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Brésil : La campagne électorale est commencée
Au Brésil la campagne électorale ne commencera officiellement qu'au mois de juillet. Le premier tour des élections pour les postes de président de la République, de gouverneurs d'État, de sénateurs, de députés fédéraux et députés d'État doit se dérouler en octobre.
Il n'empêche que le duel est commencé entre Geraldo Alkmin, qui est le candidat de la droite, et le président en exercice Lula, qui ne s'est pas encore déclaré mais qui représentera le Parti des Travailleurs et ses alliés.
Une loi adoptée en 2002 prétendait imposer aux politiciens de chaque parti qu'ils concluent les mêmes alliances, depuis le Parlement régional jusqu'à la présidence de la République. Son application vient d'être repoussée à plus tard, pour le plus grand bonheur des candidats. Ils vont ainsi pouvoir s'adonner à tous les marchandages possibles en vue de ces alliances, ce qui aboutit souvent à ce qu'un politicien ultraréactionnaire ait parmi ses alliés des politiciens se disant de gauche, voire communistes.
Geraldo Alkmin s'est imposé à son parti, le Parti de la Social-Démocratie Brésilienne de l'ex-président Cardoso. Il a quitté son poste de gouverneur de l'État de Sao Paulo, à la veille des émeutes dans les prisons qui ont paralysé l'État et la ville à la mi-juin: une vague d'attentats déclenchée contre la police par une bande criminelle, le «Premier Commandement de la Capitale», a été suivie de raids terroristes de la police contre les quartiers de banlieue soupçonnés d'abriter des délinquants.
Cet épisode, qui révélait la puissance des gangs en même temps que la corruption de la police et son mépris des lois, a alimenté la querelle électorale. Les partisans de Lula ont accusé Alkmin d'avoir laissé Sao Paulo dans un triste état d'insécurité. Et la droite a accusé le PT, le gouvernement et Lula de n'avoir rien fait pour réduire la criminalité au niveau de l'ensemble du pays.
Il en est de même des scandales de corruption, qui continuent à fleurir. Le dernier en date est une affaire de surfacturation d'ambulances, dont le produit allait dans la poche de politiciens, alors que les hôpitaux manquent bien souvent de tout. Ce scandale dit «des sangsues» impliquerait 285 députés et sénateurs. Cette corruption touche aussi bien la gauche que la droite, et permet donc à l'infini des accusations croisées -la Chambre votant avec une belle solidarité l'acquittement des «ripoux», y compris de ceux qui ont avoué.
Lula, candidat non déclaré, profite de sa position officielle pour faire campagne sans retenue, multipliant les voyages dans les différents États, les promesses de subventions ou de grands travaux. Il met en avant son bilan. Devant les bourgeois, il fait valoir la bonne tenue de la monnaie, le real, une certaine reprise économique, les exportations en hausse et les profits records des entreprises et des banques. Toute une partie du patronat est de son côté, y compris le président de la FIESP, qui tient au Brésil le rôle du Medef.
Du côté des classes laborieuses, Lula met en avant les programmes d'assistance qu'il a lancés, en exagérant le plus souvent leur bilan, et une certaine hausse du salaire minimum. La confédération syndicale CUT l'appuie, bien sûr: il a participé à sa création, il a nommé ministre son précédent président et son appareil est organiquement lié au PT. Quant à la centrale Conlutas qui vient de tenir son congrès fondateur, animée par l'extrême gauche, elle n'est pas de force à concurrencer sérieusement la CUT.
Pourtant, malgré les beaux discours des ministres et des dirigeants syndicaux, les problèmes des travailleurs demeurent. Si le salaire minimum a augmenté, tout en restant très bas, l'ensemble des salaires a assez nettement baissé -ce qui permet aux statisticiens de dire que l'égalité salariale a progressé. Les enseignants en particulier continuent à mener de longues luttes pour les embauches et les salaires. Les licenciements continuent, y compris dans de très grosses entreprises: Volkswagen a annoncé 5 800 suppressions de postes.
Le Mouvement des sans-terre (MST) critique la lenteur de la réforme agraire, tout en soutenant Lula et le gouvernement, tandis qu'une dissidence, le Mouvement de libération des sans-terre (MLST), a envahi la Chambre des députés le 6 juin, se heurtant à la police qui a arrêté plus de 500 militants.
Ce n'est bien sûr pas la droite ni Alkmin qui vont résoudre le problème des bas salaires, du chômage, et de la question agraire, eux qui ne cessent de dénoncer les revendications exagérées des travailleurs et les violences des sans-terre. C'est sans doute parce que beaucoup en sont conscients que Lula bénéficie de sondages favorables et pourrait même être réélu dès le premier tour. Mais si c'est le cas, cela traduit le refus de la droite, bien plus qu'une réelle confiance en Lula.