Des conteneurs pleins de colis oubliés sur le quai d'un bureau de poste, telle est la forme concrète que prend aujourd'hui au bureau de Paris18e une réorganisation effectuée il y a cinq ans: la séparation de la distribution des colis de celle des lettres.

À l'époque, c'est au nom de l'efficacité que la direction avait imposé aux postiers des services paquets, qui jusque-là se trouvaient dans les bureaux parisiens et distribuaient les colis, de se regrouper dans quelques plates-formes baptisées "Agences Colis Poste". Ceux des 18e, 17e et 9e arrondissements de Paris avaient dû partir vers l'agence de Pont-Cardinet dans le 17e. La direction expliquait alors que la mise en place de cette plate-forme améliorerait les distributions de paquets et serait "un atout contre la concurrence". On voit aujourd'hui ce qu'il en est.

Fin août par exemple, il a fallu plus de huit jours pour que des conteneurs remplis de colis quittent le quai pour partir vers la plate-forme colis, dont une partie se trouve maintenant à Aubervilliers. À l'intérieur, plusieurs paquets prioritaires en provenance de l'étranger, des sacs "dépêches" datés d'une dizaine de jours auparavant, d'autres destinés à Orly ou à Marseille datant eux de deux semaines. Jamais une navette de camion régulière n'a été mise en place entre le bureau de poste et la plate-forme des colis, tout se fait un peu au petit bonheur la chance. Le 22 août, c'est Paris 18 qui réceptionnait trois conteneurs de paquets venant de la plate-forme colis d'Aubervilliers, avec des colis postés début août! Il y avait dans le tas beaucoup de "colissimos" dont la livraison est garantie sous 24 ou 48 heures, et même des colissimos "suivis", pour lesquels l'usager paye encore plus cher afin qu'on puisse lui dire, par un système de code-barre, où se trouve son paquet! Pour ajouter à l'aspect chaotique de ce système, il faut dire que La Poste a multiplié ces dernières années les produits et les tarifs. Il y a des colis pas plus gros que des lettres, si bien que les chefs des différents services se renvoient la balle, et les conteneurs, pour savoir qui doit les porter.

On peut ainsi vérifier à l'usage que réorganisation ne rime pas avec efficacité. En l'occurrence, si La Poste a fait le choix d'organiser à part la distribution des colis, c'est uniquement parce qu'elle espère un jour transformer en filiale ou privatiser totalement ce secteur qui pourrait s'avérer juteux. Il est ouvert à la concurrence, et l'exemple de sociétés comme DHL montre que l'on peut y réaliser des bénéfices. Et la qualité du service rendu à l'usager a d'autant moins à voir là-dedans qu'une des conditions de la rentabilité, c'est de mettre le moins de personnel possible.