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Leur société
Loi Perben : Une injustice (en bande organisée) de plus du ministère de la Justice
Le projet de loi du ministre de la Justice Perben contre ce qu'il appelle la "criminalité organisée" est, aux dires de ceux des avocats, des juges ou des hommes politiques qui le critiquent, une loi fourre-tout qui s'en prend à nombre de libertés individuelles et collectives.
On peut citer, en vrac, la prolongation de la garde à vue, c'est-à-dire de la période où on reste aux mains de la police sans avoir vu un juge ni, bien sûr, un avocat, la libéralisation des écoutes téléphoniques, peut-être même, un jour, par des sociétés privées sous-traitantes de la police, l'embauche d'indicateurs professionnels, l'infiltration de policiers ou d'indicateurs un peu n'importe où, le fait que le témoignage anonyme d'un officier de police judiciaire pourrait suffire à inculper un prévenu, voire à le faire condamner (ce qui est déjà, à part l'anonymat, souvent le cas) et bien d'autres choses encore.
Mais le problème que personne n'a soulevé et qui concerne directement le monde du travail, c'est que ce projet, par certains côtés, pourrait bien être, dans le futur, une loi antiouvrière et antisyndicale.
En effet, la "destruction d'un bien" et la "séquestration" feraient maintenant partie des "crimes" dans la mesure où ils seraient commis en "bande organisée". On voit tout de suite que des travailleurs qui envahissent les bureaux de leur direction parce qu'ils viennent d'être licenciés, ou qui séquestrent quelques heures leur directeur pour l'obliger à rendre des comptes, pourraient être accusés de "séquestration" et "destruction d'un bien" s'ils ont cassé une porte ou une table, et d'avoir agi "en bande organisée", surtout si c'est une action syndicale.
Ce n'est pas explicitement prévu par la loi mais ce n'est pas exclu non plus et on peut compter sur les avocats patronaux pour y faire entrer ce type de faits.
Par ailleurs, le projet prévoit que serait un crime aussi "l'aide au séjour irrégulier des étrangers" si elle est en bande organisée. En conséquence, une association populaire qui apporte des couvertures à des grévistes de la faim réclamant des titres de séjour, ou qui les aide à occuper un lieu quelconque, comme une église, pourrait aussi se voir lourdement condamnée en application d'une telle loi puisque cette association agirait en "bande organisée" pour aider des étrangers en séjour irrégulier.
Par contre, les délits financiers sont exclus et d'ailleurs, puisque ce projet prévoit des réductions importantes de peine en cas d'aveu, il suffirait que des politiciens ou des hommes d'affaires, n'aimant pas la publicité, préfèrent, pour éviter un procès public, négocier une modeste amende, sous le couvert de la loi, dans le secret du cabinet d'un juge.
Si cette loi est adoptée, il sera très révélateur de juger si, dans la campagne électorale qui vient, les partis de gauche s'engagent, s'ils revenaient un jour au pouvoir, à abroger tous les articles de cette loi, en même temps, pour faire bonne mesure, à abroger les lois qui amputent les retraites, les indemnités des chômeurs et bien d'autres, contre lesquelles ils ont protesté platoniquement...