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Tribune de la minorité
Pape : Artillerie Lourdes
La visite du pape en France n'avait pas encore débuté que déjà les médias donnaient à l'événement une couverture aussi complaisante que saugrenue. Et de débattre de l'authenticité des miracles survenus à Lourdes! Comme si le nombre des guérisons soi-disant miraculeuses s'écartait en rien de la statistique des hôpitaux! On cherche en vain des voix pour s'indigner de l'exploitation éhontée de la détresse des malades et de leur famille sur laquelle repose toute cette mascarade. Le miracle, c'est qu'elle rapporte! Cette petite Mecque catholique va voir affluer 300000 personnes qui achètent des bondieuseries, mais aussi dorment, mangent, boivent, etc... Autant pour les tour-opérateurs, restaurateurs, hôteliers. Sans compter les recettes publicitaires de la chaîne de télé France 2 -publique s'il vous plaît- qui couvre l'événement pour le monde entier (certes ombragé par les jeux d'Athènes).
Wojtyla («Jean Paul II» pour les intimes) sera reçu par Chirac, puis escorté jusqu'à la grotte magique par Bayrou et Douste-Blazy: il faut dire que la droite aurait bien besoin d'un miracle pour se relever de ses déboires électoraux. Ou peut-être le ministre de la Santé devrait-il aiguiller sur Lourdes tous ceux que sa réforme de l'assurance-maladie aura privés de soins médicaux dignes de ce nom. Et ce petit monde politicien de n'être guère rebuté par le thème moyenâgeux de la visite pontificale: les 150 ans de la promulgation du dogme de l'immaculée conception, selon lequel une femme aurait procréé sans rapports sexuels. Voilà plus de 2000 ans que la petite Marie a réussi à leur faire croire ça!
Mais par-delà ce Disneyland de Lourdes, il y a le rôle réactionnaire de l'Église catholique. Au service de l'ordre social dominant. Jusqu'à aujourd'hui, elle s'illustre par la collusion ouverte des sommets de sa hiérarchie avec la droite extrême à l'échelle internationale: depuis le soutien aux commandos anti-avortements aux États-Unis jusqu'à la canonisation de Josemaria Escriva de Balaguer, fondateur de l'Opus Dei, l'aile religieuse du franquisme espagnol. Et il n'y aura pas grand monde à Lourdes, parions-le, pour gâcher la grand-messe médiatique en rouvrant l'épineux dossier du soutien de l'Église au courant extrémiste Hutu lors du génocide rwandais de 1994, et de la protection apportée par les réseaux du Vatican à différents ecclésiastiques rwandais recherchés par les tribunaux internationaux au titre de leur complicité dans ces massacres.
Car l'église catholique n'est pas seulement une force spirituelle. Elle est une énorme puissance matérielle, un genre de gros trust mondial, avec ses filiales et autres sous-traitantes. Ce sont des terres, un immense parc immobilier, des banques, des empires de presse ou autres médias, du fric, des hommes qui ne sont pas tous de malheureux curés de campagne sans le sous. Les églises chrétiennes, la catholique ou ses descendances directes protestantes, restent celles des seigneurs, des Chirac ou des Bush. Ce dernier prête serment sur la bible, et prie avant d'envoyer ses soldats tuer ou se faire tuer, torturer ou se faire torturer, aux quatre coins du monde! La bénédiction divine est toujours là!
Certes aujourd'hui, il y a de la concurrence entre trusts religieux pour se disputer l'influence dans le monde et spéculer sur l'inculture que les impérialistes occidentaux entretiennent dans leurs ex-colonies ou États sous leur domination. L'appareil catholique et ses vieilles dissidences évangélistes venues d'Europe, sont concurrencées par les institutions musulmanes voire islamistes, juives, bouddhistes, etc. Le résultat, c'est que le monde - et surtout aujourd'hui le tiers monde - est quadrillé par des escouades de prêcheurs qui encadrent, contrôlent, dans le but de tenter de contenir les réactions des populations exploitées. La crédulité des plus pauvres, qui repose sur l'illettrisme et l'ignorance dans lesquels ils sont maintenus, assure le succès de ces curés, imams ou autres rabbins.
Le Vatican reste le premier prêcheur de la soumission à l'ordre établi. Il vient encore d'exprimer sa hargne à l'égard de ceux qui cherchent à s'émanciper par une diatribe contre les féministes, à vrai dire contre les femmes qui ont lutté pour leur égalité sociale et la liberté de disposer de leur corps. Tant le culte des préjugés et l'oppression de la femme, par la croix ou le voile, sont des moyens d'imposer à tous l'oppression sociale.
Heureusement, des générations de militants, notamment socialistes et communistes, ont lutté pour l'émancipation de leur classe et l'égalité des sexes. C'est loin d'être gagné, certes. Les puissants de ce monde, comme les Chirac, Bush ou Sharon, continuent à parader aux côtés de leurs églises et démagogues religieux en tous genres, pour mieux canaliser la colère des plus pauvres. Mais l'exploitation moderne, brassant plus que jamais les peuples, jetant sur les mêmes chantiers ou usines les travailleurs venus du monde entier, ne peut que nous aider à faire grandir une autre conscience, la conscience de classe et de la nécessaire émancipation sociale.