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Leur société
L'esclavage, un crime pas si lointain
Des associations qui avaient contribué à ce que l'esclavage soit reconnu comme un crime contre l'humanité l'ont signalé: à l'occasion de la vente à Lyon de milliers de documents d'archives familiales ou commerciales du XVIIè et du XVIIIè siècle, des fragments de la mémoire collective risquaient d'échapper aux historiens et à tous ceux qui cherchent à restituer l'histoire de l'esclavage, alors que trop peu d'études historiques ont été faites sur ce sujet.
Dans ce lot d'archives figurent des lettres adressées de 1753 à 1771 par des fabricants, des négociants et des banquiers à un marchand de toiles établi à Laval et à Mayenne. Un commerce "triangulaire" s'effectuait alors en trois voyages: de Nantes ou de Bordeaux, les navires partaient chargés de toiles destinées aux voilures des bateaux, ainsi que de verroteries destinées aux vendeurs d'esclaves en Afrique. Avec leur chargement d'esclaves et la toile, ils faisaient ensuite route vers l'Amérique, à Saint-Domingue plus précisément, où était vendue leur "marchandise". Le retour en France s'effectuait chargé du rhum et de la canne à sucre produits par l'exploitation des esclaves.
Le commissaire-priseur s'est étonné de l'émotion suscitée par la vente de ces archives: "La vente de documents évoquant l'esclavage, parfois de manière plus directe, arrive souvent à Paris, à Nantes ou à Bordeaux, sans susciter la même polémique. C'est notre passé historique", a-t-il déclaré. C'est parfaitement vrai. Mais il s'agit du passé historique du capitalisme, quand l'homme était considéré, au sens libéral du terme, comme une marchandise. Cette exploitation a fait la fortune non seulement de grands négociants et de sociétés coloniales, mais aussi de manufacturiers, d'armateurs et de financiers, dont les livres de comptes témoignent de cette sinistre réalité.