Un seul poids, une seule mesure : Tout pour le patronat05/08/20042004Journal/medias/journalnumero/images/2004/08/une1879.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Editorial

Un seul poids, une seule mesure : Tout pour le patronat

Avant de partir, au frais, en vacances, Raffarin a annoncé, dans le cadre de la présentation du budget 2005, des mesures confirmant qu'il entend garder le même cap: à toute vapeur en faveur des patrons, tandis que les travailleurs sont invités à souquer plus fort. Du moins ceux qui resteront sur le bateau et qui ne seront pas jetés par-dessus bord car il n'y a pas de trêve estivale pour les plans dits sociaux.

Aux mesures déjà annoncées concernant le grignotage des remboursements de la Sécu, la remise en cause des rares clauses qui, dans la loi Aubry sur les 35 heures, avantageaient les salariés, s'ajoute l'annonce de repousser l'uniformisation des différents Smic, de même que l'augmentation du Smic, mesures qui avaient pourtant été promises, l'une pour 2005 et l'autre pour 2004. Cette promesse ne sera donc pas tenue et ce n'est ni la première ni la dernière, concernant les promesses aux salariés. Cela dit, si cette mesure prend place dans la discussion budgétaire, c'est que l'État doit compenser, sous forme de baisse des charges, cette uniformisation du Smic. Et ainsi, cette mesure ne coûtera rien au patronat.

En même temps que ce coup de ciseaux dans les timides promesses faites aux salariés, Raffarin a promis d'amnistier les capitaux expatriés illégalement à l'étranger. Les capitalistes qui accepteront de rapatrier leurs capitaux ne payeront ni les impôts dus ni les amendes liées à l'infraction commise. Tout juste une faible taxe qui rendra l'opération avantageuse. Quel salarié, quel contribuable du bas de l'échelle peut espérer une telle mansuétude du fisc? Pour lui, tout manquement au paiement de ses impôts ou de ses amendes signifie commandement sur commandement et pour finir la saisie.

Si Raffarin voulait montrer que, pour le gouvernement, il existe deux poids, deux mesures, c'est gagné! A tel point que même dans le parti chiraquien, des voix se sont élevées pour qualifier «d'immorale» cette amnistie de l'évasion fiscale. Comme si le reste des pratiques gouvernementales en faveur des riches l'était moins!

Il existe des tas de mesures juridiques qui permettent au patronat d'échapper à une charge de l'impôt qui soit à la mesure de leurs profits et de leur fortune, qu'ils savent exploiter en utilisant des experts connaissant tous les subterfuges pour ruser en toute légalité avec le fisc. Mais cela ne leur suffit pas. Quand la loi les gêne, ils la transgressent, sachant qu'il n'y aura ni poursuite ni sanction ni saisie des fraudeurs, dont l'État pourrait sans difficulté, s'il en avait la volonté, connaître les noms, les sommes «évadées» et la localisation.

Raffarin, pour justifier cette mesure, a déclaré qu'il fallait «relocaliser les capitaux pour relocaliser les emplois». A d'autres! Les capitaux ne seront relocalisés que si les patrons le veulent, et dans les limites qu'ils souhaitent. Et rien ne les contraint à utiliser ces capitaux «amnistiés» pour créer des emplois. Ils sont libres de faire ce qu'ils veulent de leur argent. D'ailleurs, c'est ce qu'ils font déjà avec leurs capitaux restés en France, qui servent moins à créer des emplois, qu'à en supprimer.

Certains feignent de s'étonner de l'arrogance de ce gouvernement qui, malgré les deux claques électorales qu'il vient de subir, n'en continue pas moins la même politique comme si de rien n'était.

Cela, c'est de l'hypocrisie car les élections sont un piège qui ne peut pas changer la politique d'un gouvernement. Quand il est en place, il l'est pour cinq ans. Et sa politique l'est pour bien plus longtemps car la gauche, même si les élections de 2007 la ramènent aux affaires, ne changera rien à ce que la droite a fait depuis deux ans ou fera d'ici là. Elle continuera même, avec d'autres mots, une politique fondamentalement la même envers le patronat. Une seule chose pourrait bousculer cette arrogance et cette tranquille assurance, ce serait une réaction collective des travailleurs qui fasse reculer et le patronat et le gouvernement.

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