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Leur société
CPE : Villepin, les patrons et son électorat
La rencontre qui a réuni, le 20 mars à Matignon, vingt-quatre patrons autour du Premier ministre a mis en lumière les différences d'appréciation entre le gouvernement et le patronat. Bien sûr, comme c'était prévisible, les chefs d'entreprise présents ont tous déclaré à la sortie que le CPE était un "bon contrat". Dire le contraire aurait été faire preuve d'une noire ingratitude. Mais certains ajoutaient qu'il fallait tout de même laisser retomber le soufflé avant que cela ne déborde.
Villepin avait d'ailleurs laissé entendre qu'il était prêt à quelques aménagements concernant la durée de la période d'essai -pardon, de "consolidation"- et la possibilité de ne donner aucune justification au licenciement.
Sur le premier point, on ne voit pas très bien comment il aurait pu faire sans retirer la loi, puisque c'est elle qui fixe clairement à deux ans la durée de cette période... sinon dire, comme il l'a fait, que des accords de branches pourraient fixer une période plus courte, ce qui revient à dire à tous les jeunes mobilisés contre le CPE qu'ils devraient s'en remettre à la bonne volonté du patronat.
Quant à la possibilité de licencier sans donner de motif, c'est un point qui n'intéresse vraiment que les petits patrons, facilement affolés à l'idée de commettre une bévue dans l'application des règles à suivre pour licencier un salarié. Pour les grandes entreprises, qui ont des services juridiques à leur disposition pour les aider à appliquer, et même à tourner la loi, trouver un motif de licenciement ne posera aucun problème.
Pour les dirigeants de ces grandes entreprises, le CPE serait évidemment une très bonne chose... s'il passait en douceur. Dans le cas contraire, certains préféreraient attendre des jours meilleurs.
Mais si Villepin est avant tout au service du grand patronat, il ne saurait considérer la grande armée des petits patrons comme quantité négligeable. Il a déclaré très crûment mardi soir aux députés UMP, en réaffirmant qu'il n'était pas question pour lui de reculer: "Notre électorat ne comprendrait pas!"
Cette dimension électorale explique l'acharnement de Villepin à maintenir contre vents et marées un projet qui est loin d'être vital pour le patronat, car celui-ci dispose de bien d'autres moyens, à travers les CDD et l'intérim, d'imposer à ses salariés la flexibilité qu'il souhaite. Mais contre vents et marées, le navire peut aussi couler... et l'acharnement de Villepin hypothéquer les chances de la droite aux prochaines élections présidentielles, car l'électorat de droite, qui ne se compose pas que de petits patrons rêvant d'une main-d'oeuvre licenciable à merci, attend aussi du gouvernement qu'il maintienne la paix sociale. Et derrière Sarkozy, toute une partie des parlementaires UMP commence à exprimer ses désaccords avec la méthode Villepin.
C'est le petit côté des choses. Mais c'est aussi une raison pour tous ceux qui se sont mobilisés pour le rejet du CPE et du CNE, et plus généralement contre tout ce qui vise à généraliser la précarité, à poursuivre leur combat. Car ce n'est pas quand la zizanie commence à pousser chez l'adversaire, qu'il faut relâcher ses efforts.