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Mai 1967 en Guadeloupe : Les troupes coloniales tiraient sur la population
Il y a quarante ans, les 26, 27 et 28 mai 1967, les gardes mobiles tiraient sur les travailleurs et la population dans les rues de Pointe-à-Pitre, faisant plusieurs dizaines de morts et de blessés. Une série de manifestations commémoratives ont lieu durant tout le mois de mai en Guadeloupe. Ce qui est entré dans l'histoire des Antilles sous le nom " Mai 67 " reste inconnu de très nombreux jeunes. D'où aussi la volonté de plusieurs organisations, personnalités et syndicats de donner plus d'ampleur cette année à ces manifestations.
Le 26 mai 1967, une foule se rassembla devant la Chambre de commerce de Pointe-à-Pitre, alors à proximité de la place de la Victoire. Parmi ces manifestants, on comptait de nombreux ouvriers du bâtiment en grève, qui réclamaient 2 % d'augmentation de salaire. Ils étaient venus soutenir leurs représentants syndicaux qui négociaient avec les patrons dans les locaux de la Chambre de commerce.
En grève déjà depuis plusieurs jours, les travailleurs étaient particulièrement excédés par l'arrogance et l'intransigeance patronales. Parmi les manifestants figuraient aussi quelques militants et sympathisants du GONG (Groupe d'organisation nationaliste de la Guadeloupe), première organisation indépendantiste et nationaliste de l'île.
Le bruit courut dans la population qu'un des patrons - ceux-ci étaient comme aujourd'hui quasiment tous des Blancs, " békés " ou venant de France - aurait déclaré : " Quand les nègres auront faim, ils céderont. " Ces paroles ont-elles vraiment été prononcées ? Quoi qu'il en fût, vraie ou fausse, cette rumeur accrut l'exaspération. Des conques de gros coquillages (les lambis) furent lancées sur les gardes mobiles, dont quelques-uns furent blessés. Puis, sans sommation, ceux-ci ouvrirent le feu. Le premier tué fut un militant connu du GONG, Jacques Nestor, touché odieusement dans le dos. Immédiatement après, les gardes mobiles tirèrent dans toutes les directions, faisant morts et blessés.
Ensuite, il en fut ainsi durant trois jours et trois nuits. Des groupes de manifestants se formèrent et prirent des armes : fusils ou coutelas. Plusieurs gardes mobiles furent aussi blessés grièvement. Certains manifestants tentèrent de dresser des barricades à la tombée de la nuit. Plusieurs furent blessés. Les nuits furent sanglantes.
Des corps furent ramassés criblés de balles. On se rendit compte que les gardes mobiles utilisaient des balles dum-dum, c'est-à-dire qui explosaient après pénétration. Les noms de Taret, Tidas restent encore dans les mémoires. L'un d'entre eux fut tué à la veillée mortuaire du premier dans un quartier populaire des Abymes. Solange Coudrieux, l'un des blessés les plus connus, professeur de gymnastique, eut la jambe arrachée et dut être amputé. Il témoigne encore aujourd'hui de ce qu'il a pu vivre.
Des dizaines de jeunes furent arrêtés, parfois tout simplement parce qu'ils avaient des pierres dans leurs poches. Certains furent condamnés à près d'un an de prison ferme, comme Guy Jean Baptiste, aujourd'hui militant nationaliste connu. Mais de nombreux anonymes, des jeunes des quartiers, connurent la prison.
Le 27 mai, les lycéens du lycée de Baimbridge organisèrent une manifestation de protestation, du lycée jusqu'à la sous-préfecture de Pointeà-Pitre. C'était particulièrement courageux, car les forces de l'ordre, présentes, balles engagées, auraient pu tirer sur eux. Mais il n'en fut rien.