Ispat-Unimétal - Gandrange (Moselle) - explosion à l’aciérie : "ça devait arriver!"25/11/20042004Journal/medias/journalnumero/images/2004/11/une1895.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Ispat-Unimétal - Gandrange (Moselle) - explosion à l’aciérie : "ça devait arriver!"

Le 18 novembre à 2 heures du matin, à l'aciérie Ispat-Unimétal de Gandrange en Moselle, une énorme explosion a été entendue à des kilomètres à la ronde. Elle a été provoquée par le renversement de 160 tonnes d'acier en fusion et sept travailleurs ont été blessés.

Par chance, l'accident s'est produit alors que l'aciérie venait tout juste de redémarrer, au lendemain d'une journée d'arrêt programmée pour l'entretien. Il y avait donc très peu de travailleurs présents dans la halle où il s'est produit.

La première coulée d'acier en fusion sortie du four électrique, soit 160 tonnes d'acier, attendait dans une énorme poche. Là, un pontier devait prendre la poche pleine avec son engin de levage, la soulever et l'emmener à la station d'affinage où l'acier est élaboré.

C'est au cours de cette manoeuvre délicate que la poche, mal accrochée, est tombée de plusieurs mètres et s'est renversée. Une gigantesque explosion s'est produite instantanément, ébranlant toute l'aciérie et réveillant la population environnante. Un énorme nuage de poussière s'est constitué. Des pièces de plusieurs tonnes ont été projetées en l'air. Les diverses cabines ont eu leurs vitres défoncées. Les plafonds se sont écroulés et les bardages ont été arrachés sur plus de deux cents mètres. Des travailleurs situés à plus de cent mètres furent projetés au sol. Le pontier, brûlé par le rayonnement de l'acier en fusion, ne doit la vie qu'au fait qu'il n'a pas pu sortir de sa cabine: en tentant de s'enfuir, il a eu la main brûlée au deuxième degré en essayant d'ouvrir la porte.

Aussitôt, la direction parlait de faute professionnelle, de non-respect des consignes et laissait entendre que des sanctions pourraient être prises... Pour dégager sa responsabilité, elle affirmait que le pontier était formé. Formé, peut-être, mais seul! Or pour cette manoeuvre, il faut impérativement être guidé par une vigie. Mais le pontier intérimaire n'a pas résisté à la pression de la course à la production et a fait quand même la manoeuvre.

Et puis il existe des moyens techniques permettant d'éviter le mauvais accrochage d'une poche. Un dispositif avait même été mis au point par le bureau d'étude. Il coûtait 4000 euros... et n'avait pas été retenu par la direction.

Pour l'ensemble du personnel, la responsabilité de la direction est flagrante. Dès qu'ils ont appris la nouvelle, les aciéristes des autres tournées ont dit: "Cela devait arriver". Depuis plus d'un an, les pontiers se plaignaient de l'état déplorable des ponts: vitres rendues opaques par la crasse, freins fonctionnant mal, éclairage insuffisant. Une réclamation notée dans le registre de sécurité par un délégué CGT alertait sur les dangers de ce secteur. L'inspection du travail avait demandé de vérifier l'éclairage. Et comme par hasard, c'est le lendemain de l'explosion que les lampes réclamées ont été installées: elles coûtent 1500 euros pièce pour éclairer ces halles immenses et la direction rechignait à les payer.

Mais surtout, cela fait des mois que l'aciérie tourne en sous-effectif. Les camarades qui partent en retraite ne sont pas remplacés. On fait pression sur ceux qui restent pour qu'ils viennent travailler sur leurs repos. La direction recourt de plus en plus à l'intérim et à la sous-traitance. Résultat: des jeunes intérimaires, formés à la va-vite, doivent remplacer au pied levé des aciéristes qui effectuaient ces tâches depuis plus de trente ans.

Mieux qu'un long discours: sur les sept blessés, il y a trois statuts différents: Unimétal, intérimaire et société sous-traitante Prosertec.

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