L'attitude de Danone à propos du transport des bouteilles d'eau d'Évian (c'est Danone qui exploite et met en bouteille la ressource naturelle de l'eau de la source Cachat, près du lac Léman) est significative de la façon dont la politique du fret est menée.

En 1990, un protocole SNCF-Danone privilégiait le transport par le chemin de fer de la production de l'usine de la Société d'activités des eaux minérales d'Évian: 10% des transports de bouteilles s'effectuaient par la route et 90% par le chemin de fer, avec embranchement direct à l'usine.

Mais en 2004, 35% du transport se faisait par la route et il est prévu qu'en 2006 ce pourcentage grimpe à 65%. Les camions chargés empruntent ensuite une route nationale, souvent à deux voies, avec traversée d'un passage à niveau et de secteurs très urbanisés. Les poids lourds transportant les bouteilles s'ajoutent bien entendu aux autres, venant en particulier de Suisse, dans cette région de grande circulation.

Pourquoi cette évolution à contresens? Pour le maire UMP d'Évian, la faute reviendrait à la SNCF, qui ne fournit pas les trains en temps et en heure. Pour la SNCF, "le plan de transport des eaux est sous-utilisé" par l'usine et elle dit ne plus pouvoir tenir les tarifs préférentiels accordés jusque-là à Danone qui, de son côté, considère les tarifs pratiqués par la SNCF trop élevés. À l'annonce qu'on allait lui appliquer les prix du marché, l'entreprise d'Antoine Riboud a déclaré qu'il n'était pas question d'accepter et a abandonné le transport par train.

Pour des raisons d'économies, voilà donc un trust en pleine santé financière (qui ferait, dans son usine d'Évian, 15% de profit sur chaque bouteille) qui lance ses camions sur les routes, au mépris de tout bon sens comme de la sécurité de tous.