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Leur société
L'immigration et la classe ouvrière : Nos frères d'exploitation sont des alliés!
Aujourd'hui que le thème de l'immigration revient sur le devant de la scène politique, la droite voulant chasser sur les terres de l'extrême droite, il faut se rappeler que ce problème est vieux comme l'histoire de la classe ouvrière et que le mouvement ouvrier révolutionnaire s'est construit en y apportant sa réponse, celle de l'union internationale de tous les travailleurs.
De l'immigration interne, à l'immigration internationale
D'ailleurs l'immigration, avant même de concerner les travailleurs d'autres pays, a concerné le pays lui-même. Le développement du capitalisme a nécessité la transformation des paysans en ouvriers. Avant la prétendue "concurrence" des travailleurs venus d'Europe de l'Est, d'Afrique ou d'Asie, il y a eu ceux venus de Bretagne ou d'Auvergne. Puis il y a eu la généralisation du travail des femmes.
Mais très tôt l'immigration a touché, en fonction des besoins des patrons des villes et des campagnes, les pays limitrophes. En Belgique, la région des Flandres, pauvre et sous-développée jusqu'au début du XXe siècle, a ainsi servi de réservoir de main-d'oeuvre pour les grands propriétaires betteraviers du Nord et de Picardie, avant de fournir des ouvriers aux usines. Les Italiens, les Espagnols suivirent la même voie à partir du sud de la France, à tel point que des corporations, comme le bâtiment par exemple, furent dominées par les nouvelles immigrations successives. Puis, entre les deux guerres, ce furent les Polonais pour les patrons des mines du Nord, dont 200000 furent rapatriés de façon démagogique en 1932, pour tenter de justifier les sacrifices demandés aux travailleurs dans le pays, ou encore les travailleurs des colonies, comme ceux de l'ancienne Indochine.
Et dans les années 1960-1970 ce fut le tour des travailleurs venus du Portugal. Pour faire face aux besoins de la grande industrie, pour l'automobile par exemple, les représentants des entreprises allèrent directement recruter au Maroc ou en Afrique noire pour trouver la main-d'oeuvre dont ils avaient besoin.
Quelle réponse pour le mouvement ouvrier?
Depuis son origine, et de façon plus aiguë en période de crise et de récession, le mouvement ouvrier a été confronté au problème de l'attitude à adopter envers les travailleurs des autres pays. La réponse de sa partie la plus consciente, aux côtés de Marx, fut d'affirmer qu'il y avait une opposition fondamentale entre les intérêts des travailleurs et ceux de leurs patrons respectifs, et que la classe ouvrière était une seule et même classe à l'échelle internationale, liée fondamentalement par ses intérêts communs. C'est ainsi que, lorsque naquit en 1864 l'Association Internationale des Travailleurs, son mot d'ordre fut "Prolétaires de tous les pays, unissez-vous", justement pour répondre à tous ceux qui auraient voulu que les travailleurs considèrent leurs frères des autres pays comme des concurrents à combattre.
Les capitalistes, les patrons, organisent leur production en fonction de leurs seuls besoins. Quand ils ont besoin des travailleurs, ils en embauchent, le moins cher possible, et quand ils n'en ont plus besoin ou qu'ils peuvent gagner plus en limitant la production ou en surexploitant les autres travailleurs, ils les jettent à la rue. Comme on peut s'y attendre de leur part, ils demandent que leurs salariés acceptent tous les sacrifices pour garantir leurs profits, en affirmant sans vergogne que leurs salariés doivent se soumettre, pour leur permettre de prendre des parts de marché à leurs concurrents du moment. Bref que, s'ils veulent garder leur emploi, les salariés doivent tout accepter.
L'alignement des partis réformistes derrière la bourgeoisie
Quant aux partis politiques, même quand ils prétendent défendre les intérêts des classes populaires, de façon plus ou moins crue, ou de façon plus alambiquée, tous affirment que le sort des salariés serait totalement lié à la bonne marche des affaires de leur patron. Cette solidarité à peine voilée du PS et du PC avec les patrons nationaux a amené le PCF, à une époque pas très lointaine, à recouvrir les murs du pays avec le mot d'ordre de "Produisons français", idée que la CGT reprend encore à l'occasion, en parlant de "la défense des intérêts nationaux". En fait, tous ces partis qui se disent réformistes ou ces syndicats sont en réalité des organisations qui, à leur place, défendent les patrons et leur système. Car ces arguments veulent dire en clair que les travailleurs de ce pays auraient des intérêts communs avec leurs patrons "français" face à "l'étranger"; et de "l'étranger" aux travailleurs immigrés, il n'y a qu'un pas que d'autres ont franchi sans complexes, à droite et à l'extrême droite. Car la suite logique de cette démagogie politique est qu'il faudrait faire barrage à ceux-ci et que, si on fermait les frontières, voire, pour les plus extrêmes, si on les renvoyait chez eux, cela permettrait aux autres travailleurs de garder leur emploi. Ce qui est une duperie, car les licenciements ou les attaques sur une partie des travailleurs, immigrés ou pas, n'a jamais protégé les autres travailleurs des mauvais coups de leur patron, bien au contraire. Une fois que les patrons ont pu imposer leur loi, grâce à cette division entre travailleurs, ils en ont toujours profité pour s'en prendre avec encore plus de brutalité à tous.
S'unir pour être plus forts
De solution définitive au chômage et à la surexploitation, il ne pourra y en avoir que quand les capitalistes auront été expropriés de toutes leurs citadelles dans le monde et quand l'économie aura été réorganisée pour servir l'intérêt commun. Mais être "efficace", c'est déjà aujourd'hui s'opposer avec le maximum de force aux licenciements et à tous les mauvais coups des patrons. Cela veut dire s'unir dans une lutte commune, qu'on soit ouvrier français ou venu d'Europe de l'Est, d'Afrique ou d'Asie, qu'on soit sans papiers ou titulaire de la carte d'identité nationale. Il est vital pour les travailleurs, s'ils veulent s'opposer à l'offensive patronale, de briser toutes les divisions qu'on essaie de mettre entre eux. Le nationalisme, la xénophobie, le patriotisme, sous toutes ses formes, économique ou politique, sont le poison avec lequel ceux qui sont dans le camp de la bourgeoisie essayent de faire oublier aux travailleurs qu'ils ont des intérêts communs et que ce n'est qu'ensemble, unis par-delà les nationalités, qu'ils peuvent faire reculer leurs adversaires. La classe ouvrière ne pourra arracher ses revendications que si elle affirme ses intérêts communs, l'unité indissociable du combat des travailleurs de tous les pays.