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Leur société
Sans-abri : Médecins du Monde interpelle Chirac
Après avoir distribué, quelques jours avant Noël, 150 tentes-igloos à des personnes sans domicile réduites à dormir dans les rues parisiennes, l'ONG Médecins du Monde continue, à l'aide du slogan "À défaut d'un toit, une toile de tente", d'interpeller les pouvoirs publics sur la situation scandaleuse de dizaines de milliers de pauvres, particulièrement menacés en cette période de grands froids.
Les chiffres sont incertains, difficiles à vérifier et déjà anciens: ils seraient 86000 en France dont 10 à 15000 pour la seule région parisienne à être totalement privés de toit. Mais, selon une évaluation de Médecins du Monde, on peut parler de cinq millions de personnes "en situation de réelle fragilité à court ou moyen terme vis-à-vis du logement", dont beaucoup travaillent, y compris munis de contrats durables, mais avec des salaires trop faibles pour accéder au logement.
Dans une lettre ouverte "au président de la République, au Premier ministre et aux ministres concernés", la présidente de l'association rappelle "les conséquences médicales de la torture que représentent privation de sommeil, carence alimentaire et isolement", en l'absence d'hébergement durable. Nombre de sans-abri n'ont pas encore accès aux soins, faute de droits ouverts à la couverture maladie universelle, pour laquelle il faut fournir une adresse.
L'opération réalisée par l'organisation avant les fêtes avait principalement pour but de rappeler ce fait. Au passage, certains bénéficiaires de la distribution de tentes ont signalé que, tant qu'ils ne se les faisaient pas voler, elles amélioraient au moins quelque peu leurs conditions nocturnes. Catherine Vautrin, la ministre déléguée à la Cohésion sociale, a alors fait mine de s'émouvoir de l'aspect "contre-productif" de la distribution des tentes, qui risquerait selon elle de conduire à une "pérennisation" de la situation des sans-abri. Autrement dit, trop heureux de dormir dans une tente sur un trottoir, ils abandonneraient la recherche d'un véritable hébergement...
Mais les hébergements que proposent les pouvoirs publics sont eux-mêmes tellement temporaires que Dominique de Villepin avait eu l'idée, fin novembre, lors de la précédente vague de grand froid, de demander au Samu social de proposer un hébergement d'au moins un mois... aux SDF disposant d'un emploi - près d'un tiers d'entre eux.
Bien au chaud dans leurs ministères et leurs luxueux logements de fonction, ces gouvernants sont bien loin de l'idée de réquisitionner immédiatement tous les logements vacants et de lancer des programmes de construction ou de réhabilitation de logements sociaux. Pendant ce temps, des malheureux sans domicile ont le temps de voir leur santé se dégrader à toute vitesse et même d'allonger la liste des morts de froid, en France, au vingt et unième siècle...