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- Lutte ouvrière n°1942
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Leur société
17 octobre 1961 : Quand la police massacrait les Algériens à Paris
En octobre 1961 la guerre d'Algérie, une guerre réelle mais qu'on refusait d'appeler ainsi, durait depuis sept ans. Les pourparlers engagés depuis des mois allaient bientôt conduire à l'indépendance du pays par les accords signés à Évian le 19 mars 1962. L'affrontement avait des prolongements dans ce qui était encore la "métropole". Aux brimades et aux exactions visant les Algériens, commises par la police, le FLN répondait par des exécutions de policiers, certains connus comme tortionnaires, d'autres choisis à l'aveuglette.
Cette guerre coloniale sur le sol français avait vu se développer au sein de la police les idées et les comportements racistes et l'influence de l'organisation d'extrême droite qu'était l'OAS. Pour complaire à ses forces de l'ordre, le préfet de police de Paris, Papon, décida le 6 octobre d'imposer un couvre-feu de fait aux seuls Algériens, qui ne pouvaient plus circuler de 20 h 30 à 5 h 30 du matin.
Pour protester contre cette mesure et, du même coup, pour faire la démonstration de son influence sur la communauté algérienne vivant en France, le FLN l'appela à venir manifester pacifiquement à Paris dans la soirée du 17 octobre. Des dizaines de milliers de manifestants, hommes et femmes, convergèrent vers les portes de la capitale et les points de rassemblement dans Paris.
Les forces de l'ordre firent preuve de la plus extrême brutalité. Non seulement elles assommèrent et embarquèrent des milliers de manifestants, mais elles tirèrent, tuèrent et jetèrent des corps dans la Seine, comme au pont de Neuilly ou à Saint-Michel. La hiérarchie et son chef direct, Papon, avaient cautionné par avance cette violence. De Gaulle, alors président de la République, allait couvrir.
Plus de 10000 manifestants furent arrêtés et incarcérés dans des conditions inhumaines dans les stades de la capitale, au Palais-des-Sports, dans des gymnases et même dans la cour de la préfecture, située dans l'île de la Cité. Il y eut des milliers de blessés. La répression aurait fait entre 200 et 300 morts. Ce chiffre est avancé par l'historien Einaudi, sur la base de documents fournis par deux archivistes de la Ville de Paris, qui ont d'ailleurs été sanctionnés pour cela. Mais il n'a jamais été confirmé par les autorités, qui continuent à reprendre la thèse officielle faisant état de trois à quatre morts reconnus, tués par des policiers "en légitime défense".
Le silence fut maintenu sur l'ampleur de cette répression. Il fallut plusieurs décennies pour qu'elle soit connue plus largement.
Le "devoir de mémoire" est de mode. Mais ni la mémoire des atrocités de la guerre d'Algérie ni la manifestation du 17 octobre 1961 ne figurent, semble-t-il, dans ce "devoir". Les rappeler avec force ferait sans doute désordre, dans un temps où on demande aux enseignants d'histoire de mettre en évidence "le rôle positif de la France dans ses colonies".