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- Lutte ouvrière n°1982
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Leur société
La canicule dans les entreprises : Une exploitation d’enfer!
ll a fallu quatre morts, quatre travailleurs directement victimes de la canicule pendant leur travail - et ce bilan risque malheureusement d'être provisoire - pour que l'on fasse une fois de plus le constat qu'aucune obligation ne figure dans le code du travail imposant à un patron de réduire les activités dans son entreprise, ou même de les arrêter, si nécessaire, quand les conditions climatiques y deviennent insupportables, et peuvent y devenir mortelles.
Pourtant ce n'est pas la première fois qu'une vague de chaleur de cette importance se manifeste dans ce pays. Sans même éplucher les statistiques, il est certain que des morts au travail provoquées par la chaleur, il y en a déjà eu. En 2003, le nombre considérable des morts a sans doute masqué le nombre de ceux qui ont succombé victimes de la chaleur au travail, mais aussi victimes de la rapacité de leurs exploiteurs. D'ailleurs, il n'y a pas besoin que les coefficients atteignent le degré 4, qui marque le niveau de canicule, pour que les conditions de travail dépassent, dans nombre d'ateliers, les limites du supportable.
Car pour les patrons, pas de répit ni de temps morts pour faire du profit. L'expression «suer sang et eau» n'est pas qu'une image, elle est trop souvent une réalité immédiate, concrète, subie par des milliers d'hommes et de femmes au travail. Quand dans des entreprises, on trouve des bureaux disposant de l'air conditionné (en dehors de ceux des cadres dirigeants), des salles climatisées, c'est bien souvent parce qu'il faut éviter la surchauffe pour que les systèmes informatiques fonctionnent. On est bien moins attentionné pour les salariés. Dans la plupart des cas, rien n'est prévu. Ni pour ceux qui travaillent à l'extérieur (dans la construction, dans l'entretien des routes, sur les voies de chemin de fer, dans le transport, car nombre de camions n'ont pas la climatisation) ou dans des locaux qui sont peut-être adaptés aux machines mais pas aux travailleurs qui les font fonctionner (avec des verrières, des toitures métalliques). D'autant que, la plupart du temps, ces machines génèrent une chaleur qui ajoute à la température ambiante.
Un reportage télévisé montrait récemment une fonderie d'aluminium où il faisait déjà 60° à l'arrivée de l'équipe du matin! Sans parler de cette usine des Vosges qui fabrique des climatiseurs, où il fait 40° dans les ateliers et où les salariés se battent pour avoir... la climatisation! Autre exemple avec les constructeurs automobiles qui proposent leurs voitures avec climatisation en option pour 1 euro supplémentaire mais refusent d'investir pour l'installer dans leurs ateliers. Ces situations n'ont rien d'exceptionnel.
Le code du travail est muet sur cette situation, et se limite à quelques considérations d'ordre général sur la protection de la santé des salariés. Quant à la Caisse nationale d'assurance maladie, elle «recommande» d'évacuer les bureaux où la température dépasse les 34°. Il existe, il est vrai, dans la législation un «droit de retrait» qui autorise les salariés à arrêter le travail s'ils estiment qu'il y a un «danger grave et imminent» pour leur santé. Mais qui est en situation de juger qu'il se trouve en «danger grave et imminent», et surtout de s'autoriser à arrêter son travail, dans un cadre où ce sont les patrons et leur maîtrise qui seuls décident de l'application du règlement intérieur?
La canicule actuelle ne fait que révéler ce qui existe et subsiste depuis des décennies: ce n'est pas le «législateur» qui se préoccupera de mettre certaines limites à l'exploitation... si les travailleurs eux-mêmes ne les imposent pas.