- Accueil
- Lutte ouvrière n°1871
- Au Zénith à Paris le 6 juin : Un meeting réussi
Divers
Au Zénith à Paris le 6 juin : Un meeting réussi
Dimanche 6 juin, près de quatre mille personnes se sont retrouvées dans la salle du Zénith, à la porte de Pantin, à Paris, pour le grand meeting national des listes Lutte Ouvrière-Ligue Communiste Révolutionnaire, engagées dans les élections européennes. Après avoir entendu la chorale des «Sans-noms», venue de Nancy, dans des chants de lutte, les participants ont pu écouter les interventions politiques d'Arlette Laguiller et d'Olivier Besancenot, dont on lira ci-après des extraits.
Arlette Laguiller: «L'avenir est àl'entente fraternelleentre les peuples»
«Il y a un siècle déjà, le mouvement communiste parlait de la nécessité d'États unis socialistes d'Europe. Aujourd'hui, avec la multiplication encore plus grande des liens économiques, culturels, humains, entre les différents pays d'Europe, l'Europe elle-même serait trop étriquée si elle se repliait sur elle-même.
C'est dire que nous sommes opposés aux frontières dites de Schengen qu'on est en train d'élever autour d'une petite Europe. Le progrès, ce n'est pas enlever quelques barrières pour en dresser d'autres. L'avenir n'est pas aux isolements, il est à l'entente fraternelle entre peuples pour gérer en commun ce qui doit être géré à l'échelle du monde. (...)
Nous nous élèverons au Parlement européen contre toutes les restrictions à la circulation ou à l'installation des personnes à l'intérieur de l'Europe et nous revendiquerons les mêmes droits pour tous les travailleurs, qu'ils soient nés dans l'Union européenne ou qu'ils soient immigrés! Nous nous opposerons aussi aux multiples survivances de pratiques rétrogrades à l'intérieur de l'Europe, comme l'interdiction de l'interruption volontaire de grossesse dans plusieurs pays, ou encore, parce que cela existe encore, l'interdiction du divorce! (...)
Pour avoir été présents pendant cinq ans dans ce Parlement, les députés sortants de Lutte Ouvrière et de la Ligue Communiste Révolutionnaire peuvent témoigner que les députés sont surtout conviés à discuter des affaires qui concernent la bourgeoisie.
Sur des milliers de votes qui ont eu lieu, nous avons voté «pour» dans quelques centaines de cas, lorsque la résolution proposée allait un tant soit peu dans le sens de telle ou telle catégorie de travailleurs, de telle ou telle catégorie écrasée par la société, comme les handicapés, dans le sens des intérêts des femmes ou des opprimés. Nous avons en général soutenu des textes qui visaient à protéger même un peu la santé des êtres humains ou l'environnement contre le capitalisme sauvage. Nous nous sommes associés à la défense, même modérée, des droits de l'homme, comme nous avons soutenu les chercheurs contre les blocages basés sur des préjugés réactionnaires.
Mais même là où il y avait des raisons de voter «pour», nous avons dû presque toujours exprimer des réserves ou dénoncer des insuffisances. Nous avons voté contre tout ce qui était préjudiciable aux travailleurs. On nous a souvent accusés de voter contre tout, ce qui est un mensonge. Mais nous ne sommes pour rien dans le fait que la grande majorité des prises de position du Parlement européen concernait plus le marché que les hommes. (...)
Concernant les hommes et les femmes, leur vie, leurs emplois, leurs salaires, il en est rarement question. Et quand il en était question, il eût mieux valu que le Parlement ne légifère pas, en tout cas pas dans le sens dans lequel il a légiféré. Une des mesures phare votées par le Parlement a été ce pas formidable dans le sens de l'égalité des hommes et des femmes qu'a été l'autorisation du travail de nuit pour les femmes, y compris dans l'industrie ou dans les secteurs où il n'y en avait aucune nécessité! D'ici qu'au nom du droit des enfants, on en revienne à l'Angleterre du début du 19e siècle faisant travailler les enfants de 10 ans, il n'y a pas loin. (...)
