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France - Rwanda : Kouchner veut s'exonérer des massacres passés
Bernard Kouchner, le ministre des Affaires étrangères, tente de renouer les liens entre la France et le Rwanda. Or, ils sont coupés depuis que le juge Bruguière a lancé des mandats d'arrêts contre neuf dirigeants de ce pays et accusé le président Paul Kagamé d'avoir organisé l'attentat meurtrier contre le précédent dictateur du pays, Habyarimana. C'est à la suite de cet attentat que les partisans d'Habyarimana avaient déclenché, le 7 avril 1994, un véritable génocide des Tutsi, mais aussi des Hutu opposants au régime, qui avait fait entre huit cent mille et un million de victimes.
Tout en sachant que, depuis des années, ces affrontements " ethniques " se préparaient, le gouvernement de l'époque, celui de Mitterrand-Balladur, avait poursuivi la politique de ventes d'armes et d'assistance militaire au gouvernement d'Habyarimana. Il continua sur la même ligne, mit sur pied une intervention de l'armée française, l'opération " Turquoise " qui, sous prétexte d'action humanitaire, aida les miliciens hutus organisateurs des massacres à échapper aux troupes de Paul Kagamé et même à poursuivre leurs exactions. L'impérialisme français défendait ses protégés et s'opposait bec et ongles à l'influence d'un nouvel aspirant à la dictature soutenu, lui, par l'impérialisme américain. L'intervention " humanitaire " servait à couvrir les assassins.
À l'époque, le chargé de mission spéciale au Rwanda fut Bernard Kouchner ; au nom de la protection des populations, il prôna, comme le reste du gouvernement, l'intervention militaire, en ajoutant simplement qu'il fallait " bien en mesurer les conséquences ", selon une note officielle au président de la République.
On a vu quelles en furent les conséquences. Mais celle qui chagrine le plus sans doute le gouvernement de Sarkozy et son actuel ministre, c'est la perte d'influence de l'impérialisme français sur une partie de l'Afrique qu'il avait gardée sous sa coupe pendant des décennies. Voilà pourquoi l'Élysée et Kouchner essaient donc de réconcilier la France et le Rwanda, tout en continuant à nier toute responsabilité de la France dans les massacres de 1994.
À ce sujet, Kouchner évoque tout au plus des " erreurs politiques " ! De façon très enveloppée, il a essayé de prendre quelques distances d'avec le juge Bruguière en affirmant qu'en ce qui concerne l'attentat, " d'un côté comme de l'autre, les preuves semblent minces " ; et récemment, le gouvernement français a même appuyé, pour commander la force d'intervention au Darfour, la candidature d'un général rwandais, proche de Kagamé, et soupçonné de crimes de guerre au Rwanda et au Congo !
Cela suffira-t-il à rentrer dans les bonnes grâces de l'homme fort actuellement au pouvoir, qui a peut-être bien des raisons de préférer un autre soutien ? Quoi qu'il en soit, lâcher un dictateur pour en soutenir un autre, c'est bien le seul changement de politique que peut envisager l'impérialisme français, sans oublier, bien sûr, un discours compatissant pour les populations qui souffrent...