Gigastorage : La myopie de la justice21/10/20042004Journal/medias/journalnumero/images/2004/10/une1890.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Gigastorage : La myopie de la justice

Il a fallu huit ans d'instruction, pas moins, pour que le tribunal de Belfort rende son verdict dans l'affaire Gigastorage: si les responsables politiques sont acquittés, le PDG, Bisser Dimitrov, un Américano-bulgare convaincu d' "abus de biens sociaux" et d' "infractions à la législation du travail", écope quant à lui d'une amende de 10000 euros et de six mois de prison avec sursis. Rien de bien méchant, donc.

Gigastorage, c'est cette entreprise fabriquant des disques durs d'ordinateurs qui s'était implantée à Belfort en 1994. Bull venait d'y supprimer 1400 emplois, et Dimitrov s'était engagé à en créer un millier.

Les pouvoirs publics, État, région et département, y avaient généreusement été de leur écot: en un an et demi, et sous prétexte de favoriser l'emploi, Gigastorage avait reçu 20 millions de francs sous forme d'avances remboursables, de subventions et d'investissements immobiliers.

Mais l'affaire avait tourné court: très vite, la justice avait repéré que Gigastorage employait une cinquantaine de salariés malais sans contrat de travail. Et surtout, il est apparu que le PDG n'avait apporté que très peu de capitaux, que les dossiers qui lui avaient permis de percevoir les aides publiques faisaient état de "renseignement erronés et fallacieux", tandis que des mouvements de fonds suspects étaient repérés vers d'autres sociétés du groupe. Au bout d'un an et demi, Gigastorage était en faillite, et ses 270 salariés réels -à défaut des 1000 promis- licenciés.

À l'audience, les réponses de Bisser Dimitrov ont illustré la toute-puissance du secret des affaires face à la justice. Si Dimitrov, qui est à la tête d'un groupe de 21 sociétés, notamment en Chine et en Bulgarie, consent à évaluer son capital à "quelques millions de dollars", il ajoute qu'il s'agit là de quelque chose qu'il "ne commente pas devant un tribunal". Et on en restera là.

Pour ce qui est de ses revenus, Dimitrov dit... ne rien gagner. Surprise de la présidente du tribunal: "Et quand vous payez vos impôts, que déclarez-vous?" Réponse de l'intéressé: "Comme je n'ai pas de rentrées d'argent, je ne paye pas d'impôts." Logique, mais on peut en douter.

Bisser Dimitrov est ressorti libre du tribunal. Malgré son absence avouée de revenus, on peut imaginer qu'il devrait pouvoir s'acquitter des 10000 euros d'amende sans trop de difficultés, à moins qu'il ne trouve une ruse, une de plus, comme échappatoire. Quant aux 20 millions de subventions encaissés par Gigastorage, ils ont disparu, mais pas pour tout le monde.

À l'heure où certains évoquent le "contrôle" par les collectivités territoriales des subventions qu'elles accordent au secteur privé, cette affaire vient rappeler que tout "contrôle" respectueux du secret commercial et bancaire ne peut être qu'illusoire.

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