Octobre 1934 : La Commune des Asturies29/09/20042004Journal/medias/journalnumero/images/2004/10/une1887.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

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Octobre 1934 : La Commune des Asturies

Du 5 au 18 octobre 1934, la région minière des Asturies allait vivre une insurrection et une «Commune» qui mirent toute la région sous contrôle des travailleurs. Des villes et des villages vécurent et combattirent sous la bannière «Unis Frères Prolétaires», attendant, en vain, que le reste de l'Espagne se soulève.

Depuis des semaines, dans tout le pays, le Parti Socialiste espagnol avait menacé d'une riposte par «la révolution sociale» si des ministres d'extrême droite entraient dans le gouvernement de la République.

La perspective de l'entrée au gouvernement de la fascisante CEDA (Confédération espagnole des droites autonomes) inquiétait d'autant plus la direction du Parti Socialiste que, l'année précédente, l'arrivée de Hitler au pouvoir s'était traduite par l'interdiction des organisations ouvrières et l'envoi en camps de concentration de nombreux militants, et qu'en 1934 le Parti Socialiste autrichien avait subi un sort comparable du fait du gouvernement de droite. Devant cette menace mortelle, le Parti Socialiste espagnol crut s'en tirer en menaçant de recourir à l'insurrection en cas de menaces. Mais ce n'était que des mots!

Quand le Premier ministre annonça le 4 octobre la constitution de son gouvernement avec trois ministres de la CEDA, la grève générale commença dans les principales villes d'Espagne.

Cependant, à Madrid, la direction du Parti Socialiste recula et disparut au moment où les travailleurs s'attendaient à des consignes d'action. À Barcelone, le refus des anarchistes de la CNT d'agir avec l'Alliance Ouvrière, c'est-à-dire avec les militants socialistes et communistes, et le suivisme des socialistes derrière le gouvernement catalaniste conduisirent à l'échec.

Dans la plupart des grandes villes du pays, la direction du Parti Socialiste tergiversa et ne voulut pas lancer les travailleurs au combat. Mais aux Asturies, de nombreux militants avaient pris au sérieux l'idée qu'il fallait répondre par l'insurrection au coup de barre à droite que représentait le nouveau gouvernement.

L'insurrectiondu 5 octobre

Aux premières heures du 5octobre, armés de quelques fusils, de carabines de chasse, d'ustensiles de labour et de cartouches de dynamite, les mineurs de Mieres et de tout le bassin minier se lancèrent à l'assaut des casernes de la Garde Civile et des Gardes d'Assaut. Cela se fit de façon organisée puisqu'avant l'insurrection un comité provisoire avait été nommé et les combattants répartis en groupes de trente hommes pourvus d'un chef.

Mieres avait donné l'exemple. Dans les heures qui suivirent, toutes les casernes de la zone minière tombèrent. Le soir du 5, des comités révolutionnaires s'étaient formés dans toute la région.

Les mineurs se dirigèrent alors vers la capitale, Oviedo, à pied ou en camion et, à l'aube du 6 octobre, mal armés, ils se lancèrent à l'assaut. Ils étaient en position d'infériorité par rapport aux bataillons de l'armée et de la police, mais ils avaient ce qui manquait à ceux-ci: l'enthousiasme et le courage que donne la conviction de lutter pour changer la société. Beaucoup tombèrent en avançant à poitrine découverte face aux mitrailleuses. Mais Oviedo fut prise, grâce notamment à l'action des dynamiteurs qui entrèrent dans l'histoire du mouvement ouvrier. Dans l'autre grande ville asturienne, le port de Gijon, les indécisions des dirigeants ouvriers firent que, malgré trois jours de combats héroïques, les troupes gouvernementales l'emportèrent, ouvrant ainsi la voie maritime aux troupes de répression.

Le pouvoirdes travailleurs

Dans les villes de mineurs, durant les quelques jours de la «Commune asturienne», non seulement le combat, mais la vie, le ravitaillement, l'organisation des soins... furent organisés par les travailleurs eux-mêmes, à l'initiative des comités militaires révolutionnaires.

Ainsi, à Sama, par exemple, comme le raconte Narcis Molins dans son livre UHP, la insurreccion proletaria de Asturias, «l'Armée Rouge enrôla tous ceux qui, de 18 à 35 ans, souhaitaient combattre et n'avaient pas appartenu à la classe exploiteuse». Le comité militaire révolutionnaire se divisa en comité militaire, comité de ravitaillement et comité sanitaire.

Le comité militaire se chargea d'organiser les troupes sur le front d'Oviedo et de Campomanes. «Le comité de ravitaillement, composé de trois militants sûrs et d'une vingtaine de délégués, recensa les habitants par rue, et répartissait les bons permettant les achats de nourriture». C'est dans la transparence que se faisaient les achats de viande aux paysans, la distribution passait par le réseau existant des petits commerces.

«Le comité sanitaire centralisa tous les services sanitaires dans l'hôpital de la ville, placé sous la direction d'un médecin communiste. Les malades pauvres furent soignés gratuitement». Et ce type de fonctionnement, avec quelques variantes liées aux initiatives de comités, exista dans toute la région.

Mais, dès le 10 octobre, des légionnaires et des chasseurs d'Afrique débarquaient à Gijon. Il fallut plus d'une semaine aux troupes des généraux Lopez Ochoa et Franco, malgré leur considérable supériorité en armement, pour obliger les mineurs asturiens à capituler.

Ceux-ci furent vaincus parce qu'ils étaient restés isolés, parce que les organisations qui prétendaient à la direction de la classe ouvrière les avaient laissés isolés. Les dirigeants du Parti Socialiste avaient beaucoup parlé de révolution socialiste mais la craignaient en fait autant que la bourgeoisie. Quant à la CNT, la valeur de ses militants ne compensait pas l'absence d'une politique révolutionnaire.

La répression fut impitoyable, sanglante. Mais elle ne brisa pas pour autant la classe ouvrière asturienne, ni espagnole. Moins de deux ans plus tard, cette classe ouvrière allait se dresser unanime contre la tentative d'un nouveau coup d'État militaire, un coup d'État dirigé par les généraux qui avaient été les bourreaux des travailleurs asturiens.

Et si une fois de plus la classe ouvrière fut vaincue, et cette fois-ci pour toute une période historique, les causes de cet échec furent fondamentalement les mêmes que celles de la défaite d'octobre 1934: l'absence d'une direction révolutionnaire à la hauteur de la combativité, de l'héroïsme du prolétariat espagnol.

Alors, 70 ans plus tard, le meilleur hommage que l'on puisse rendre à «ceux d'Oviedo», c'est de retenir les leçons de leur combat et de continuer à lutter pour le monde dont ils rêvaient.

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