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Dans le monde
Allemagne : Émergence et limites du Parti de Gauche
Les élections législatives anticipées qui vont avoir lieu le 18 septembre en Allemagne vont probablement se conclure par le retour de la CDU, le parti de droite, au pouvoir. Après sept années de bons et loyaux services en faveur de la bourgeoisie et des possédants, le Parti Social-Démocrate (SPD), discrédité dans l'opinion populaire, devrait, après avoir perdu le contrôle de la majorité des Länder, céder, au niveau fédéral, la place à une droite arrogante, qui a déjà tenu les rênes du gouvernement pendant seize années, de 1982 à 1998.
Dans ce contexte où, pratiquement depuis la naissance de la République Fédérale Allemande, deux grands partis alternent à la tête de l'État, le seul élément nouveau est l'émergence électorale d'un parti qui est parfois classé par la presse comme étant «d'extrême gauche». Il s'agit du Parti de Gauche, né en juillet dernier de la transformation du Parti du Socialisme Démocratique (PDS), lui-même héritier de l'ancien parti stalinien est-allemand. Ce changement de nom lui a permis d'accueillir sur ses listes un certain nombre de représentants de l'Alternative Electorale -Travail et Justice Sociale (WASG), une nouvelle formation créée par d'anciens cadres syndicaux ou du SPD.
En tout cas les sondages attribuent au Parti de Gauche un score compris entre 8 et 12%. Ce serait la première fois depuis longtemps qu'un parti qui, sur l'échiquier politique, apparaît à la gauche du SPD, réaliserait un score non négligeable. Par exemple, en 1949, lors des premières élections au Bundestag, le Parti Communiste n'avait obtenu que 5,7% des suffrages, un score qu'il n'a jamais égalé par la suite.
Et si un certain nombre de travailleurs voient, en votant pour le Parti de Gauche, le moyen d'exprimer leur mécontentement vis-à-vis de la politique du SPD, d'autres espèrent aussi la création d'un parti qui s'oppose véritablement aux attaques antiouvrières menées ces dernières années par le gouvernement. Mais ce serait une illusion d'attendre cela.
D'abord parce que, s'ils emploient aujourd'hui un langage radical (en réclamant par exemple un salaire minimum -inexistant en Allemagne- de 1400 euros brut), le passé des deux partis qui composent le Parti de Gauche ne témoigne pas pour leur engagement sans faille dans le camp des travailleurs. Les responsables de la WASG ont ainsi pris tout leur temps pour rompre avec le SPD. C'est pourtant dès son arrivée au pouvoir en 1998 que ce dernier a mené une politique en faveur des possédants. Mais ils ont attendu que les résultats électoraux catastrophiques se multiplient pour quitter le navire. Et ils se sont donné, en la personne d'Oskar Lafontaine, ancien président du SPD, ancien ministre-président de Sarre, ancien ministre des Finances de Gerhard Schröder, un leader qui est tout sauf un défenseur du monde du travail. Le même Lafontaine n'exclut d'ailleurs pas de soutenir ou de participer à l'avenir au gouvernement avec le SPD. Lorsque celui-ci, après une cure dans l'opposition, aura retrouvé des accents un peu plus radicaux? Quant au PDS, là où il participe au pouvoir, à Berlin ou dans le Land de Mecklembourg-Poméranie Occidentale, il mène la même politique que le SPD, de réductions des services publics au détriment de la population laborieuse.
Et puis, l'alliance entre les deux partis est avant tout électorale. Le PDS, qui a encore une base importante à l'Est, n'a jamais réussi à percer dans l'Ouest du pays. Et lors des législatives de 2002, il n'avait obtenu que 4% à l'échelle nationale. Quant à la WASG, elle n'a qu'une implantation réduite (elle annonce aujourd'hui 10000 adhérents) et est très peu présente à l'Est.
Quel que soit le résultat des élections, que la CDU gouverne avec son allié traditionnel, le FDP, comme cela est probable, ou qu'elle forme une grande coalition (avec le SPD), comme cela est possible si elle ne réussit pas à obtenir la majorité, le gouvernement futur accentuera les attaques contre le monde du travail. Et sur ce terrain le Parti de Gauche n'a pas de réelles perspectives à offrir aux travailleurs.
Pourtant, s'ils ne veulent pas subir encore une politique antiouvrière, les travailleurs d'Allemagne devront se battre sur un tout autre terrain que celui des urnes. C'est dans les entreprises, dans la rue, qu'ils représentent une force considérable. Une force qui seule pourrait permettre de mettre un coup d'arrêt au recul continu du niveau de vie, aux baisses des salaires et aux licenciements.