Égypte : Le succès des Frères musulmans23/11/20052005Journal/medias/journalnumero/images/2005/11/une1947.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Égypte : Le succès des Frères musulmans

Les élections législatives qui se déroulent en Egypte sont marquées par un succès des Frères musulmans. Avec treize élus, le 20 novembre lors du premier tour de la deuxième phase des élections législatives en Egypte, ceux-ci ont d'ores et déjà remporté 47 sièges sur les 444 à pourvoir pour le renouvellement du Parlement égyptien. 41 autres candidats seraient en ballottage dans les régions concernées par cette partie du scrutin, dans le Delta du Nil et autour d'Ismaïlia.

Une troisième et dernière phase doit avoir lieu le 7 décembre, et si au terme de ce scrutin en trois étapes les Frères musulmans obtiennent au moins 65 sièges, ils auront la possibilité de présenter un candidat au futur scrutin présidentiel de 2011.

Les Frères musulmans sont officiellement interdits en tant que parti organisé sur la base confessionnelle, mais relativement tolérés par le pouvoir. Titulaires de 17 représentants seulement dans l'ancien Parlement, ils ont présenté cette fois-ci quelque 150 candidats dans l'ensemble du pays, sous l'étiquette de candidats indépendants, mais immédiatement reconnaissables par les électeurs. Leur campagne s'est déroulée sur le thème "l'Islam est la solution". Mais la Confrérie tire surtout sa crédibilité du fait d'apparaître comme la seule opposition véritable à Hosni Moubarak et à son fils Gamal, présenté comme le successeur possible du père, et à la clique d'affairistes et de nouveaux riches qui constituent le Parti national démocratique, le PND, le parti au pouvoir.

S'appuyant sur un investissement diffus dans les quartiers pauvres des villes, par l'intermédiaire d'associations et d'oeuvres sociales, dans un contexte où l'État laisse le chômage, la misère et le dénuement écraser une part grandissante de la population, les Frères musulmans apparaissent malheureusement face au régime comme la seule opposition se préoccupant un peu des intérêts du peuple. Ils bénéficient aussi de leur image de parti violemment contesté par le pouvoir, puisqu'un bon nombre de leurs militants ont connu les geôles de Moubarak, après avoir tâté de celles des régimes précédents.

Les élections en Egypte telles qu'elles sont organisées, contrôlées et même truquées par le régime, n'ont évidemment guère de crédibilité auprès de la population. Cependant le régime a réagi durement à ce succès des Frères musulmans qu'il n'a pu empêcher.

Lors de la deuxième phase du scrutin, plusieurs centaines de militants ont été arrêtés et des violences se sont déroulées, notamment à Alexandrie, causant un mort et de nombreux blessés. Une ONG rapporte par ailleurs que, dans le climat de tension créé par le PND visiblement inquiet des succès possibles de la Confrérie, la corruption généralisée, les achats de voix, les votes collectifs, les intimidations et même des cas d'électeurs battus ont été monnaie courante. Cela n'a pas empêché la participation, comme lors des récentes élections présidentielles, de stagner aux alentours de 20% des inscrits...

À part l'opposition islamiste, il existe bien sûr aussi des partis d'opposition de gauche. Dans les mois précédant le scrutin, des manifestations ont été organisées par le mouvement "Kefaya" (ça suffit), demandant la fin de la dictature de Moubarak. Mais cette opposition reste limitée aux milieux intellectuels et n'a guère de présence au sein de la population. Si des travailleurs ont mené des grèves, parfois avec succès, ils ne trouvent pas au sein des quartiers, et des couches populaires, de parti prêt à exprimer véritablement leurs aspirations et leurs intérêts politiques.

C'est dans cette situation, et alors que le régime de Moubarak montre des signes d'usure politique, que les Frères musulmans peuvent sembler représenter une alternative. Et de fait, ils ont déjà en grande partie le pouvoir au sein de la société, où ils ont imposé un renforcement de la pratique religieuse et aussi le voile pour les femmes, maintenant porté par celles-ci à plus de 90% dans un pays où il y a quelques années, il était minoritaire au moins dans les villes.

Le pouvoir ne s'y trompe pas qui, tout en combattant les Frères musulmans, emprisonnant souvent certains de leurs militants, s'appuie en fait déjà sur cette présence islamiste dans la population, avant peut-être d'instaurer avec ce parti une collaboration plus ouverte.

Quoi qu'il en soit, les travailleurs, les couches populaires, n'ont rien à espérer du côté de cette opposition islamiste, qui a déjà montré qu'elle accepte entièrement la politique pro-capitaliste du régime et le pouvoir des riches.

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