Le groupe Saint-Gobain affiche des bénéfices de plus d'un milliard d'euros. Autant dire que les choses vont plutôt bien pour les actionnaires. Mais ces mêmes actionnaires voulaient tout pour eux: en négociations salariales, ils refusaient d'accorder les 2,5% d'augmentation réclamés par le personnel avec un plancher de 40 euros. Cela ne risquait pourtant guère de les mettre sur la paille!

Cette revendication montait de tous les sites de production en France. À Aniche, où nous fabriquons des verres spéciaux essentiellement pour l'automobile, elle apparaissait d'ailleurs insuffisante à beaucoup d'entre nous, mais la pingrerie du patron a finalement mis tout le monde d'accord et 100% du personnel ouvrier se sont mis en grève à partir du 17 février.

D'autres sites s'étaient mis en grève aussi: Chantereine dans l'Oise, Sully-sur-Loire dans le Loiret, etc. Les provocations des directeurs nous ont d'ailleurs donné des raisons supplémentaires de nous mettre en grève, comme l'a expliqué un camarade de l'usine, candidat de Lutte Ouvrière aux élections régionales au cours du meeting LO-LCR de Douai: "Ils nous ont conseillé de faire nos courses à Aldi et Lidl plutôt qu'à Auchan ou Carrefour pour mieux gérer notre budget. Ils nous ont expliqué que c'était à cause de nos exigences qu'ils étaient obligés (sic!) d'aller exploiter les ouvriers chinois!"

Le piquet de grève était nombreux devant l'usine malgré le froid, de jour comme de nuit, et l'ambiance était bonne autour du brasero. Les anciens en profitaient pour raconter des anecdotes sur les luttes passées, et c'était bien de se retrouver ensemble dans cette usine où nous pouvons rarement nous rencontrer car nous fonctionnons en cinq équipes: les fours ne peuvent pas être arrêtés. Le responsable des ressources humaines, mal nommé, s'illustra en cherchant à faire passer un camion en force, blessant au passage le responsable CGT. Il dut battre en retraite rapidement.

Après quatre jours de grève, la direction a cédé 2% d'augmentation, mais en deux fois, 1% en mars et 1% en octobre, avec un plancher de 35 euros mensuels. C'était pour ne pas avoir l'air de céder sur tout, mais les 40 euros y seront quand même, car la part patronale pour la mutuelle augmente de 5 euros. La prime de vacances sera augmentée aussi, et quatre embauches sont acceptées par une direction qui, il y a encore quinze jours, nous jurait ses grands dieux qu'elle ne pouvait absolument pas embaucher

Globalement, bilan positif, et surtout la satisfaction d'avoir renoué avec la lutte, même si l'augmentation obtenue est malgré tout insuffisante. Beaucoup d'entre nous le disaient: on y reviendra!