais aux professeurs

Le ministre de l'Éducation nationale, Luc Ferry, a présenté le jeudi 27 février dix mesures pour lutter contre le racisme et l'antisémitisme dans les établissements scolaires. Mais sous couvert de soulever un problème, réel, Luc Ferry s'empresse d'abord de trouver des responsables parmi les enseignants de gauche "qui sont anti-Israël et tolèrent de plus en plus des propos antisémites sous le prétexte que l'origine de ces propos n'est pas d'extrême droite."

Il s'agit d'une attaque grossière et mensongère, car la grande majorité de ces "professeurs de gauche" se battent au contraire constamment, quotidiennement, contre de tels propos et attitudes. Et ils ne sont pas uniquement confrontés à l'antisémitisme, mais plus généralement au racisme et au sexisme de certains de leurs élèves. Il est vrai qu'il est plus facile de fustiger le prétendu laxisme des enseignants que d'apporter des réponses concrètes aux problèmes. Chaque année des faits de racisme et d'antisémitisme sont signalés par les chefs d'établissement. Ils se chiffrent à 455 au premier trimestre de cette année. Et il faut ajouter à ces faits les propos de la vie quotidienne. Mais, fort de ce constat, que propose le ministre?

Il propose de réunir les chefs d'établissement de cent collèges et lycées sensibles, d'améliorer le système de signalement des faits, de renforcer les consignes de fermeté "afin que soient renforcées les sanctions concernant les actes et les propos racistes et antisémites", de créer un groupe d'une vingtaine de médiateurs, de diffuser prochainement un livret composé de textes rappelant les "grands principes de la laïcité" ou encore, dans le même esprit, comme le propose Xavier Darcos, le ministre délégué à l'Enseignement, de faire flotter le drapeau tricolore sur tous les établissements scolaires. "Ce serait, dit-il, une manière concrète de montrer aux jeunes que lorsqu'ils sont dans leur école ils doivent respecter les règles républicaines".

Brandir le drapeau tricolore et les valeurs républicaines pour combattre les préjugés racistes, voilà donc l'originale trouvaille du ministre! Ces "valeurs républicaines" sont celles au nom desquelles Jules Ferry justifiait la colonisation, au 19e siècle: les "races supérieures" devaient, proclamait-il, civiliser les "races inférieures". Ce sont celles au nom desquelles s'est faite la guerre d'Algérie, avec toutes les exactions et tortures que l'on sait, ainsi que toutes les expéditions coloniales.

En fait, la déclaration du ministre visait surtout à faire un clin d'oeil à l'électorat réactionnaire et en particulier à une partie des organisations sionistes, engagées dans une campagne de soutien à la politique du gouvernement israélien, qui assimilent volontairement toute opposition à la politique d'Israël à de l'antisémitisme.

Les préjugés racistes mais aussi sexistes des jeunes, de l'école primaire au collège ou au lycée, constituent effectivement un problème. Mais ce qui se passe entre les murs des établissements scolaires n'est que le reflet de la progression des idées réactionnaires dans l'ensemble de la société. Une lutte quotidienne contre ces préjugés est à mener et bien des enseignants et des jeunes s'en préoccupent et mènent cette lutte. Mais ils ne trouveront rien dans les mesures gouvernementales qui puisse leur être utile, alors que les déclarations de membres du gouvernement, y compris Luc Ferry, en flattant l'électorat réactionnaire, aident en fait au renforcement des préjugés.

Partager