Le seul vote utile dans ces élections, c'est de rejeter les représentants politiques des possédants, qu'ils soient ouvertement pour le patronat ou qu'ils se prétendent du côté des classes populaires. Mais l'électorat populaire peut faire plus qu'exprimer le rejet des grands partis de gouvernement. En votant pour les listes LO-LCR, les électeurs voteront contre la droite qui les opprime aujourd'hui, et cela, sans remettre moralement en selle une gauche qui les a opprimés hier et qui se prépare à en faire autant demain. Ils se prononceront, aussi, sur des objectifs que les travailleurs ont intérêt à fixer, comme lors des indispensables luttes à venir pour se défendre».
Olivier Besancenot: «Droit d'ingérencedans l'économie capitaliste!»
«On parle d'élargissement de l'Europe, mais aujourd'hui ce qui s'élargit, c'est un marché économique. L'Europe est devenue une arme politique redoutable pour les classes possédantes, ça leur permet actuellement d'accélérer les mesures antisociales contre l'ensemble des travailleurs des pays membres et des pays candidats. Nous, en tant qu'anticapitalistes conséquents, nous rejetons cette Europe-là, mais nous rejetons également le souverainisme. On est pour le rapprochement des peuples, on est pour une Europe sans frontières. On est aux antipodes de tous les nationalistes: LePen, Pasqua, deVilliers, tous ceux qui détestent les immigrés. Certains n'ont toujours pas digéré la Révolution française. Ainsi deVilliers part en croisade contre la Turquie. Il ne lui manque qu'un cheval, un écuyer et une armure. On dénonce un marché de dupes. Car, contrairement à ce qu'on nous raconte, les souverainistes et les libéraux sont complices. Ils se rejettent la balle -qui des États, qui de Bruxelles est responsable- mais quand il s'agit de voter les politiques antisociales au niveau national ou européen, ils sont d'accord.
Leur Europe c'est une monnaie, et des institutions politiques dont le patrimoine génétique a été fabriqué par les plus riches, par les actionnaires. C'est un marché qui s'ouvre simplement pour certains. Notre Europe ce serait tout le contraire. Il y a eu des critères de convergence économique contraignants pour passer à l'euro. Pourquoi n'y aurait-il pas des critères identiques au niveau social et démocratique pour uniformiser vers le haut, c'est-à-dire aboutir à une vraie Europe pour les travailleurs et pour les peuples?
Pour les travailleurs, il y a une mesure à prendre, ce serait l'interdiction des licenciements collectifs, notamment dans ces multinationales européennes qui font des bénéfices. On a des pouvoirs publics européens qui disent ne rien pouvoir faire mais qui donnent beaucoup d'argent, l'argent de nos impôts, en subventions publiques à des groupes qui font des bénéfices et qui licencient quand même. Quand on est en capacité de donner autant d'argent à ces groupes-là, on devrait pouvoir le récupérer pour permettre à la production de continuer.
Mais cela impliquerait de lever le secret bancaire, commercial, industriel, de s'attaquer réellement aux paradis fiscaux, nombreux en Europe. Si on publiait les mouvements de capitaux auprès du fisc on aurait des surprises. Mais dès que vous dites ça, l'ensemble des patronats nationaux expliquent que c'est de l'ingérence dans l'économie capitaliste. On nous parle d'ingérence quand il s'agit de récupérer cet argent, jamais dans l'autre sens. (...)
On est pour des services publics européens parce qu'il y a des besoins élémentaires à satisfaire. Se chauffer, s'éclairer, se soigner, s'éduquer, c'est prioritaire sur les profits, ça ne se discute pas. Et ce sont des besoins élémentaires pour les peuples à Paris, à Londres ou à Istanbul! C'est pour ça qu'il y a la place pour des services publics européens. Pour nous, un bureau de poste, une école, un hôpital, ce n'est pas fait pour être coté en Bourse, mais pour satisfaire le besoin des peuples. Et ce qui est vrai pour le social c'est peut-être encore plus vrai pour le démocratique. Pour les femmes par exemple ce serait un droit à l'avortement effectif dans l'ensemble des pays membres. Les droits démocratiques, c'est la liberté de circulation, la liberté de l'installation et la régularisation de tous les sans-papiers!»