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Irak/Grande-Bretagne : Les acrobaties de Blair
Les spéculations vont bon train: Blair serait-il en train de tenter de s'extirper de son tête-à-tête avec Bush en se raccommodant avec l'ONU et l'Union Européenne, et plus particulièrement avec les gouvernements français et allemands? C'est ce que les commentateurs ont cru comprendre lorsque, à l'issue du sommet de Camp David, Blair a appelé l'ONU à reprendre en mains le plus vite possible la supervision des "opérations civiles" en Irak -déclaration qui a, paraît-il, jeté un froid à la Maison- Blanche.
Il faut dire que si Blair affiche le plus total mépris pour les manifestations contre la guerre qui se poursuivent en Grande-Bretagne, il se montre beaucoup plus sensible aux pressions du patronat britannique. Or la publication des plans de l'administration Bush concernant les opérations de reconstruction en Irak a soulevé un beau tollé dans les rangs du CBI, l'organisation patronale britannique. En plus de nommer pour diriger ces opérations un général américain à la retraite, par ailleurs PDG de la société chargée de la maintenance des missiles Patriot, ces plans prévoient explicitement que seuls les trusts américains pourront être maîtres d'oeuvre des futurs contrats de reconstruction.
Voilà donc les groupes britanniques, qui piaffaient déjà d'impatience à l'idée des bonnes affaires qu'ils allaient réaliser, réduits à se contenter au mieux des contrats de sous-traitance que leurs rivaux américains voudront bien leur laisser. Comble d'humiliation, la remise en état du port d'Oum Qasr, que l'état-major britannique se vante si fort d'avoir pris sans aide américaine, a été attribué au groupe américain Stevedoring of America. Du coup, une partie du patronat britannique commence à s'impatienter en accusant Blair de faiblesse face à Bush.
Autre motif de contestation des milieux d'affaires britanniques, le passage à l'euro. Car si la bourgeoisie britannique est divisée sur ce point, la plupart des grands groupes financiers et industriels réclament depuis longtemps à cor et à cri l'intégration de la Grande-Bretagne dans la zone euro. Or ces groupes craignent que l'alliance avec Bush dans cette guerre ne fasse capoter le référendum sur l'euro qui était prévu avant la fin de l'année, en renforçant le camp anti-européen. Et ils le craignent d'autant plus que la chute récente de la livre permettrait son entrée dans la zone euro à un taux qui serait favorable aux exportateurs britanniques, situation qui ne durera pas forcément éternellement.
Bref, entre un Bush peu reconnaissant pour son soutien inconditionnel, un patronat britannique amèrement déçu dans ses espoirs de profits, des trusts qui veulent voir le problème de l'euro résolu au plus vite, sans parler de la population britannique qui reste majoritairement opposée à la guerre et à qui il faut expliquer pourquoi la majorité des soldats tués jusqu'à présent l'ont été par des tirs américains ou anglais, Blair n'est pas tiré d'affaire. Et il aura sans doute de plus en plus de mal à justifier, devant l'opinion, la sale guerre dans laquelle il s'est lancé.