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Dans les entreprises
EDF-GDF, bientôt le changement de statut... Ouverture du marché et du capital : Un pactole pour le secteur privé
Le 8 avril, les syndicats d'EDF-GDF (à l'exception de la CGC) appellent à une journée de grève avec manifestations régionales.Ce jour-là, le Conseil d'État doit débattre du changement de statut d'EDF-GDF, un projet prévu depuis longtemps par le gouvernement. Ces deux entreprises d'État deviendraient des entreprises comme les autres, avec le droit, d'une part, de se diversifier (EDF aurait le droit de vendre du gaz et GDF de l'électricité) et surtout d'accueillir des capitaux privés. Puis le 15 avril le Conseil des ministres en discutera, et plus tard (après les élections européennes?) ce sera au tour de l'Assemblée nationale de se prononcer.
Il y a deux semaines, le 11 mars, EDF présentait ses résultats pour 2003: 857 millions d'euros de bénéfices, contre 231 millions en 2002. Une forte augmentation donc. Bien sûr, les résultats d'EDF ont plusieurs fois dans le passé été présentés avec des astuces comptables pour les gonfler ou les minorer, selon la stratégie de la direction. Il n'en demeure pas moins qu'EDF dégage de substantiels bénéfices. Et cela est d'autant plus remarquable que la canicule lui a coûté 335 millions en achats de courant très cher pour honorer ses engagements, qu'elle a dû rembourser une grosse somme à l'État à la suite d'un changement comptable imposé par l'Union européenne et qu'elle a dû par-dessus le marché éponger d'énormes déficits de certaines de ses filiales étrangères (612 millions pour EnBW, sa filiale allemande, et 944 millions pour Light, sa filiale brésilienne).
Les profits qu'annonce aujourd'hui EDF (et c'est pareil pour GDF) sont les futurs dividendes des actionnaires de demain.
Vers la hausse des prix?
L'ouverture du marché a officiellement pour fonction de diminuer les prix, grâce à l'introduction de la concurrence. Qu'en est-il en réalité? En France, les prix pour les usagers ordinaires sont pour le moment encadrés par l'État. A plusieurs reprises EDF a souhaité des augmentations assez fortes et l'État les a refusées, pour des raisons politiques et électorales. Néanmoins, depuis quelques années les tarifs d'EDF, qui avaient baissé pendant une assez longue période, se sont remis à augmenter. Les usagers ont payé pour les rachats considérables par EDF d'entreprises électriques à l'étranger.
Mais ce qui est vrai, pour le moment, pour les simples usagers ne l'est plus pour ceux qui sont entrés dans le domaine de la concurrence, c'est-à-dire du marché «ouvert». Il s'agit essentiellement des gros industriels ou transporteurs (comme la SNCF). Pour ceux-là, il est difficile d'y voir clair, les contrats étant secrets (ils l'étaient d'ailleurs déjà auparavant). Mais il semble bien qu'il y ait une augmentation générale. Ainsi la SNCF aurait payé sa facture d'électricité 40% plus cher en 2003. Cela semble indiquer une concertation des gros producteurs d'électricité européens (puisqu'ils sont paraît-il en concurrence) pour tirer les tarifs vers le haut.
A partir du 1er juillet prochain, les moyens consommateurs, artisans, commerçants, etc. (en gros, tous ceux qui figurent dans les pages jaunes des annuaires, soit 2,5 millions de clients) vont à leur tour «bénéficier» de la liberté de choix. Ils ont de quoi être inquiets. Les municipalités et regoupements de communes sont elles aussi en train de se demander ce qui va leur arriver, et quel fournisseur elles devront choisir.
Quant aux simples consommateurs, c'est en 2007 qu'ils pourront à leur tour goûter au charme de la concurrence, et de la valse des tarifs qui risque de l'accompagner.
Le problème ne se pose pas seulement en France, mais dans toute l'Europe, chaque pays ayant ses particularités. Ainsi le gouvernement espagnol (celui d'Aznar) a décidé de maintenir jusqu'en 2010, soit trois ans de plus que prévu, les tarifs réglementés de l'électricité pour les entreprises... afin d'éviter les délocalisations, selon le secrétaire d'État espagnol à l'Énergie. Autant dire que de l'autre côté des Pyrénées l'heure est aussi à la hausse des tarifs!
La menace de privatisation
Pour le moment, officiellement, la privatisation n'est pas encore à l'ordre du jour. Mais il est bien évident que ce sera l'étape suivante. Il s'agit d'une grave menace qui s'ajoute à celle de la déréglementation, laquelle, à elle seule, devrait entraîner la hausse des tarifs et une grande complexité de la situation.
Mais l'ouverture du capital, c'est-à-dire le début de la privatisation, devrait en outre entraîner pour les investisseurs privés la volonté de récupérer des dividendes. Ce qui ne peut que pousser encore plus à la hausse des tarifs.
Bref, il s'agit d'une grave menace pour les usagers ainsi que pour le personnel d'EDF et GDF (aujourd'hui quasi totalement séparés). Les effectifs diminuent (moins 7000 en quatre ans pour EDF), les conditions de travail ne cessent de se dégrader.
Les salariés sont inquiets de la menace de changement de statut du personnel. Roussely, le PDG d'EDF, assure qu'il n'y touchera pas. Mais qui peut imaginer que les futurs actionnaires d'EDF et de GDF voudront maintenir la garantie de l'emploi, alors que partout les plans de licenciements se succèdent pour permettre l'augmentation des profits des actionnaires et que, à l'étranger, EDF ne se gêne pas pour «virer» une partie du personnel de ses filiales?
Les bénéfices d'EDF devraient plutôt être utilisés pour améliorer le service public, en embauchant des électriciens et des gaziers pour mieux servir les usagers et en investissant pour que, par exemple, ne se reproduisent pas les coupures de l'été dernier lors de la canicule.
Pour la population, il ne faut ni ouverture du marché, ni ouverture du capital. Il faut un véritable service public à l'échelle européenne, ce qui est de l'intérêt de tous les usagers européens et de tous les travailleurs de l'électricité et du gaz en Europe.
Mais cela, ce sont eux qui devront l'imposer.