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Haïti : L'élection de René Préval
La commission électorale a finalement proclamé René Préval vainqueur, dès le premier tour, de l'élection présidentielle d'Haïti qui s'est déroulée le 7 février. Dans un premier temps, il n'était crédité que de 48,76% des voix, mais un changement de dernière minute dans la comptabilisation des votes blancs a permis de le gratifier de 51,15% des suffrages exprimés.
Cette manipulation, réalisée avec la complicité des observateurs des grandes puissances et de l'ONU dépêchés sur place, n'a sans doute fait que redresser une partie des nombreuses fraudes et irrégularités commises durant ce scrutin, et dont il est légitime de penser que certaines visaient à empêcher la victoire de Préval dès le premier tour, et peut-être au second.
Durant cinq jours, les partisans de Préval ont manifesté dans les rues de la capitale, Port-au-Prince, pour contester les résultats provisoires du scrutin. Des manifestants sont même allés jusqu'à envahir l'hôtel de luxe où résidaient les observateurs internationaux. Au point que des représentants des puissances occidentales, et notamment le secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan, commençaient à craindre que la situation ne dégénère si on ne trouvait pas un moyen pour déclarer Préval vainqueur.
Il est un fait que Préval, proche de l'ex-président déchu Aristide, a bénéficié de cette filiation et du crédit dont bénéficie encore Aristide parmi les couches pauvres de la population haïtienne. Le jour du scrutin, et à la surprise de tous les observateurs, la mobilisation des électeurs fut réelle, dans les quartiers populaires comme dans les quartiers plus favorisés. La victoire de Préval est d'autant moins contestable qu'en recueillant la moitié des suffrages, il réalise un score plus de quatre fois supérieur à celui de son plus proche rival, Leslie Manigat, qui ne totalise qu'environ 11% des suffrages.
Il aura donc fallu que la population se mobilise pour imposer l'élection de Préval. Quant aux puissances tutélaires, et à l'administration américaine en particulier, elles peuvent très bien s'accommoder de ce choix. Elles connaissent bien Préval, puisqu'il a déjà exercé les fonctions de président d'Haïti, entre 1996 et 2001, et savent que, même s'il se dit "le candidat des pauvres", elles n'ont pas grand-chose à craindre de lui. Elles peuvent même penser que Préval est le candidat qui aura le plus d'autorité pour ramener un peu du calme nécessaire à la reprise des affaires et faire rentrer dans le rang les "chimères", ces bandes de voyous faisant allégeance à Aristide et qui imposent leur tutelle et leurs violences à la population.
Les classes populaires n'ont pas d'illusions à avoir quant aux changements qu'apportera Préval à leur misère mais, en se mobilisant, elles ont au moins fait respecter leur choix.