Raffarin-Fillon & Co : Démolition sociale en tout genre12/12/20032003Journal/medias/journalnumero/images/2003/12/une1845.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Raffarin-Fillon & Co : Démolition sociale en tout genre

C'est à coups de bulldozer que le gouvernement attaque des pans entiers de la protection sociale, sous les encouragements du Medef (pas ses applaudissements, car on ne congratule pas ses serviteurs).

Après les retraites et avant la Sécurité sociale, le gouvernement s'en est pris avec violence aux chômeurs.

Les chômeurs dans la ligne de mire

Le gouvernement a avalisé la décision de l'UNEDIC de raccourcir les durées d'indemnisation du chômage, décision qui à partir de janvier 2004 va éjecter des centaines de milliers d'entre eux de l'indemnisation.

Il a limité à deux ans le versement de l'ASS (de 406 euros par mois) dont bénéficiaient certains chômeurs en fin de droit. Ceux-là basculeront alors sur le RMI dans le meilleur des cas mais perdront toute indemnité s'ils ont moins de 26 ans ou s'ils vivent avec une personne possédant un revenu. De plus, la majoration de 40% de l'ASS pour les plus de 55 ans est supprimée.

Le gouvernement instaure le RMA (Revenu Minimum d'Activité). Il s'agit d'un contrat à durée limitée de 20 heures par semaine, où le chômeur ne touchera que 180 euros de plus que le RMI. Le patron, lui, ne déboursera que 250 euros (1640 F) par mois. Pourquoi se priverait-il de licencier des emplois réguliers qui lui coûtent au moins quatre fois plus cher et les remplacer par cette main-d'oeuvre quasi gratuite et menacée de perdre toute allocation en cas de refus d'emploi?

Le droit du travail en démolition

Jusque-là, un accord d'entreprise ne pouvait déroger à la branche ou à la loi que dans un sens plus favorable au salarié. Cette digue constituait une protection, en particulier pour les salariés des petites entreprises d'un secteur. Or, sous couvert du projet de loi sur la formation et le dialogue social, le gouvernement veut mettre à bas cette hiérarchie. Voici comment Fillon, le ministre du Travail, a présenté sa réforme à l'Assemblée nationale: «Le principe de l'accord majoritaire, quelle qu'en soit sa forme -majorité d'adhésion ou majorité d'opposition- est posé au niveau de l'entreprise. (...) L'accord d'entreprise devient, en principe, pleinement autonome par rapport à l'accord de branche. Celui-ci reste toutefois impératif dans trois domaines: la fixation des salaires minima, les grilles de classification et les mécanismes de mutualisation des financements, comme par exemple la formation professionnelle.» Hormis ces trois aspects, toutes les autres dispositions ou garanties deviendraient du gibier en ligne de mire avec un permis de chasse attribué à tous les patrons, petits et grands, toute l'année.

Ainsi, il n'y aurait pas besoin d'une loi pour supprimer les 35 heures par exemple, mais uniquement de modifier le régime des heures supplémentaires pour les abolir, dans les faits, de l'entreprise.

Pour parvenir à leurs fins, il faudrait certes aux patrons obtenir un accord «majoritaire». Mais dans bon nombre d'entreprises, la majorité signifiera uniquement l'accord du syndicat maison voire d'un ou deux délégués. Bien des entreprises moyennes foisonnent en effet de «délégués du patron», élus avec ou sans étiquette, complices ou craintifs, et prêts à signer les yeux fermés les propositions patronales. Jusqu'ici, leur stylo ne pouvait parapher des accords pires que la convention collective, et les prud'hommes ou l'inspection du travail restaient à la disposition des travailleurs pour faire valoir cette règle, ce qui ne serait plus le cas avec l'application de cette loi.

Mais à vrai dire, cette disposition menace aussi les salariés des grandes entreprises, même plus organisés et syndiqués. On a vu, en effet, comment de petits ou de grands dirigeants syndicaux ont appelé de leurs voeux cette négociation par entreprise, flattés d'être reconnus par tous comme interlocuteurs à part entière, alors que leur seul pouvoir nouveau consiste, non pas à obtenir des avancées, mais à signer des reculs supplémentaires.

Autre aspect, l'introduction, à coup d'ordonnances par le gouvernement, du chèque-emploi entreprises constitue lui aussi un autre coup de boutoir dans le droit du travail. Calqué sur le modèle du chèque-emploi pour les employés de maison, il dispensera un patron embauchant un travailleur des obligations actuelles du code du travail.

Évidemment, toutes ces attaques contre les maigres protections en matière de droit du travail ne peuvent jouer à plein qu'à condition que le patronat puisse trouver des candidats à l'embauche pour ces sous-emplois. Et c'est bien pourquoi les chômeurs sont dans la ligne de mire du gouvernement. Le patronat sait bien que pour embaucher des RMA ou des salariés comme s'il s'agissait de domestiques, il faut que ceux-ci n'aient plus le choix qu'entre cela et la mendicité publique.

Reste à savoir si cette avalanche de mesures, combinée avec l'aggravation du chômage, ne va pas au contraire provoquer la révolte de tous les travailleurs, avec ou sans emploi. Car alors, tout leur savant édifice de dispositions antisociales ne sera que chiffon de papier.

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