Éducation : Trente gouttes d’eau dans la mer18/05/20062006Journal/medias/journalnumero/images/2006/05/une1972.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Éducation : Trente gouttes d’eau dans la mer

L'Éducation nationale vient d'annoncer qu'elle allait consacrer des crédits suffisants pour que trente élèves venant de «milieux défavorisés» (des boursiers de familles populaires) soient accueillis au lycée Henri IV à Paris, un des établissements les plus réputés, et qu'ainsi ils puissent accéder au bout d'un an aux classes préparatoires aux grandes écoles.

Ils seront logés en internat près de leur nouveau lycée, bénéficieront d'un tuteur pour deux élèves, auront les meilleurs professeurs, des heures de cours en quantité suffisante, accès aux musées, spectacles et bibliothèques dont ils auront besoin et le soutien individuel leur sera dispensé sans compter. Bref, l'école jouera auprès de ces jeunes triés sur le volet le rôle qu'elle devrait avoir pour tous les jeunes qui en ont besoin.

Ainsi trente élèves auront la possibilité de préparer avec quelque chance de réussite les concours d'entrée aux grandes écoles dans lesquelles se forment une partie des futurs cadres de la société bourgeoise. Trente élèves! Alors que des centaines de milliers ne peuvent accéder au minimum de culture tout simplement parce qu'ils ne maîtrisent pas la langue ou même qu'ils ne savent pas lire et écrire. Quinze tuteurs! Alors qu'il faudrait des dizaines de milliers d'enseignants supplémentaires, en particulier dans les petites classes, pour que les enfants puissent apprendre à apprendre. On crée une classe pilote au lycée Henri IV, déjà l'un des mieux dotés, et on le fait savoir comme une grande nouvelle, alors que des milliers de postes d'enseignants, de surveillants, d'infirmières etc. sont supprimés cette année encore, alors que dans des centaines de collèges et lycées s'éduquer devient une entreprise de plus en plus hors de portée.

Villepin, ou son successeur, aura «ses» trente jeunes exemplaires comme les dames patronnesses avaient «leurs» pauvres méritants et comme les clubs de foot et le showbiz ont leurs gosses de banlieue devenus millionnaires. Ils seront peut-être capables de transformer quelques enfants de travailleurs immigrés en cadres dirigeants conformistes et même, après une génération, en capitalistes qui trouveront indispensable qu'on réduise les crédits des services publics. À moins que cet accès à la culture ne permette à quelques-uns de prendre conscience de la nécessité de changer cette société.

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