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- Lutte ouvrière n°2049
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Tribune de la minorité
Coucher dehors avec un billet de logement « opposable » !
Christine Boutin, ministre de la ville et du logement, vient de justifier la énième évacuation policière des mal logés de la rue de la Banque. Par l'intérêt général des mal logés ! Comme tous les notables qui font expulser, elle prétend agir au nom de ceux qui attendent sur des listes depuis des années, contre les malotrus qui voudraient leur passer devant !
Rue de la Banque, en plein coeur des affaires de la Bourse de Paris, 300 familles environ campaient dans la rue, depuis le début octobre, pour protester contre leurs conditions d'hébergement et exiger une solution décente de relogement. Il s'agit de travailleurs dont le revenu est trop faible pour qu'un propriétaire privé accepte de leur louer un appartement. Les demandes de logement HLM mettent des années à aboutir. C'est donc la galère des hôtels avec une famille nombreuse, une chambre minuscule, et pas de possibilité de faire la cuisine ; quand ce ne sont pas les taudis insalubres loués à prix d'or, où des mômes s'intoxiquent irréversiblement au plomb, comme un procès vient de le rappeler. Et la crainte permanente de se retrouver complètement à la rue.
La situation est de plus en plus dramatique pour l'ensemble des classes populaires. Extrêmement difficile de se loger à un prix abordable, ou souvent avec des temps de transports très allongés. L'augmentation délirante des prix des loyers (37,7 % entre 1998 et 2006) pèse sur tous les budgets.
Mais qu'à cela ne tienne, le gouvernement est satisfait.
Patience, il y aura de nouveaux logements ! Certes la ministre Christine Boutin ne pourra pas faire grand chose pour les faire construire en 2008, mais « en 2012, là je pense que ça ira très bien ». Comme il en faudrait au moins un million dans les prochaines années... est-ce que ce sera pour 2012, pour 2040 ou pour la Saint Glinglin ?
Patience, un comité chargé par Nicolas Sarkozy de faire des propositions vient de rendre sa copie. Pour la région parisienne par exemple, secteur en France où la situation du logement est la plus catastrophique, il propose un « plan Marshall » de construction de... 30 000 logements sociaux par an. À qui en sera imposée la construction ? Aux maires que la loi oblige déjà à en construire 20 %, mais qui s'y refusent pour beaucoup, à commencer par les amis de Nicolas Sarkozy ?
Patience, il y aura aussi de nouveaux propriétaires ! Là, on peut probablement croire Sarkozy et Boutin, qui ont annoncé leur intention d'imposer aux organismes de HLM la vente d'au moins 40 000 logements par an et de favoriser les prêts hypothécaires pour inciter les ménages à « l'accession à la propriété ». Chaque année, 30 000 logements sociaux à construire mais 40 000 à retirer du parc, le résultat est négatif ! Par ailleurs, la « France des propriétaires » de Sarkozy, cela veut dire aider les banques et la spéculation immobilière, déjà responsables de la hausse des prix, et pousser les familles modestes à s'endetter encore plus ! Ce sont précisément ces mécanismes qui sont à l'origine de la crise immobilière et financière aux USA, qui menace l'économie mondiale et a déjà jeté hors de leur logement des centaines de milliers de travailleurs américains.
Mais patience, il y aura aussi, dès le début janvier, cette fameuse loi « Dalo », ou « droit au logement opposable ». Offrant théoriquement un toit aux « locataires menacés d'expulsion sans relogement ». Boutin se pencherait sur les dossiers des familles de la rue de la Banque pour examiner si elles répondraient aux critères... Une véritable fumisterie, quand on sait quels efforts elle a précisément déployés récemment, devant le parlement, pour que la loi et ses décrets permettent le moins d'applications possibles !
La « trêve hivernale » qui a commencé le 1er novembre, et protège de l'expulsion en plein hiver certains locataires (mais pas tous), ne résoudra pas non plus la question.
Les mal logés ont raison d'exprimer leur refus d'être les victimes des « marchands de sommeil » et des requins de l'immobilier. Salaires, emplois, mais logement aussi, doivent être mis au programme général de lutte de tous les travailleurs. En commençant, pour le logement, par la réquisition des logements vides que les propriétaires refusent de louer souvent pour des raisons spéculatives, et par la mise en chantier des 2 millions de logements qui manquent à l'échelle du pays et pourraient être financés sur l'argent aujourd'hui versé à fonds perdus au patronat.