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Pakistan : Le général Musharraf tente de conserver le pouvoir
Samedi 3 novembre le président du Pakistan, le général Pervez Musharraf, a choisi de décréter l'état d'urgence, huit ans près le coup d'État qui l'avait amené au pouvoir en 1999.
La Cour suprême pakistanaise devait se prononcer ces jours-ci sur la validité de sa réélection à la présidence le 6 octobre dernier. En effet depuis 2001 il a accepté d'afficher un semblant de démocratie. Formellement son élection était acquise, puisque les assemblées nationales et provinciales qui l'ont élu le soutiennent. Mais le général est en conflit depuis plusieurs mois avec le pouvoir judiciaire. Méfiant, il a préféré suspendre toutes les libertés démocratiques. Quelque 1 500 personnes ont été arrêtées, principalement les avocats et les magistrats qui le contestent, mais aussi des dirigeants des partis politiques. Il a également suspendu les chaînes de télévision non-gouvernementales et les réseaux de téléphone mobile.
Ce choix du général Musharraf lui a valu des remontrances de Washington, qui le soutenait jusque-là sans la moindre critique. Il a en effet renversé le paravent démocratique déployé par les États-Unis au Pakistan, les élections annoncées pour janvier prochain et l'arrangement qui prévoyait le retour sur la scène politique de Benazir Bhutto, censé offrir un semblant d'alternative parlementaire. Avant de rentrer au Pakistan, elle avait pris soin de déclarer qu'elle soutenait l'intervention en Afghanistan et que le « Pakistan resterait un allié ferme des États-Unis ».
Le Pakistan est un satellite des États-Unis. Mais les attentats du 9 septembre 2001 ont changé sa position. Le Pakistan compte une majorité de musulmans et est doté de l'arme nucléaire. Il sert de base arrière aux talibans afghans. Tout cela aurait dû l'inscrire sur la liste des États mis à l'index par les États-Unis, avec l'Afghanistan, l'Irak et l'Iran. Mais les États-Unis ont choisi, au contraire, de l'épauler et de le mobiliser contre les talibans afghans. Musharraf a donc reçu une aide financière et militaire comme jamais auparavant. Les États-Unis espéraient ainsi disposer d'un allié dans cette région, et Musharraf entendait en tirer une plus grande longévité politique.
Musharraf a parfois livré des islamistes aux États-Unis, mais ceux-ci ont poursuivi leurs incursions en Afghanistan. Cela a obligé l'armée pakistanaise à se déployer le long de sa frontière commune avec ce pays. Et les talibans s'en sont pris aux troupes pakistanaises. Devant ses pertes croissantes, le Pakistan a tenté, sans succès, de négocier avec les talibans pour qu'ils cessent leurs attaques, avec pour conséquence d'augmenter la pression américaine à son égard. En octobre dernier, les États-Unis exigeaient du général Musharraf qu'il « transforme l'essentiel de son armée en une force anti-insurrectionnelle, entraînée à combattre Al-Qaida et ses soutiens extrémistes tout le long de la frontière ». Plus facile à dire qu'à faire, car une partie de l'armée est perméable à l'influence des talibans. L'armée affronte aussi des groupes tribaux, s'oppose à des trafiquants de drogue et divers gangs, et là aussi elle est perméable à la corruption.
La pression américaine sur le Pakistan, et tout le reste, a affaibli la position de l'armée, base du régime de Musharraf. C'est ce qui avait conduit les États-Unis a envisager une autre solution avec le retour de Benazir Bhutto, issue d'une famille de grands propriétaires, fille d'un ancien dirigeant du pays exécuté par l'armée. Musharraf fait le pari que les États-Unis, ne pouvant prendre le risque que le Pakistan sombre dans un chaos qui profiterait aux islamistes, continueront de le soutenir. Mais ils pourraient aussi lui trouver un successeur... au sein de l'armée.
En attendant, les États-Unis récoltent ce qu'ils ont semé en intervenant militairement en Afghanistan et en Irak, rendant encore plus instable une région déjà explosive.